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Il se rebrancha sur le véhicule dont les lumières se déplaçaient dans la nuit.

À un moment donné il n'y eut plus d'intermittence. Les feux disparurent. Et ne réapparurent pas.

Nerveux, trop nerveux, il accéléra le train et la voiture se mit à rebondir de partout sur la piste caillouteuse. Il tomba sur la Nissan juste à la sortie d'un virage assez brusque, dans une côte pas trop raide, mais bien camouflée.

Elle était juste là. Tous feux éteints et les deux portières fermées. Il faillit percuter l'arrière de la bagnole malgré son coup de frein.

Il ne coupa pas le moteur et mit la main sous sa veste, prestement.

Au même instant un tonnerre de déflagrations éclata dans l'espace et les vitres explosèrent.

Il sentit son corps se recroqueviller d'instinct dans l'habitacle, alors que le Plexiglas retombait en une pluie coupante, et que des flammes trouaient la nuit, devant lui.

Le silence, tout aussi brutal que le tonnerre. Une voix éclatait, à l'extérieur, en anglais:

– La prochaine fois j'arrose toute la caisse, OK?

La voix provenait du côté avant droit. Où le pare-brise n'existait tout bonnement plus et où se tenait un type sur le versant de la colline, surgissant d'un gros rocher. Le type épaulait un fusil-mitrailleur massif et trapu, avec un gros viseur télescopique au-dessus. L'arme était encore fumante.

L'homme s'approchait lentement sans décoller son œil du viseur.

Koesler se rendit compte que la première rafale avait plombé le siège passager et la partie droite du capot, rendant le moteur inutilisable, mais le gardant miraculeusement en vie, lui. Sa main enserrait la crosse du revolver mais ne l'en sortait pas.

Une autre voix s'éleva en provenance du côté arrière gauche.

– Ne bougez surtout pas senhor.

En tournant la tête vers le rétroviseur extérieur, ce qu'il put voir n'était pas plus engageant.

Un type longeait la portière arrière, en braquant un gros fusil devant lui.

Koesler redressa lentement les mains, bien en vue au-dessus de lui.

Putain, cette fois-ci Mme Kristensen ne serait pas contente du tout.

– Qu'est-ce que vous comptez faire de lui?

Pinto désignait de son arme l'homme aux yeux gris, debout devant le capot de la Nissan, les mains liées dans le dos par une paire de menottes récupérée sur lui. Hugo avait placé le revolver du type à sa ceinture.

– Je ne sais pas encore, je réfléchis…

Il se leva du capot de la Nissan et plongea ses yeux dans ceux de leur traqueur.

L'homme qui avait rendu visite à Pinto dans l'après-midi avait laissé un chien de garde dans les parages. C'était ça. Et ce type avait réussi à suivre Anita l'autre soir, oui c'était ça, sûrement après sa visite à Pinto et il l'avait suivie jusqu'à Évora puis le reste du gang avait rappliqué.

Peut-être les mecs étaient-ils au courant de sa localisation actuelle. Il ne fallait pas traîner.

– Joachim, balancez sa caisse dans le fosse pour nous faire le passage, on va faire demi-tour.

Puis il observa attentivement le mec aux chveux bruns et aux yeux gris. Les cheveux étaient presque noirs mais les sourcils très clairs. Comme lui, ce type s'était teint les cheveux. L'homme fixait froidement un point obscur du paysage, Hugo considéra froidement la situation alors qu'il entendait Pinto ahaner pour pousser la voiture sur le flanc de la colline.

– You're in big, big trouble…, lâcha-t-il en enfournant la mitraillette dans son sac de sport. Il entendit le bruit de la voiture qui glissait le long de la pente, comme pour donner un contrepoint fatidique à ses paroles. Puis en le détaillant, saisi par il ne savait quelle drôle d'intuition:

– You're dutch?

Le type lui jeta un coup d'œil étonné involontaire.

Hugo reprit, en néerlandais cette fois:

– Tu es dans la merde jusqu'au cou. Est-ce que tu t'en rends compte?

Le type eut un rictus à la fois méchant et fataliste.

– Bon je t'explique en deux mots. T'as lu la presse. Toute ta putain d'équipe est fichue. Vous avez tué deux flics et vous avez toute la police du pays à vos trousses. Et ils sont en train de resserrer leur étau d'après ce que je sais. Si tu es un gars sérieux tu sais très exactement que vous ne pourrez rien faire quand deux ou trois cents flics vont cerner votre baraque. Deux, les flics savent où est Travis, tu piges?… et donc ils le protègent. Enfin, pour terminer, ta patronne a une brigade spéciale de la police d'Amsterdam aux fesses et elle n'en a plus pour longtemps non plus. Alice est sous haute surveillance, bien planquée.

Une simple illusion d'optique, ce petit virus. Il suffisait de s'appuyer sur la réalité et de la grossir légèrement, garantissant authenticité et efficience. Il vit le mec blêmir. Son mensonge avait tapé juste. Les types devaient commencer à devenir paranos, isolés quelque part dans un pays inconnu, avec toute la police du coin aux fesses. Le virus allait faire son effet.

– Donc voilà, vous allez tous vous retrouver en taule, si ta bande de pistoleros ne décide pas de se jouer un petit remake de Fort Alamo… Moi je te propose un marché. De quoi sauver ta peau.

Il vit le type émettre un nouveau rictus mais en le regardant droit dans les yeux cette fois-ci.

– Quel genre de marché?

– Ce à quoi tu t'attends, bien sûr. Tu passes de l'autre côté, avec nous, et j'essaye d'arranger le coup avec les flics.

– T'essayes d'arranger le coup avec les flics? C'est un marché à la con ton truc… Qui t'es?

Le type cherchait à gagner un peu de temps, visiblement. Ses copains n'étaient sans doute pas loin.

L'homme ne fixait pas de point bien particulier, mais l'ensemble de la Serra de Monchique, derrière Hugo, debout près du rétroviseur. Sa propre image avait été saisie par le miroir, fantôme de cuir noir, les yeux injectés de sang par le speed et la poudre et Hugo la percevait comme une sorte d'écran de télévision bizarrement vivant, interposé entre la réalité et lui.

– Je suis un privé, mentit-il effrontément, j'ai une licence et un port d'armes, ce que je peux faire d'autre c'est te tirer une rafale dans les jambes et appeler les flics de la première cabine que je trouverai, tu comprends mieux ce dont je veux parler maintenant?

L'homme garda le silence un long moment puis hocha la tête.

– Bon, d'accord, qu'est-ce qu'on fait?

– D'abord tu vas te foutre dans le coffre et on va déguerpir d'ici. Ensuite si t'es sage on reprend cette discussion dans un endroit plus propice.

Pinto ouvrait déjà le coffre de la Nissan. avec un large sourire.

Koesler se contorsionna pour rouler dans le réduit obscur.

Pinto referma le coffre à clé et lança le trousseau à Hugo.

– En route, jeta Hugo en se mettant au volant. Il fonça droit vers l'est dans un crissement de pneus.

– On ne fait pas demi-tour? demanda Pinto.

– Non, j'ai changé d'avis.

– Ah ben putain ça alors… Vous ne manquez pas de culot vous…

– Non je voulais juste avoir le choix. Statistiquement ses copains peuvent arriver par l'une ou l'autre direction. Je ne sais pas pourquoi mais je vais aller droit vers l'est puis redescendre vers la 125 et on ira se planquer sur un bord de plage isolée. Et on verra ce qu'on peux vraiment faire de lui.

– Putain ça alors…, marmonnait Pinto, souriant doucement tout en hochant la tête.

– Ne vous inquiétez pas, tout va bien se passer.

– J'espère… Ça vaudrait mieux pour vous.

– On a une chance sur deux, c'est raisonnable.

Pinto éclata de rire en hochant la tête comme s'il n'arrivait pas à se faire à cette idée.

– Ah putain ça alors, marmonnait-il entre deux quintes de rire, qui s'espacèrent et se diluèrent peu à peu dans le bruit huileux du moteur.

Il réussit à rejoindre Faro par la N2 sans faire de mauvaises rencontres, puis en ressortit par la 125, qu’il reprit vers l'ouest, repassant par le morceau de route qu'ils avaient emprunté une heure auparavant.

Un peu après Almansil il obliqua vers l'Océan.

Il ne s'arrêta qu'au bout d'un chemin qui s'arrêtait devant les dunes et la plage. Il n'était pas loin d'une petite ville côtière nommée Quarteira. Il coupa le moteur, les feux, et jeta un coup d'œil à Pinto avant de s'éjecter de la voiture. Il alla ouvrir le coffre, le Ruger bien en mains, la mitraillette en bandoulière dans le dos.

Koesler s'extirpa du coffre avec une certaine souplesse, malgré son handicap.

Il se redressa sur le sable et fixa Hugo, puis Pinto qui les rejoignait, le fusil à pompe à la main.

– Bon, laissa tomber Hugo, reprenons donc notre petite discussion… Voilà ce que je te propose. Je vais demander conseil aux flics.

– Attendez… Qu'est-ce que vous voulez dire? Le mot flic avait fait son effet.

– Rien de plus. Que je vais me renseigner pour savoir si je peux légalenient passer un marché avec toi et ce que je peux négocier. Toi, en attendant, tu vas me dire jusqu'où tu irais si j'te proposais, par exemple, de te donner quelques heures pour filer et disparaître…