Выбрать главу

— Je ne m’impliquerai pas là-dedans, déclara Bryne, obstiné.

— Très bien, grogna Siuan.

Maudit bonhomme !

— Va materner tes soldats, Gareth Bryne. Je crois connaître quelqu’un qui acceptera de m’aider.

D’un pas décidé, Siuan se dirigea vers une tente.

Alors que la Tour Blanche tremblait sur ses bases, Egwene s’appuya contre un mur. La pierre elle-même vibrait. Du mortier se détachait du plafond et un carreau tomba d’un mur et se brisa en mille morceaux sur le sol.

Nicola cria et s’accrocha de plus belle à Egwene.

— Le Ténébreux ! C’est l’Ultime Bataille !

— Nicola ! lança Egwene en se redressant de toute sa hauteur. Du calme ! Ce n’est pas Tarmon Gai’don, mais seulement les Seanchaniens.

— Les Seanchaniens ? Je croyais que c’était une rumeur…

Pauvre idiote, pensa Egwene en accélérant le pas.

Elle descendait un couloir latéral et Nicola la suivait, portant leur lampe. Sa mémoire ne l’ayant pas trompée, Egwene constata que le couloir suivant longeait la façade de la tour – la promesse d’y trouver des fenêtres.

Dès qu’elle en eut repéré une, elle fit signe à Nicola de rester en arrière, puis sonda brièvement les ténèbres.

Des silhouettes ailées sillonnaient le ciel. Des raken ? Non, des to’raken, plus gros et plus puissants. Sur plusieurs d’entre eux, des femmes canalisaient le Pouvoir – l’inévitable duo composé d’une sul’dam et de sa damane. Éblouie par une kyrielle de flux dévastateurs, Egwene dut cligner des yeux.

À la base de la tour, des flammes se déchaînaient déjà. Horrifiée, Egwene vit qu’il y avait des brèches ou des trous béants à tous les niveaux de l’édifice.

Des to’raken s’accrochaient à la paroi de la tour, l’escaladant comme des chauves-souris qui rampent le long d’un mur. Utilisant les brèches, des soldats et des duos de femmes se déversaient dans le fief des Aes Sedai. Sous les yeux d’Egwene, un to’raken, sa mission accomplie, se détacha de la paroi. Grâce à la hauteur, il reprit son vol comme si de rien n’était. Les to’raken étaient sans conteste moins gracieux que leurs petits frères, mais ils n’avaient rien à leur envier sur le reste.

Guidé de main de maître par son pilote, le monstre passa juste devant la fenêtre où se tenait Egwene. Balayés par le courant d’air, les cheveux d’Egwene volèrent derrière ses oreilles. Dans le lointain, elle entendit des cris de terreur.

Les Seanchaniens frappaient, et ils ne retenaient pas leurs coups.

Cela dit, ce n’était pas une attaque massive, mais un simple raid. Pour capturer des marath’damane, bien entendu.

Egwene s’écarta juste à temps pour qu’un éclair s’engouffre par la fenêtre et aille percuter un mur. De nouveau, la tour trembla sur ses bases. D’un couloir latéral, de la poussière et de la fumée jaillirent soudain.

Des envahisseurs les suivraient bientôt. Des combattants, évidemment, mais aussi des sul’dam et des damane, avec le collier et la chaîne…

De plus en plus glacée, Egwene enroula les bras autour de son torse. Le contact affreux du collier… La nausée, l’humiliation, la panique, le désespoir et, le pire de tout, la culpabilité de ne pas servir sa maîtresse du mieux qu’elle aurait pu…

Le regard hanté d’une Aes Sedai, lorsqu’elle était brisée… Entre les mains des Seanchaniens, peu de sœurs avaient échappé à ce sort.

Bientôt, Egwene serait peut-être comme elles. Une esclave de plus, heureuse de servir ses maîtres.

La tour vibra encore. Dans certains couloirs dévastés par les flammes, on entendait des cris de rage et des gémissements désespérés.

La fumée taquinait les narines d’Egwene.

Lumière ! Ce n’était donc pas un cauchemar ? Alors, pas question qu’elle retombe entre les mains de ces barbares. Jamais plus ils ne la mettraient en laisse ! Elle allait se cacher, ou fuir, ou…

Non !

Egwene carra les épaules.

Non, je ne fuirai pas.

La Chaire d’Amyrlin ne détalait pas devant le danger.

Recroquevillée contre un mur, Nicola marmonna :

— Ils viennent pour nous ! Pour nous !

— Eh bien, qu’ils arrivent, je les attends.

Egwene s’unit à la Source. L’ingestion de fourche-racine datant de plusieurs heures, l’effet s’était assez estompé pour lui permettre de tisser un filament de saidar. Sans doute le plus petit qu’elle ait jamais généré. Dans son état, elle n’aurait pas pu produire une langue d’Air apte à soulever un grain de poussière. Mais ça devrait suffire. Il le fallait.

— Nous allons nous battre ! s’écria-t-elle.

Nicola fronça les sourcils.

— Mère, tu peux à peine canaliser. Je le sens. Résister sera impossible.

— Rien n’est impossible ! Redresse-toi, Nicola ! Tu es une initiée de la tour, pas une chiffe molle.

La pauvre fille leva sur Egwene un regard implorant.

— Je te protégerai, dit Egwene. C’est juré.

Le moral en hausse, Nicola afficha un semblant de détermination.

Egwene regarda dans la direction du couloir assez proche qui avait été gravement touché. Les lampes éteintes, on ne distinguait que des ombres. Mais les Seanchaniens viendraient, et toutes les femmes de la tour porteraient un collier.

Egwene se tourna dans la direction opposée. De là, des cris montaient encore. En se réveillant, c’était ça qu’elle avait entendu.

Où était passée la harpie rouge en poste devant sa porte ? Elle l’ignorait et s’en fichait royalement.

— Suis-moi ! dit-elle à Nicola.

Elle avança, s’accrochant à son filament de Pouvoir comme un marin tombé à l’eau se retient à un filin. Bien qu’elle pleurnichât de nouveau, Nicola continua à la suivre.

Après un moment, la Chaire d’Amyrlin des rebelles trouva très exactement ce qu’elle espérait découvrir. Un couloir plein de novices, certaines en robe blanche et d’autres en chemise de nuit. Serrées les unes contre les autres, elles criaient chaque fois qu’une lance de feu faisait mouche. À l’évidence, elles regrettaient de n’être pas en bas de la tour, où leurs quartiers se situaient jusqu’à très récemment.

— La Chaire d’Amyrlin ! s’écrièrent plusieurs filles lorsque Egwene s’engagea dans le couloir.

Une bande de gamines perdues, vraiment. Bien entendu, des questions fusèrent de toutes les lèvres.

— Que se passe-t-il ?

— On nous attaque ?

— C’est le Ténébreux ?

Egwene leva une main. La Lumière en soit louée, le silence revint en un éclair.

— Les Seanchaniens viennent faire moisson de femmes capables de canaliser. Pour les forcer à les servir, ils ne manquent pas de moyens. Ce n’est pas l’Ultime Bataille ! Cela dit, nous sommes en grand danger. Quoi qu’il arrive, je ne les laisserai pas vous capturer. Parce que vous êtes mes filles.

Toujours anxieuses mais pleines d’espoir, les novices regardèrent Egwene. Il y en avait cinquante, peut-être plus. Eh bien, elles allaient devoir tenir le coup.

— Nicola, Jasmen, Yeteri, Inala, dit Egwene, désignant les plus puissantes dans le Pouvoir de ce groupe, avancez vers moi. Les autres, soyez attentives. Je veux vous enseigner quelque chose.

— Quoi donc, Mère ? demanda une des filles.

Ça a rudement intérêt à fonctionner !

— Je vais vous apprendre à vous lier.

Des cris montèrent dans le couloir. En principe, on n’apprenait pas ça à des novices. Mais si des sul’dam déboulaient ici, il fallait qu’elles trouvent à qui parler.