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L'homme soupira nettement cette fois-ci. Ses épaules se tassèrent légèrement..

– Bon pour cette opération, y a quelqu'un qui chapeautait tout le monde, ici au Portugal. Chargé d'opération. Un type qu'Eva K. embauchait à l'occasion pour des missions spéciales, un peu partout sur le continent. Faut pas penser à l'organisation d'Eva K. comme à un truc figé, voyez? C'est une vraie caméléon c'te femme-là, elle s'adapte tout le temps.

– Bon qui c'est ce big boss? Et où il est?

– À l'heure où j'vous parle il est peut-être sur la route de Monchique. Mais il a passé toute la fin de l'après-midi avec Eva K.

– Où ça?

– Ça j'en sais foutre rien. Seul Vondt savait où elle était.

– C'est qui Vondt, le type en question?

Un assentiment de la tête.

– Haut et clair. J'ai une bande qui tourne.

– Ouais.

– Bon, qui s'occupait de traquer Travis?

– Vondt. Moi je devais surveiller la fliquesse d'Amsterdam, celle avec qui vous communiquez au téléphone. J'n'ai tué personne à l'hôtel, c'est Sorvan qui a tué le flic et Jampur a égorgé le gardien pass' qu'il allait la ramener. C'est Sorvan aussi qu'a sans doute blessé la fliquesse.

L'homme avait un petit pli malin au coin des lèvres.

«Celle avec qui vous communiquez…»

Il avait deviné ce que cachait le manège et le faisait savoir, par bande interposée. En même temps qu'il assurait ses arrières en dénonçant ses complices.

– Bon et où il en était Vondt, sur Travis?

– Ben il avait eu le tuyau de Tavira à un bar de la frontière. Il est venu interroger vot'copain là (il montrait Pinto d'un bref mouvement du menton), puis y m'a dit de rappliquer pour le suivre. Entretemps t'étais arrivé.

Il y avait comme une sorte d'hommage professionnel dans le ton de la voix. C'est vrai qu'il s'en sortait pas trop mal, pour un simple écrivain revenu des ténèbres.

– Bon maintenant raconte-moi l'attaque de l'hôtel à Évora, et l'histoire du Grec à Bejà.

– Pour le Grec j'sais rien, sinon que Vondt a eu le tuyau par un contact qu'il avait quelque part, ici, j'sais pas où, Vondt ne donnait jamais le nom de ses contacts. J'crois qu'il en avait un en Espagne, c'est tout et quelques autres ici, au Portugal… Si c'est eux qu'ont fait ça au Grec, j'en sais foutre rien parce que moi, pendant ce temps-là, je pistais la dame jusqu'à Évora.

– Elle s'était bien arrêtée chez le Grec pourtant.

– Ouais, mais moi je savais pas ce qui s'était passé.

Hugo décela aussitôt un gros mensonge, mais n'avait pas le temps de s'arrêter à ces détails. L'homme essayait de sauver sa peau, c'était tout.

– Bon, O.K., tu sais rien sur le Grec, passons à Évora.

– Ben à Évora Vondt a rappliqué avec l'équipe de Sorvan presque au complet, plus deux gars à moi. C'est vrai qu'ils ont fait trop de bruit, surtout dans l'escalier, et Sorvan et moi on les a rappelés à l'ordre. Mais les mecs étaient surexcités par toute cette putain de coke et ça a tourné comme tu sais…

Hugo laissa passer un pâle sourire. L'homme lui avait fait une fleur en n'indiquant pas clairement qu'il était, lui, responsable de la mort de plusieurs hommes. Mais il sentait que le geste n'était pas altruiste. Le regard de Siemmens/Koesler disait clairement qu'il faudrait que ce soit payé de retour.

– Bon je te promets une chose: dès que la maison sera prise et toute la bande avec, je t'ouvrirai les menottes.

L'homme ne répondit rien et son visage se ferma. Il avait fait sa part. Il observa un bref instant le magnétophone et son regard se perdit vers les dunes et l'Océan d'où soufflait un vent rafraîchi par la nuit et les embruns.

Hugo arrêta le magnétophone et le mit dans une des larges poches pectorales du blouson. Il ouvrit le coffre, un air authentiquement désolé sur la figure.

– Dernier voyage dans ces conditions, c'est une promesse. Dès que mon coup de fil est donné, on revient ici et je te sors.

Koesler roula lestement dans le réduit obscur.

– N'vous bilez pas. Jusqu'à présent j'peux pas dire que vous n'avez pas été correct.

Hugo referma le coffre, presque gêné par le sort qu'il faisait une nouvelle fois endurer au soldat d'infortune.

Il roula doucement sur la route mal entretenue, afin d'éviter que le voyage dans le coffre ne devienne un enfer de vibrations.

Vingt minutes plus tard il se garait devant une autre cabine et rappelait Anita une seconde fois.

L'éternel «Anita-j'écoute» auquel elle se pliait comme à une règle monastique.

– Hugo. Bon Koesler a parlé. Il m'a craché tout le truc sur une bande que j'ai là avec moi. Le repaire du hit-squad est dans la Serra Monchique. Dans un coin retiré, près du pic de Foia. Une grande maison sur un versant de la montagne, ils trouveront avec ça?

– Attendez, je note… O.K. Rien de plus précis?

Il soupira.

– Non… Mais doit pas y avoir beaucoup de mégapoles tentaculaires dans le coin… Ça devrait se trouver une grande maison vers le pic de Foia isolée en retrait de la route, dans la montagne…

– O.K. Bon, et la planque de la Reine Mère comme vous l'appelez?

– Ça il dit ne rien savoir…

– Ben voyons!

– Je pense qu'il dit la vérité. Il n'a aucun avenir avec Mme Kristensen et il le sait parfaitement, mais il m'a parlé d'un certain Vondt, qui chapeauterait toute leur putain d'organisation, ici, dans le but de retrouver Travis et de piéger Alice.

– Attendez, Vondt, vous avez dit? Bon sang, ça me dit quelque chose ce nom…

– Vondt? répéta stupidement Hugo.

– Oui. Attendez faut que je me rappelle.

– Écoutez, voyez ça de votre côté mais moi je considère qu'il a respecté les termes de notre contrat. Filez-lui ce délai et qu'on n'en parle plus. Communiquez au plus vite le tuyau que je vous ai refilé au lieu de vous obstiner…

– Je ne m'obstine pas, Karl Koesler est un témoin capital de l'affaire, pour ne pas dire plus. Vous comprendrez que ça me fasse mal au cœur de le voir s'évanouir comme ça.

– Quais, mais sans lui on est bloqué avec une dizaine d'hommes armés opérationnels et une Eva Kristensen qui tire les ficelles quelque part. Si on retombe sur eux, ils ne nous feront aucun quartier et je pense que j'ai suffisamment abusé de ma chance comme ça, vous me saisissez?

– Bon, bon, qu'est-ce que vous voulez?

– Une vraie tête en bois, ma parole, le délai. Je veux votre parole d'officier de police judiciaire, là, clairement dans le combiné, c'est tout.

– O.K., O.K., mais pas douze heures, c'est trop, je ne pourrais faire avaler ça à personne.

– On avait convenu douze heures, merde.

– Oui, mais on avait convenu qu'il nous livrait aussi le cadeau surprise, la planque de madame. Ça diminue de moitié la valeur des…

– Six heures c'est pas assez, putain, il nous livre tout l'escadron…

– De la piétaille. Ce qui est intéressant c'est le cerveau, ou un organe principal comme ce Vondt, là, où il est? Il est pas à Monchique?

– Non, mais il n'y aura plus que lui et la bonne femme. Elle sera privée de tous moyens opérationnels… écoutez à mon avis les choses ne tournent pas du tout comme elle l'avait prévu et nous avons un avantage pendant encore quelques heures, avant qu'ils ne découvrent ou n'entendent parler d'une Seat blanche vide de tout occupant, au bas d'un coteau. Cet avantage c'est Koesler et nous devons nous en servir. Comme vous dites, ce qui compte c'est le cerveau. Et un organe important. Si on coince Eva K. et ce M. Vondt on l'aura fait si on saisit toutes les opportunités qui se présentent, sans rechigner. Là, en échange de la fuite aléatoire d'un homme, on va serrer dix ou douze hommes d'un coup dont le chef opérationnel, leur capitaine, le Bulgare, Sorvan. On supprime le hit-squad et Mme Kristensen est privée de ses sens et de ses moyens d'action, O.K.? Elle devra fuir le pays en y laissant sa fille et nous pourrons la remettre à son père, vous pigez? Après à vous de gérer la poursuite de cette dame en dehors des frontières de l'Europe… Et moi je reprends mes activités initiales.

Dne longue virgule de silence qu'il rompit à nouveau:

– Bon, négocions à douze heures, O.K.?

– Huit.

– Anita, arrêtez votre cirque, douze heures. Nous n'avons pas le temps de jouer au marchand et à la cliente dure en affaires, voyez?

– D'accord, soupira-t-elle, presque violemment, vous avez gagné. Dix heures, pas une seconde de plus.

Putain de nom de dieu, pensait-il en raccrochant, c'était pas le genre facile cette Hollandaise.

Il donna trois petits coups en passant sur le coffre arrière et se pencha vers la serrure de métal.

– Koesler? Vous m'entendez?

– Ouais, entendit-il faiblement, derrière la cloison.

– Bon ça marche, on redescend à la plage et vous sortez.