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— Lumière ! s’écria Meidani. Un meurtre à la Tour Blanche ! Il faut donner l’alerte ! Appeler la garde et…

— Ce sera fait en temps utile, coupa Egwene. Calme-toi et baisse le ton. Je ne veux pas que Turese nous entende.

Meidani blêmit puis regarda Egwene, se demandant sans doute comment elle pouvait être si dure.

Parfait. Qu’elle voie devant elle une Chaire d’Amyrlin que rien ne pouvait ébranler. Et qu’elle ne soupçonne pas à quel point le chagrin, la confusion et l’angoisse régnaient dans l’esprit d’Egwene.

— Compris, Mère. Oui, je m’excuse…

— Tu m’apportes des nouvelles, j’imagine ?

— Oui, Mère. Saerin m’a dit de venir te voir. Selon elle, tu brûles d’envie de savoir ce qui s’est passé.

— Elle a raison, fit Egwene en s’efforçant de ne pas trahir son impatience.

Meidani y allait par quatre chemins. Quand on devait lutter contre l’Ajah Noir, il n’y avait pas de temps à perdre.

— Elaida est toujours à son poste, Mère, mais de justesse. Le Hall l’a officiellement censurée, soulignant qu’une Chaire d’Amyrlin n’est pas un tyran. En conséquence, il lui est interdit de promulguer des décrets et d’exprimer des exigences avant d’avoir consulté les représentantes.

Egwene acquiesça.

— Un grand classique…

Beaucoup de Chaires d’Amyrlin enclines à l’autoritarisme avaient fini ainsi – réduites au statut de dirigeantes de paille. Depuis longtemps, ça pendait au nez d’Elaida. Et cette issue aurait été parfaite, à un autre moment…

— Sa pénitence ?

— Trois mois, Mère. Un pour ce qu’elle t’a fait, deux pour avoir outrepassé ses prérogatives.

— Intéressant, fit Egwene, pensive.

— Certaines représentantes voulaient aller plus loin, Mère. Un moment, on a cru qu’Elaida serait destituée sur-le-champ.

— Tu as assisté à tout ça ?

Meidani acquiesça.

— Elaida a demandé une session privée, mais personne ne l’a soutenue. Je crois que son propre Ajah tirait les ficelles. Les trois représentantes rouges ont quitté la tour. Je me demande bien où sont Duhara et les deux autres.

Duhara… Une sœur noire. Que prépare-t-elle ? Et les deux autres ? Sont-elles ensemble ? Dans ce cas, il doit s’agir d’un trio de traîtresses.

Un problème à résoudre plus tard…

— Comment Elaida a-t-elle réagi ?

— Elle n’a pas dit grand-chose, Mère. Pour l’essentiel, elle est restée assise à observer. Mais elle n’avait pas l’air contente, et je me suis étonnée qu’elle ne fasse pas un esclandre.

— Les sœurs rouges… Si elle a vraiment perdu le soutien de son Ajah, on a dû la prévenir de ne pas faire de vagues.

— C’est ce que pense Saerin. Elle croit aussi que ta volonté de ne pas voir disparaître l’Ajah Rouge – rendue publique par des novices qui t’ont entendue – a contribué à sauver Elaida de la destitution.

— Eh bien, qu’elle soit renversée ne m’aurait pas gênée… Ce que je voulais, c’était préserver l’Ajah Rouge. Cela dit, tout ça est très bien. La chute d’Elaida aura lieu quand elle ne risquera plus d’entraîner la tour avec elle.

Cela dit, si ça avait été possible, Egwene aurait volontiers retiré ses propos sur la sauvegarde de l’Ajah Rouge. Elle refusait que quiconque pense qu’elle avait soutenu l’usurpatrice.

— J’imagine que la peine de Silviana a été annulée.

— Pas complètement, Mère. Elle est en détention en attendant que le Hall statue sur son sort. Elle a défié la Chaire d’Amyrlin en public, et on parle d’une pénitence…

Egwene plissa le front. Tout ça empestait le compromis, sinon la compromission. Elaida avait dû négocier avec la dirigeante de l’Ajah Rouge – qui que ce soit, maintenant que Galina s’était enfuie – pour mettre au point les détails de l’opération. Du coup, Silviana serait quand même punie, mais moins sévèrement, et Elaida se retrouverait sous la tutelle du Hall. En d’autres termes, elle était sur un terrain glissant, mais elle pourrait encore avoir des exigences. Dans son propre Ajah, contrairement à ce qu’Egwene avait espéré, l’usurpatrice gardait des alliées.

Pourtant, il fallait se féliciter de la tournure des événements. Silviana vivrait et Egwene, semblait-il, reprendrait sa vie de « novice ». De plus, les représentantes s’étaient montrées assez mécontentes d’Elaida pour la réprimander. Si on lui laissait un peu de temps, Egwene se faisait fort de provoquer la chute d’Elaida et de lancer la réunification de la tour. Mais ce temps, l’avait-elle ?

Elle regarda la table où se trouvaient les deux livres invisibles. Si elle lançait un assaut massif contre l’Ajah Noir, cela déclencherait-il une guerre généralisée ? De quoi déstabiliser encore plus la tour… En outre, pouvait-elle espérer frapper toutes ces femmes simultanément ?

Pour décider, il lui faudrait un peu de… temps. Pour l’heure, ça impliquait de rester à la tour et de miner le pouvoir d’Elaida. Hélas, ça signifiait aussi de laisser en paix la plupart des sœurs noires.

La plupart, mais pas toutes…

— Meidani, tu dois aller voir les sœurs qui traquent l’Ajah Noir. Il faut qu’elles capturent Alviarin et la mettent à l’épreuve du Bâton des Serments. Dis-leur de ne reculer devant aucun risque raisonnable pour y arriver.

— Alviarin, Mère ? Pourquoi ?

— C’est une sœur noire, répondit Egwene, l’estomac retourné. Très proche de la tête de l’organisation, à la tour. Verin est morte pour pouvoir me communiquer cette information.

— Tu es sûre, Mère ?

— Je ne doute pas de la fiabilité de Verin. Cela dit, il serait bon que des sœurs libèrent Alviarin de ses serments, les lui fassent prêter à nouveau et lui demandent si elle appartient à l’Ajah Noir. Quelles que soient les charges pesant contre elle, toute Aes Sedai devrait avoir cette chance d’établir son innocence. Vous avez le Bâton des Serments, j’imagine ?

— Oui. Nous en avions besoin pour éprouver la loyauté de Nicola. Saerin et les autres veulent intégrer des Acceptées et des novices dans les rangs. Parce qu’elles sont à même de délivrer des messages là où les sœurs ne peuvent pas aller.

Une sage décision, considérant les dissensions entre les Ajah.

— Pourquoi elle et pas une autre ?

— Parce qu’elle parle souvent de toi à ses compagnes en blanc, Mère. Parmi les novices, elle est ta plus fervente avocate.

Egwene trouva étrange d’entendre dire ça à propos d’une femme qui l’avait trahie, mais tout bien pesé, Nicola ne devait pas être blâmée pour ça.

— On ne l’a pas laissée prêter les Trois Serments, bien sûr, puisqu’elle ne porte pas le châle. Mais elle a juré sur le Bâton de ne plus mentir puis déclaré qu’elle n’est pas une sœur noire. Après, on l’a libérée du serment.

— Et toi, Meidani ? Es-tu libérée de ton quatrième serment ?

La sœur sourit.

— Oui, Mère. Merci beaucoup.

Egwene acquiesça.

— File, maintenant, et transmets mon message. Il faut capturer Alviarin. (Elle regarda la dépouille de Verin.) Hélas, je dois te demander de l’emmener avec toi… Si elle disparaît, je n’aurai pas besoin d’expliquer pourquoi elle est morte dans ma cellule.

— Mais… ?

— Utilise un portail… Ou plane, si tu ne connais pas assez bien cette zone.

Meidani acquiesça puis s’unit à la Source.

— Avant d’ouvrir le portail, exécute un autre tissage, dit Egwene. Quelque chose qui demande une grande quantité de Pouvoir. Peut-être un des cent tissages qu’il faut réaliser en passant l’épreuve.

Meidani parut troublée, mais elle tissa un réseau très compliqué demandant beaucoup de Pouvoir.

Comme de juste, Turese passa la tête dans la pièce pour découvrir de quoi il retournait. Par chance, les flux l’empêchèrent de voir le visage de Verin. Mais ce n’était pas la « dormeuse » qui intéressait la harpie rouge. Bouche bée, elle contempla le tissage.