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Nicola portait une plaie sanglante sur la joue. Tandis qu’Egwene se rasseyait, les yeux dans le vague, une explosion retentit, assez puissante pour que la tour entière s’effondre.

Terrifiée, Nicola s’accrocha au bras d’Egwene.

— Que se passe-t-il ? demanda celle-ci.

— Des Créatures des Ténèbres ! hurla Nicola. Des serpents volants qui nous bombardent de flammes et de tissages inouïs. Ces monstres nous détruisent ! Mère, c’est Tarmon Gai’don. Nous sommes fichues.

Egwene céda à un moment de panique incontrôlable. Tarmon Gai’don ? L’Ultime Bataille.

Dans le lointain, Egwene entendit des cris ponctués par les exclamations d’une bande de soldats et de Champions.

Non… Non, elle devait se contrôler.

Des serpents qui volent et manient le Pouvoir de l’Unique… Ou au moins, dont les cavaliers maniaient le Pouvoir.

Egwene se débarrassa de ses couvertures et se leva d’un bond.

Si ce n’était pas Tarmon Gai’don, ça promettait d’être aussi dévastateur. Les Seanchaniens attaquaient la Tour Blanche, exactement comme Egwene l’avait vu en rêve. Face à ce danger mortel, elle n’était pas capable de canaliser assez de Pouvoir pour allumer une bougie. Alors, pour riposter !

40

La Tour tremble

Siuan se réveilla en sursaut. Quelque chose clochait… Et pas qu’un peu.

Alors qu’elle sortait de sous sa couverture, une silhouette sombre apparut soudain à l’autre bout de la tente et avança.

D’instinct, Siuan s’unit à la Source. Puis elle invoqua un globe lumineux.

Son épée au héron au poing, Gareth Bryne semblait déjà prêt à tout. Voyant qu’il était en sous-vêtements, Siuan dut s’interdire de lorgner son corps musclé – en bien meilleur état que celui d’hommes qui auraient pu être ses fils.

— Que se passe-t-il, Siuan ?

— Par la Lumière ! Tu dors avec ton épée ?

— Toujours, oui…

— Egwene est en danger.

— Quel genre de danger ?

— Je n’en sais rien… En plein rendez-vous, elle s’est volatilisée sans crier gare. Je crois… J’ai peur qu’Elaida ait décidé de la faire exécuter. Ou au minimum, de la tirer de sa chambre pour lui faire du mal.

Bryne ne demanda pas de détails. Son épée rengainée, il enfila une chemise et un pantalon. Siuan portait toujours son chemisier et sa jupe bleus, désormais un peu froissés. D’habitude, après avoir vu Egwene, elle attendait que Bryne dorme à poings fermés pour se changer.

Siuan était en proie à une angoisse qu’elle ne pouvait pas… définir. Pourquoi ce malaise ? Il arrivait souvent qu’on réveille une personne en train de rêver.

Mais Egwene n’était pas une personne parmi d’autres. Experte du Monde des Rêves, si quelqu’un l’avait tirée du sommeil, elle aurait réglé le problème, puis serait revenue afin de rassurer Siuan. Alors que l’ancienne Chaire d’Amyrlin avait attendu très longtemps, son amie ne s’était pas remontrée.

Désormais en uniforme – trois étoiles sur le cœur et des épaulettes d’or des deux côtés –, Bryne paraissait prêt à livrer une guerre.

Un appel impérieux retentit dehors.

— Général Bryne ! Seigneur général !

Bryne regarda Siuan, puis il se tourna vers le rabat de la tente.

— Entre !

Un jeune soldat, ses cheveux noirs impeccablement coupés, déboula et se fendit d’un salut express. Sachant que Bryne encourageait ses hommes à le réveiller quand c’était nécessaire, il ne s’excusa pas de son intrusion.

— Seigneur, il se passe quelque chose en ville.

— Quelque chose, Tijds ?

— Les éclaireurs ne sont pas sûrs, seigneur. Avec tous ces nuages, c’est une nuit d’encre, et les longues-vues ne servent à rien. Il y a eu trois explosions dans le ciel, près de la Tour Blanche. On aurait dit un spectacle d’Illuminateur. Et des ombres survolent la ville.

— Des Créatures des Ténèbres ? avança Bryne en sortant de la tente.

À la lueur du globe lumineux, Siuan et Tijds suivirent le général. Avec les nuages et une lune à son premier quartier, on ne voyait effectivement rien. Autour du trio, les tentes des officiers n’étaient que de vagues masses noires. La seule lumière, en fait, venait des feux allumés par les gardes, à l’entrée de la palissade.

— Oui, c’est possible, seigneur, dit Tijds. On parle de Créatures des Ténèbres qui volent de cette manière. Mais les sentinelles et les éclaireurs ne peuvent pas être affirmatifs. Sauf au sujet des éclairs, bien entendu.

Bryne hocha la tête et se dirigea vers la sortie du poste de commandement.

— Alerte la garde de nuit. Juste au cas où, tous les hommes en armure ! Envoie des patrouilles inspecter les fortifications de Tar Valon, et rapporte-moi de plus amples informations.

— Compris, seigneur !

Tijds salua et partit au pas de course.

Bryne regarda Siuan à la lueur du globe lumineux qui lévitait au-dessus de sa main.

— Des Créatures des Ténèbres n’oseraient pas attaquer la Tour Blanche. Pas sans le soutien d’une force terrestre importante. Franchement, je ne vois pas où cent mille Trollocs pourraient se cacher sans qu’on les ait repérés. Alors, que se passe-t-il ?

— Les Seanchaniens, répondit Siuan, les sangs glacés. Par les entrailles de tous les poissons ! Gareth, ça ne peut être que ça. Egwene l’a prédit.

— Tu as raison… Et selon certains récits, les envahisseurs chevauchent des Créatures des Ténèbres.

— Des monstres volants, rectifia Siuan. Aucun rapport avec les Ténèbres. D’après Egwene, ce sont des raken.

Bryne parut dubitatif, mais il le garda pour lui.

— Les Seanchaniens, attaquer sans aucune force terrestre en soutien ? Je ne les croyais pas si fous.

Siuan secoua la tête. Elle avait toujours postulé qu’un assaut sur la tour annoncerait une invasion massive. D’accord avec cette théorie, Egwene n’avait prévu aucun danger de ce côté-là avant des mois. Lumière ! Elle pouvait se tromper, comme tout le monde…

Bryne s’arrêta près des feux qui éclairaient vivement une petite partie de la palissade. Sous toutes les tentes environnantes, des officiers se réveillaient, sortaient la tête par le rabat et interrogeaient leurs voisins. Partout, des lampes et des lanternes s’allumaient.

— Tant qu’ils s’en prennent à Tar Valon, dit Bryne, ces Seanchaniens ne sont pas notre problème. Nous devons seulement…

— Moi, je vais la sortir de là, coupa Siuan.

Une déclaration qui la surprit elle-même.

Bryne se tourna vers sa compagne, le globe lumineux révélant une barbe naissante, sur son menton.

— Pardon ?

— Egwene, dit Siuan. Nous devons aller la chercher. Cette attaque est une diversion parfaite. Gareth, on pourra l’exfiltrer sans que les sœurs s’en aperçoivent.

Le général foudroya Siuan du regard.

— Quelle mouche te pique, Gareth ?

— Tu as promis de ne pas intervenir, Siuan…

Lumière ! Qu’il était agréable d’entendre prononcer son nom par cet homme…

Concentre-toi ! se tança l’ancienne Chaire d’Amyrlin.

— Ça ne compte plus. Elle est en danger et a besoin d’aide.

— Peut-être, mais elle n’en veut pas. Notre devoir, c’est de protéger nos forces. La Chaire d’Amyrlin est assez grande pour prendre soin d’elle-même.

— Je pensais ça de moi, à l’époque, répliqua Siuan. Tu vois où ça m’a menée ?

Haussant les épaules, elle regarda en direction de la tour, dans le lointain. Un éclair zébra le ciel, révélant la blancheur immaculée de l’édifice.

— Quand elle évoque les Seanchaniens, Egwene en tremble encore d’angoisse. Pourtant, rien ne l’impressionne, les Rejetés pas plus que le Dragon Réincarné. Gareth, tu n’as pas idée de ce que les Seanchaniens font aux femmes capables de canaliser. Il faut aller à son secours.