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— Où est-il exactement, ce point ? demanda Saerin.

— Vingt-deuxième niveau, Aes Sedai. Quartiers nord-est.

— Quoi ? s’écria Katerine. Le secteur de l’Ajah Marron ?

Non, ça, c’était avant. Avec les derniers bouleversements, c’était à présent…

— Les quartiers des novices ! s’écria Saerin. (C’était encore plus invraisemblable qu’imaginer l’Ajah Marron en train de guerroyer…) Comment se peut-il… ? (Elle écarquilla les yeux, sidérée.) Egwene ! C’est Egwene !

Devant l’œil mental d’Egwene, chaque Seanchanienne sans visage qu’elle abattait prenait les traits honnis de Renna.

Campée devant une brèche, la jeune Chaire d’Amyrlin s’abandonnait au vent qui faisait voler ses cheveux, qui gonflait sa robe blanche et qui hurlait à ses oreilles comme s’il partageait sa fureur.

Non, pas sa fureur, mais une colère parfaitement maîtrisée. Une rage froide et méthodique. La tour était en flammes. Ce drame, elle l’avait prédit et vu en rêve, mais la réalité se révélait pire que tout ce qu’elle avait cru.

Si Elaida s’était préparée à faire face, les dégâts auraient été bien moins graves. Mais pleurer sur le lait répandu était une perte de temps.

En lieu et place de ce gaspillage, Egwene dirigeait son ire – celle de la justice, celle d’une Chaire d’Amyrlin – sur les Seanchaniens. Avec une régularité de métronome, des to’raken tombaient en piqué. Moins maniables que leurs cousins plus petits, ils faisaient des cibles faciles. Jusque-là, elle en avait abattu une dizaine, et cet exploit avait attiré l’attention de tous les autres. En bas, le calme revenait, parce que le raid, à présent, se focalisait entièrement sur elle. Dans l’escalier, les novices repoussaient les soldats adverses. Furieux, des to’raken décrivaient des cercles autour de la flèche blanche, tentant à chaque passage devant elle de désintégrer Egwene ou de la couper de la Source.

Montés sur des raken, des arbalétriers tentaient de la cribler de carreaux.

Mais Egwene était une fontaine de Pouvoir, en ce jour. Puisant du saidar dans la baguette cannelée qu’elle brandissait, elle était la focale d’un groupe de novices et d’Acceptées qui, cachées dans une pièce, derrière elle, formaient un cercle avec elle.

Sublimée, elle faisait partie intégrante des feux qui brûlaient dans la tour, leurs flammes colorant le ciel de rouge tandis que leur fumée chargeait l’air de flammèches.

Egwene al’Vere, une créature de chair et de sang ? Non, un être de pur Pouvoir qui infligeait leur châtiment aux misérables qui avaient osé porter la guerre jusque dans la Tour Blanche.

Des éclairs déchiraient le ciel et des flammes jaillissaient de ses mains.

Aurait-elle dû redouter de violer les Trois Serments ? Peut-être, mais ce n’était pas le cas. Ce combat, il fallait le livrer, et elle n’était pas avide de tuer – sauf quand il s’agissait de sul’dam, il fallait en convenir. Les soldats et les damane, c’étaient des dommages collatéraux.

La Tour Blanche, fief sacré des Aes Sedai, subissait une attaque. En son sein, toutes les femmes étaient en danger – un danger pire que la mort. Parce que rien ne pouvait être plus terrible que porter un a’dam. En tuant les sul’dam, Egwene se défendait et protégeait toutes les résidentes de la tour.

Les Seanchaniens, elle allait les faire déguerpir !

Les uns après les autres, des boucliers tentaient de venir la couper de la Source. Des mains d’enfant essayant d’arrêter les flots rugissants d’une cascade. Avec une telle quantité de Pouvoir, Egwene ne craignait rien, à part un cercle complet, et les Seanchaniens étaient incapables d’en former un – à cause des a’dam, qui bloquaient le processus.

Les attaquantes multipliaient les tissages afin de frapper Egwene, mais chaque fois, elle agissait la première, détournant les boules de feu avec un souffle d’Air ou abattant le to’raken qui transportait un duo de femmes menaçantes.

Certains monstres volants s’étaient enfuis avec des prisonnières sur leur dos. Malgré ses efforts, Egwene ne pouvait pas abattre toutes les créatures, incroyablement nombreuses pour un simple raid. Quoi qu’elle fasse, des monstres s’échapperaient et des sœurs finiraient en captivité.

Une boule de feu jaillissant de chaque main, la jeune Chaire d’Amyrlin abattit un nouveau to’raken qui fondait sur elle. Oui, une partie des attaquants s’enfuiraient, mais ils paieraient cher leur survie.

Un nouvel objectif pour Egwene : dissuader les Seanchaniens de s’en prendre de nouveau à la tour. Ce raid devait leur coûter très cher.

— Bryne ! Au-dessus de toi !

Le général se jeta sur le côté et grogna quand il s’écrasa sur les pavés, son plastron enfoncé douloureusement dans le flanc. Une masse énorme le survola, puis un bruit assourdissant retentit. Une fois relevé sur un genou, Bryne vit qu’un raken en flammes s’était écrasé exactement à l’endroit où il se tenait un peu plus tôt. Tué lui aussi par l’éclair qui avait foudroyé sa monture, le pilote glissa sur le sol comme une poupée désarticulée.

Le cadavre du raken, encore fumant, s’écroula au pied de la tour. Son cavalier resta où il était, son casque rebondissant dans la nuit.

Distraitement, Bryne remarqua qu’il manquait une botte au cadavre. Puis il se releva et dégaina son couteau – en tombant, il avait perdu son épée. Pivotant sur lui-même, il sonda les alentours en quête de danger. Eh bien, il n’en manquait pas ! Des monstres petits ou grands passaient et repassaient, même si la plupart d’entre eux se focalisaient sur la tour. Le sol, devant la flèche blanche, était jonché d’éclats et de blocs de pierre – sans parler des cadavres dans des positions à vous retourner l’estomac.

Non loin de là, les hommes du général affrontaient des Seanchaniens qui avaient jailli hors de la tour quelques secondes plus tôt. Fuyaient-ils quelque chose ou avaient-ils été attirés par la perspective d’un combat ? En tout cas, il y avait au moins trente gaillards.

Étaient-ils venus pour repartir sur un to’raken ? Quoi qu’il en soit, ils étaient tombés sur un os. D’autant plus qu’il n’y avait avec eux aucun duo sul’dam-damane.

À trois contre un, les soldats du général auraient dû s’en sortir sans difficulté. Hélas, quelques monstres volants, juste au-dessus de la zone, les prenaient pour cibles. Et ces maudits Seanchaniens se battaient rudement bien.

Tout en cherchant son épée du regard, Bryne ordonna à ses hommes de ne pas céder de terrain. Gawyn, qui venait de lui sauver la vie en criant un avertissement, ferraillait contre deux envahisseurs à la fois. Était-il complètement idiot ? Quand on bénéficiait de la supériorité numérique, on devait toujours avoir un partenaire. Il…

Presque sans effort, le prince disposa de ses adversaires en un clin d’œil. Était-ce bien un Lotus qui se Referme qu’il venait de réaliser ? De sa vie, le général n’avait jamais vu quelqu’un être si efficace avec cette figure contre deux opposants.

Plein de panache, Gawyn exécuta avec sa lame le salut rituel d’un vainqueur, puis il la rengaina et, du bout du pied, envoya voler dans les airs l’arme de Bryne et la rattrapa au vol. Ensuite, il se mit en garde, prêt à tout.

Malgré les attaques venues du ciel, les soldats du général tenaient bon. Hochant la tête à l’intention de Bryne, Gawyn, du bout de l’épée, lui fit signe d’approcher.

Dès que le général eut récupéré son arme, le prince dégaina la sienne.