Выбрать главу

— Par la Lumière…, souffla Egwene. Elaida, qu’a-t-elle fait à Silviana ?

— Elle l’a rétrogradée au statut de novice. Tu aurais entendu le vacarme, dans le Hall. Comme tu le devines, Silviana a refusé cette humiliation. Du coup, Elaida veut la faire calmer et exécuter. Le Hall ne sait pas quoi décider.

Egwene sentit son cœur s’affoler.

— Silviana ne doit pas être punie ! Il faut empêcher ça.

— L’empêcher ? Egwene, l’Ajah Rouge part en miettes. Ses membres se retournent les unes contre les autres. Tu te rends compte ? Des louves qui s’en prennent à leur propre meute ? Si Elaida, pour s’en sortir, décide de tuer une sœur de son propre Ajah, elle perdra tout soutien chez les Aes Sedai.

» Au fond, je ne serais pas étonnée, une fois le calme revenu, de découvrir que l’Ajah Rouge s’est tellement dégradé qu’il suffira de le dissoudre pour en être définitivement débarrassées.

— Je ne veux rien dissoudre, Saerin ! C’est le pire problème que pose la façon de penser d’Elaida. Ce désir de détruire. La Tour Blanche a besoin de tous ses Ajah, même le rouge, pour faire face à ce qui se profile. Pas question de perdre une femme comme Silviana. Réunis tous les soutiens possibles. Pour arrêter cette parodie de justice, nous ne devons pas traîner.

— Tu crois vraiment être aux commandes ici ?

— Tu voudrais y être à ma place ?

— Non, par la Lumière !

— Dans ce cas, cesse de me ralentir et file travailler. Elaida doit être renversée, certes, mais nous n’avons pas le droit de laisser la tour s’écrouler sur nos têtes. Retourne au Hall, et vois ce que tu peux faire pour arrêter cette affaire.

Saerin hocha gravement la tête puis s’engouffra dans un couloir.

Egwene se tourna vers les deux harpies rouges :

— Vous avez entendu ?

Barasine et sa collègue se dévisagèrent. Bien sûr qu’elles avaient entendu.

— Vous devez brûler d’envie d’aller voir par vous-mêmes ce qui se passe, dit Egwene. Pourquoi restez-vous là ?

Les deux harpies rouges regardèrent la jeune femme, l’air ennuyées.

— Le bouclier, dit Barasine. Nous devons toujours être deux pour le maintenir. Au minimum.

— Le bouclier qui me coupe du Pouvoir ? (Egwene prit une grande inspiration.) Si je jure de ne pas m’unir à la Source tant que je ne serai pas sous la surveillance d’une sœur rouge, ça vous suffira ?

Les deux sœurs rouges ne cachèrent pas leur incrédulité.

— J’aurais dû m’en douter…

Elle se tourna vers un groupe de novices qui, dans un couloir latéral, faisaient mine de nettoyer un mur histoire d’assister à la scène.

— Toi ! lança Egwene, un index brandi. Marsial, c’est ça ?

— Oui, Mère, couina la fille.

— File et rapporte-nous de la fourche-racine. Katerine doit en avoir dans son bureau de Maîtresse des Novices. Ce n’est pas loin. Dis-lui que Barasine en veut pour m’en faire boire. Retrouve-moi dans ma cellule.

La novice partit au pas de course.

— Je vais me sonner avec ça, comme ça, l’une de vous au moins pourra partir. Votre Ajah se désintègre. Tous les esprits lucides disponibles seront les bienvenus. Essayez de convaincre vos collègues qu’Elaida ne doit pas faire exécuter Silviana.

Barasine et sa collègue se regardèrent de nouveau. Puis celle dont Egwene ignorait le nom, une femme filiforme, lâcha un juron et s’en fut à la vitesse du vent. Barasine l’appela, mais elle ne tourna même pas la tête.

Regardant Egwene, Barasine marmonna entre ses dents et resta où elle était.

— On attend la fourche-racine, dit-elle. Remettons-nous en route.

— D’accord, fit Egwene, mais chaque minute de retard risque de te coûter très cher.

Les deux femmes gravirent les marches qui menaient aux nouveaux quartiers des novices, qui jouxtaient désormais ce qui restait, à cet étage, du fief de l’Ajah Marron.

Devant la porte d’Egwene, elles s’arrêtèrent pour attendre la fourche-racine. Intriguées, des novices se massèrent autour d’elles. Dans tous les couloirs, des sœurs et leurs Champions couraient comme des fous. Avec un peu de chance, le Hall réussirait à neutraliser Elaida. Si on la laissait commencer à tuer des sœurs pour des divergences d’opinion…

La novice revint enfin avec une tasse et un petit paquet d’herbes. Barasine inspecta son contenu, le jugea conforme et le versa dans la tasse d’eau tiède. Dès que l’infusion fut suffisante, elle la tendit à Egwene, qui la vida d’un trait. Avec une dose pareille, elle ne pourrait même pas tisser un filament. Avec un peu de chance, cependant, ça ne lui ferait pas perdre conscience.

Barasine fila, laissant Egwene seule dans le couloir. Seule, et en mesure de faire exactement ce qu’elle voulait. Une situation rare, ces derniers temps.

Eh bien, elle allait voir comment en tirer parti. Mais d’abord, elle devait se laver puis se changer. Du coup, elle poussa la porte de sa chambre.

Et découvrit que quelqu’un l’attendait à l’intérieur.

— Bonjour, Egwene, dit Verin. (Assise au bord du lit, elle sirotait une infusion.) Je commençais à me demander s’il me faudrait entrer dans ta prison pour te parler.

Egwene surmonta sa surprise. Verin ? Quand était-elle revenue à la Tour Blanche ? Et depuis combien de temps ne s’étaient-elles plus vues ?

— On se racontera nos histoires plus tard, dit Egwene. (Elle ouvrit le petit meuble où elle rangeait ses robes propres.) J’ai du pain sur la planche.

— Oui, bien sûr… (Verin but une gorgée d’infusion.) Je me doutais qu’il en serait ainsi. Au fait, la robe que tu portes est verte.

Egwene n’en revint pas d’entendre ça. Troublée, elle baissa les yeux sur sa robe d’une blancheur plus du tout immaculée. Que racontait donc Verin. Avait-elle perdu… ?

Egwene se figea et regarda la sœur.

Un mensonge.

Verin peut mentir !

— Oui, je pensais bien que ça retiendrait ton attention. Tu devrais t’asseoir. Nous avons beaucoup de choses à nous dire, et peu de temps pour le faire.

39

Une visite de Verin Sedai

— Tu n’as jamais tenu le Bâton des Serments, accusa Egwene, toujours debout près du placard.

Verin resta au bord du lit et continua à boire son infusion. Vêtue d’une robe marron très simple qui faisait vraiment vieille dame, la sœur replète portait à la taille une large ceinture de cuir. La jupe divisée et les bottes boueuses qui en émergeaient indiquaient qu’elle venait tout juste d’arriver.

— Ne sois pas stupide ! lâcha-t-elle tout en remettant en place une mèche échappée de son chignon de cheveux brun mêlé de gris. J’ai tenu le Bâton et prononcé les Serments bien avant la naissance de ta grand-mère.

— Dans ce cas, tu as été libérée des Serments.

C’était possible, en utilisant de nouveau le Bâton. Yukiri, Saerin et les autres s’étaient bien « débarrassées » de leurs Serments pour les prêter de nouveau.

— Eh bien, oui, fit Verin d’un ton maternel.

— Je ne te fais pas confiance, lâcha Egwene. Et c’est ainsi depuis toujours.

— C’est bien vu, ça…, souffla Verin avant de boire un peu d’infusion. (Un arôme qui ne disait rien à Egwene.) Après tout, je suis de l’Ajah Noir.

Egwene frissonna comme si un éclat de glace venait de s’enfoncer dans son dos, cherchant son cœur. L’Ajah Noir ? Verin était une sœur noire !

Egwene voulut s’unir à la Source, mais avec la fourche-racine, elle n’y parvint pas. Et dire qu’elle avait insisté pour qu’on lui en fasse boire ! Quelle mouche l’avait donc piquée ? Pleine de confiance après sa victoire, elle n’avait pas envisagé de se retrouver face à une sœur noire. Mais qui aurait anticipé ça ?