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— Très bien, hoqueta Ender. Vous avez gagné.

Le genou de l’homme exerça une pression douloureuse.

— Depuis quand, demanda l’homme d’une voix douce et rauque, dois-tu dire à l’ennemi qu’il a gagné ?

Ender resta silencieux.

— Je t’ai surpris une fois, Ender Wiggin. Pourquoi ne m’as-tu pas détruit tout de suite après ? Simplement parce que j’avais l’air pacifique ? Tu m’as tourné le dos. Stupide. Tu n’as rien appris. Tu n’as jamais eu de professeur.

Ender était en colère, à présent, et ne tentait ni de la cacher ni de la contrôler.

— J’ai eu trop de professeurs, comment étais-je censé savoir que vous vous transformeriez en…

— En ennemi, Ender Wiggin, souffla le vieillard. Je suis ton ennemi et, pour la première fois, ton ennemi a été plus intelligent que toi. Il n’y a pas d’autre professeur que l’ennemi. Seul l’ennemi peut te dire ce que fera l’ennemi. Seul l’ennemi peut t’enseigner à détruire et conquérir. Seul l’ennemi peut te montrer tes faiblesses. Seul l’ennemi peut t’indiquer ses points forts. Et les règles du jeu sont ce que tu peux lui faire et ce que tu peux l’empêcher de te faire. Désormais, je serai ton ennemi. Désormais, je serai ton professeur.

Puis le vieillard lâcha les jambes d’Ender. Comme il appuyait toujours la tête d’Ender sur le sol, le garçon ne pouvait utiliser ses jambes pour compenser et ses jambes touchèrent le sol avec un craquement et une douleur violente. Puis le vieillard se redressa et laissa Ender se lever.

Lentement, Ender ramena ses jambes sous lui, avec un léger grognement de douleur. Il resta quelques instants à quatre pattes, récupérant. Puis son bras jaillit en direction de l’ennemi. Le vieillard recula souplement et, tandis que la main d’Ender se refermait sur le vide, le pied du professeur fila vers le menton d’Ender.

Mais le menton d’Ender n’était plus là. Il était sur le dos, tournoyant et, pendant que le professeur était déséquilibré, à cause du coup manqué qu’il venait de porter, les pieds d’Ender frappèrent sa jambe d’appui. Il tomba lourdement – mais à une distance qui lui permit de frapper Ender au visage. Ender ne put trouver un bras ou une jambe restant assez longtemps immobiles pour qu’il soit possible de les saisir et, pendant ce temps, un déluge de coups s’abattait sur ses bras et son dos. Ender était plus petit – il ne pouvait pas pénétrer la garde du vieillard. Finalement, il parvint à se dégager et se traîna jusqu’à la porte.

Le vieillard était à nouveau assis en tailleur, mais l’apathie avait disparu. Il souriait.

— C’est mieux, cette fois, petit. Mais lent. Il te faudra être plus adroit avec une flotte que tu ne l’es avec ton corps, sinon personne ne sera en sécurité sous tes ordres. Leçon comprise ?

Ender acquiesça lentement. Il avait mal partout.

— Bien, dit le vieillard. Dans ce cas, nous ne serons pas obligés de nous battre à nouveau. Tout le reste sera avec le simulateur. Désormais, je programmerai tes batailles, pas l’ordinateur ; je concevrai la stratégie de l’ennemi et tu apprendras à identifier rapidement les pièges qu’il te tend. N’oublie pas, petit. Désormais, l’ennemi sera plus intelligent que toi. Désormais, l’ennemi sera plus fort que toi. Désormais, tu seras toujours sur le point de perdre.

Le visage du vieillard redevint grave.

— Tu seras sur le point de perdre, Ender, mais tu gagneras. Tu apprendras à vaincre l’ennemi. Je te montrerai comment.

Le professeur se leva.

— Dans cette école, la tradition veut qu’un jeune élève soit choisi par un élève plus âgé. Ils deviennent compagnons et le plus âgé enseigne au plus jeune tout ce qu’il sait. Ils luttent continuellement, se concurrencent continuellement, sont continuellement ensemble. Je t’ai choisi.

Ender parla alors que le vieillard gagnait la porte.

— Vous êtes trop vieux pour être un élève.

— On n’est jamais trop vieux pour être l’élève de l’ennemi. Ce sont les doryphores qui me l’ont appris. Et je te l’apprendrai.

Tandis que le vieillard ouvrait la porte, Ender bondit et le frappa avec les deux pieds au niveau des reins. Il frappa avec une puissance qui lui permit de rebondir et de retomber sur ses pieds, tandis que le vieillard poussait un cri de douleur et tombait.

Le vieillard se redressa lentement, prenant appui sur la porte, le visage déformé par la douleur. Il paraissait gravement atteint, mais Ender ne lui fit pas confiance. Cependant, en dépit de sa méfiance, il fut pris au dépourvu par la rapidité du vieillard. Un instant plus tard, il se retrouva par terre près du mur opposé, le nez et la lèvre en sang à l’endroit où son visage avait heurté le lit. Lorsqu’il parvint à se retourner, il vit le vieillard debout sur le seuil, grimaçant et se tenant le dos. Le vieillard ricana.

Ender lui rendit son ricanement.

— Professeur, dit-il, avez-vous un nom ?

— Mazer Rackham, répondit le vieillard.

Puis il s’en alla.

Par la suite, Ender fut avec Mazer Rackham ou seul. Le vieillard parlait rarement, mais il était là ; pendant les repas, pendant les cours particuliers, au simulateur, dans sa chambre, la nuit. Parfois, Mazer s’en allait mais, lorsque Mazer n’était pas là, la porte de sa chambre était fermée à clé jusqu’à son retour. Pendant toute une semaine, Ender l’appela Rackham le Geôlier. Mazer répondit à ce nom aussi naturellement que si c’était le sien, et rien n’indiqua que cela le gênait. Ender abandonna rapidement.

Il y eut des compensations. Mazer montra à Ender les vidéos des batailles de la Première Invasion et celles des défaites désastreuses de la F.I. pendant la Deuxième Invasion. Elles n’étaient pas montrées à partir de vidéos censurées, mais complètes et continues. Comme de nombreuses caméras fonctionnaient, dans les grandes batailles, ils purent étudier la tactique et la stratégie des doryphores sous plusieurs angles. Pour la première fois, un professeur montrait à Ender des choses qu’il n’avait pas déjà vues. Pour la première fois, Ender avait rencontré un esprit qu’il pouvait admirer.

— Pourquoi n’êtes-vous pas mort ? lui demanda Ender. Vous avez livré votre bataille il y a soixante ans. Vous ne paraissez même pas avoir soixante ans.

— Les miracles de la relativité, expliqua Mazer. Ils m’ont gardé vingt ans ici, après la bataille, bien que je les eusse suppliés de me confier le commandement d’un des vaisseaux interstellaires qu’ils lançaient contre la planète d’origine des doryphores et leurs colonies. Ensuite, ils ont commencé à comprendre ce que peut ressentir le soldat, et la façon dont il se comporte, face aux tensions de la bataille.

— Comprendre quoi ?

— On ne t’a pas vraiment enseigné la psychologie, de sorte que tu ne comprendrais pas. Il suffit de dire que, bien qu’il me soit impossible de commander la flotte – je serais mort avant son arrivée –, j’étais la seule personne capable de comprendre ce que je comprenais sur les doryphores. Ils se sont rendu compte que j’étais la seule personne qui soit parvenue à vaincre les doryphores par l’intelligence et non grâce à la chance. Ils avaient besoin que je sois là pour… former la personne qui commanderait la flotte.