[2: Le grand-duc héritier avait été malade quelque temps avant l'époque de son arrivée à Ems.]
[3: Trois années écoulées et un changement de règne, ont déjà enlevé à cette remarque une grande partie de son à-propos.]
[4: Ne se trouvera-t-il pas en France un certain nombre d'hommes qui se consacreraient à reproduire chez nous cette salutaire institution fondée depuis longtemps en Prusse?]
[5: Femme de la halle.]
[6: En corrigeant les épreuves de cette lettre, je reçois une copie littérale, et longtemps égarée, de celle de mon grand-père, que je crois pouvoir insérer ici. La noblesse et la simplicité de langage du condamné justifient tout ce que j'ai dit de lui plus haut.
«Adieu, mon fils, adieu. Conservez le souvenir d'un père qui vit arriver la mort avec tranquillité. Je n'emporte qu'un regret, c'est celui de vous laisser un nom qu'un jugement fera croire un instant coupable de trahison, par quelques hommes crédules. Réhabilitez ma mémoire, quand vous le pourrez; si vous obteniez mes correspondances, ce serait chose bien facile. Vivez pour votre aimable femme, pour votre sœur que j'embrasse; aimez-vous, aimez-moi.
«Je crois que je verrai arriver avec calme ma dernière heure; au reste il faut y être arrivé.
«Adieu encore, adieu,
«Votre père, votre ami.»
«C.
28 août à dix heures du soir 1793. ]
[7: Une des principales causes du malentendu, c'est que beaucoup de gens croient que les mots gentlemen et gentilhomme sont synonymes.]
[8: Alors régent, plus tard Roi, sous le nom de George IV.]
[9: L'auteur s'en rapporte au lecteur de bonne foi pour accorder ses apparentes contradictions; apprendre, c'est se contredire; et de ces divers retours qu'on fait sur les choses et sur soi-même sort une opinion définitive la plus raisonnable qu'il soit possible d'indiquer; la formuler définitivement appartient au philosophe, mais le voyageur doit rester dans son rôle; il y a un degré de conséquence qui n'est qu'à la portée du mensonge: ce n'est pas à celui-là que j'aspire.]
[10: Chez les Russes le souverain s'est appelé longtemps Grand-Prince.]
[11: L'engourdissement prolongé des Slaves est la conséquence de ces siècles d'esclavage, espèce de torture politique qui démoralise ensemble et les uns par les autres, les peuples et les rois.]
[12: La bonne foi dont je fais profession ne m'a pas permis de rien retrancher à cette lettre: seulement je prie de nouveau le lecteur qui voudra bien me suivre jusqu'au bout d'attendre pour se former une opinion sur la Russie qu'il ait pu comparer entre eux mes divers jugements avant et après le voyage.]
[13: Écrit le 10 juin 1839.]
[14: Pierre Ier n'a pris le titre d'empereur qu'en 1721.]
[15: Dickens, dans son voyage aux États-Unis, dit que la même chose a lieu aujourd'hui en Amérique.]
[16: L'auteur a assisté lui-même à ce désenchantement lors de son retour de Moscou.]
[17: Schnitzler est l'auteur de la meilleure statistique qu'on ait faite sur la Russie.]
[18: On lit dans M. de Ségur les faits suivants: «Pierre, lui-même, a interrogé ces criminels (les Strélitz) par la torture; puis, à l'imitation d'Iwan-le-Tyran, il se fait leur juge, leur bourreau, il force ses nobles, restés fidèles, à trancher les têtes des nobles coupables, qu'ils viennent de condamner. Le cruel, du haut de son trône, assiste d'un œil sec à ces exécutions; il fait plus, il mêle aux joies des festins l'horreur des supplices. Ivre de vin et de sang, le verre d'une main, la hache de l'autre, en une seule heure vingt libations successives marquent la chute de vingt têtes de Strélitz, qu'il abat à ses pieds, en s'enorgueillissant de son horrible adresse. L'année d'après, le contre-coup, soit du soulèvement de ses janissaires, soit de l'atrocité de leur supplice, retentit au loin dans l'Empire, d'autres révoltes éclatent. Quatre-vingts Strélitz, chargés de chaînes, sont traînés d'Azoph à Moscou; et leurs têtes, qu'un boyard tient successivement par les cheveux, tombent encore sous la hache du Czar.» Histoire de Russie et de Pierre-le-Grand, par M. le général comte de Ségur, pages 327 et 328. Paris, Baudouin, 1820, deuxième édition.]
LA RUSSIE EN 1839
PAR
LE MARQUIS DE CUSTINE
«Respectez surtout les étrangers, de quelque qualité, de quelque rang qu'ils soient, et si vous n'êtes pas à même de les combler de présents, prodiguez-leur au moins des marques de bienveillance, puisque de la manière dont ils sont traités dans un pays dépend le bien et le mal qu'ils en disent en retournant dans le leur.»
(Extrait des conseils de Vladimir Monomaque à ses enfants en 1126. Histoire de l'Empire de Russie, par Karamsin, t. II, p. 205.)
TOME DEUXIÈME
PARIS LIBRAIRIE D'AMYOT, ÉDITEUR 6, RUE DE LA PAIX
1843
LA LETTRE ONZIÈME.
Rapprochement des dates: 14 juillet 1789: prise de la Bastille: 14 juillet 1839: mariage du petit-fils de M. de Beauharnais.—Chapelle de la cour.—Première impression produite par la physionomie de l'Empereur.—Conséquences du despotisme pour le despote.—Portrait de l'Empereur Nicolas.—Caractère de sa physionomie.—L'Impératrice.—Son air souffrant.—Esclavage de tous.—L'Impératrice n'a pas la liberté d'être malade.—Danger des voyages pour les Russes.—Abords du palais.—Mon entrée à la cour.—Accident risible.—Chapelle Impériale.—Magnificence des décorations et des costumes.—Entrée de la famille Impériale.—Fautes d'étiquette réparées: par qui?—M. de Pahlen tient la couronne sur la tête du marié.—Réflexion.—Émotion de l'Impératrice.—Portrait du jeune duc de Leuchtenberg.—Son impatience.—Pruderie du langage actuel.—Ce qui la cause.—Musique de la chapelle Impériale.—Vieux chants grecs arrangés autrefois par des compositeurs italiens.—Effet merveilleux de cette musique.—Te Deum.—L'archevêque.—L'Empereur lui baise la main.—Impassibilité du duc de Leuchtenberg.—Son air défiant.—Position fausse.—Souvenir de la terreur.—Talisman de M. de Beauharnais.—C'est moi qui le possède.—Point de foule, on ne sait ce que c'est en Russie.—Immensité des places publiques.—Tout paraît petit dans un pays où l'espace est sans bornes.—La colonne d'Alexandre.—L'amirauté.—L'église de Saint-Isaac.—Place qui est une plaine.—Le sentiment de l'art manque aux Russes.—Quelle eût été l'architecture propre à leur climat et à leur pays.—Le génie de l'Orient plane sur la Russie.—Le granit ne résiste pas aux hivers de Pétersbourg.—Char de triomphe.—Profanation de l'art antique.—Architectes russes.—Prétentions du despotisme à vaincre la nature.—Ouragan au moment du mariage.—L'Empereur.—Expressions diverses de son visage.—Caractère particulier de sa physionomie.—Ce que signifie le mot acteur en grec.—L'Empereur est toujours dans son rôle.—Quel attachement il inspire.—La cour de Russie.—L'Empereur est à plaindre.—Sa vie agitée.—L'Impératrice y succombe.—Influence de cette frivolité sur l'éducation de leurs enfants.—Ma présentation.—Nuances de politesse.—Mot de l'Empereur.—Le son de sa voix.—L'Impératrice.—Son affabilité.—Son langage.—Fête à la cour.—Surprise des courtisans en rentrant dans ce palais fermé depuis l'incendie.—Influence de l'air de la cour.—Courtisans à tous les étages de cette société.—Ils ne sont pas moins à plaindre que tous les autres hommes.—Danses de cour.—La polonaise.—La grande galerie.—Admiration des esprits positifs pour le despotisme.—Conditions imposées à chaque gouvernement.—La France n'a pas l'esprit de son gouvernement.—Le plaisir n'est pas le but de l'existence.—Autre galerie.—Souper.—Le khan des Kirguises.—La Reine de Géorgie.—Sa figure.—Le malheur ridicule perd ses droits.—L'apparence trompe, moins qu'on ne le croit.—Habit de cour russe.—Coiffure nationale.—Elle enlaidit les laides et embellit les belles.—Le Genevois à la table de l'Empereur.—Trait de politesse de ce prince.—La petite table.—Imperturbable sang-froid d'un Suisse.—Effet du soleil couchant vu par une fenêtre.—Nouvelle merveille des nuits du Nord.—Description.—La ville et le palais font contraste.—Rencontre inattendue.—L'Impératrice.—Autre point de vue sur la cour intérieure du palais.—Elle est remplie d'un peuple muet d'admiration.—Joie menteuse.—Conspiration contre la vérité.—Mot de madame de Staël.—Plaisirs désintéressés du peuple.—Philosophie du despotisme.