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À cet instant, une idée extraordinaire lui traversa l’esprit.

Si je peux revivre, elle aussi en a la possibilité.

C’était pour ça qu’il se battait. Pour ça qu’il vivait et revivait. Pour ça qu’il allait au combat.

Je lutte parce que j’ai échoué la fois précédente. Mon objectif, c’est de réparer mes erreurs.

Et cette fois, je ne veux pas me tromper.

Le Pouvoir qui l’habitait atteignit son zénith. L’infléchissant, Rand le redirigea vers la clé d’accès.

Un ter’angreal relié à un artefact immensément plus puissant – un sa’angreal géant, au sud, conçu pour vaincre le Ténébreux. « Trop puissant », selon certains esprits. Trop dévastateur pour être utilisé. Trop effrayant.

Rand focalisa son pouvoir sur cette cible, faisant imploser la sphère lointaine comme s’il l’écrasait sous la pression de deux mains géantes.

Les Choedan Kal explosèrent.

Le Pouvoir se dissipa.

Et la tempête cessa.

Alors, Rand ouvrit les yeux pour la première fois depuis un long moment. Sans savoir pourquoi, il devina qu’il n’entendrait plus jamais la voix de Lews Therin dans sa tête. Parce qu’ils n’étaient pas deux hommes différents – et ne l’avaient jamais été.

Le Dragon contempla le monde, à ses pieds. Au-dessus de lui, au moins, les nuages s’étaient dispersés, lui permettant enfin de voir le soleil.

Il le regarda en face, puis il sourit.

Ensuite, il éclata d’un rire sincère et d’une parfaite pureté.

Un vrai bonheur, après si longtemps…

Épilogue

Baigner dans la Lumière

Egwene travaillait à la lumière de deux lampes de bronze en forme de femmes. Les bras tendus, les sculptures se tenaient les mains, une flamme jaillissant de chaque paire de paumes.

Cette lumière apaisante se reflétait sur le dos des mains, les bras et le visage de chaque personnage. Ces femmes symbolisaient-elles la Tour Blanche et la Flamme de Tar Valon ? Ou incarnaient-elles deux Aes Sedai en train de tisser du Feu ?

Au fond, les lampes n’étaient peut-être qu’un objet apprécié par une ancienne Chaire d’Amyrlin…

Les bronzes se dressaient chacun à un bout du bureau. Un bureau, oui, un vrai avec un authentique fauteuil où s’asseoir.

Egwene était dans le fief « professionnel » d’Elaida, soigneusement débarrassé de toute référence à l’usurpatrice. Du coup, il ne restait rien en guise d’ornements. Des murs nus, des lambris dépourvus de tapisseries et des guéridons sans œuvres d’art. Même les rayonnages étaient vides, de peur qu’un livre ou un bibelot blessent la sensibilité de la nouvelle dirigeante.

Dès qu’elle avait vu ce nettoyage par le vide, Egwene avait ordonné que les affaires d’Elaida soient enfermées dans un endroit sûr et gardées par des sœurs de confiance. Parmi ces objets, il y avait nécessairement des indices sur les plans de la dirigeante folle. Par exemple, des notes glissées dans un ou plusieurs livres, histoire de servir de pense-bête. Ça, c’était la version simple. Il pouvait y avoir aussi des codes liés aux ouvrages qu’Elaida consultait ou aux objets qu’elle gardait dans ses tiroirs.

Dans l’incapacité d’interroger Elaida, comment savoir quels coups tordus elle avait mijotés pour se venger, si son règne tournait mal ? Dès qu’elle aurait cinq minutes, Egwene comptait étudier ces « indices » puis interroger toutes les Aes Sedai présentes à la tour afin de trouver le fil rouge.

Pour l’heure, le temps lui manquait. En secouant la tête, elle continua à survoler le rapport de Silviana. Comme elle l’avait pressenti, l’ancienne Maîtresse des Novices se révélait une excellente Gardienne – bien plus douée que Sheriam, en tout cas. Cerise sur le gâteau, les « loyalistes » la respectaient et l’Ajah Rouge paraissait avoir accepté l’offre de paix que sa nomination représentait. Apparemment, au moins…

Comme de juste, tout en bas d’une pile de lettres, Egwene gardait bien au chaud les missives de protestation de Romanda et de Lelaine. Leur soutien – là encore, c’était prévisible – aurait duré ce que duraient les roses. Pour le moment, ces deux harpies se disputaient au sujet des damane capturées par Egwene durant l’attaque. Le plan de la jeune Chaire d’Amyrlin – en faire des Aes Sedai – déplaisait bien entendu à ces dames. Selon toute probabilité, Lelaine et Romanda étaient parties pour pourrir la vie d’Egwene pendant des années.

La jeune femme posa le rapport. En fin d’après-midi, la lumière du couchant filtrait des volets fermés de son balcon. Amoureuse de la pénombre, elle ne les ouvrait jamais. La solitude, qu’y avait-il de mieux ?

Pour l’instant, l’austérité de son bureau ne la dérangeait pas. Encore que… En l’état, la pièce ressemblait au fief de la Maîtresse des Novices où elle avait passé de sales moments. Mais aucun ornement ne chasserait les souvenirs de ces jours sinistres. Surtout avec Silviana en permanence dans le coin…

Aucune gravité. Pourquoi Egwene aurait-elle voulu oublier ces jours-là ? Elle y avait remporté quelques-unes de ses plus belles victoires.

Cela dit, pouvoir s’asseoir sans devoir grimacer de douleur était sacrément agréable.

Avec un petit sourire, Egwene s’attaqua au rapport suivant. Signé Silviana, bien sûr. Et pas rassurant du tout.

Presque toutes les sœurs noires avaient pu fuir la tour. Rédigé de la main de Silviana, le rapport annonçait que quelques traîtresses avaient été appréhendées, immédiatement après la cérémonie, mais seulement les plus faibles du lot. La majorité de ces femmes – soit une bonne soixantaine de sœurs noires – s’était échappée. Avec une représentante dans le lot. Un nom qui ne figurait même pas sur la liste de Verin. Mais la disparition d’Evanellein l’accusait sans détours.

Le front plissé, Egwene s’empara d’un autre rapport. Il contenait les noms de toutes les femmes de la tour, classés par Ajah. Beaucoup de noms, désormais, étaient accompagnés d’une de ces trois mentions : sœur noire en fuite, sœur noire capturée, sœur enlevée par les Seanchaniens.

Ce dernier groupe était une source d’agacement. Agissant avec une grande clairvoyance, Saerin, après l’attaque, avait ordonné une revue des effectifs, pour savoir très exactement qui était entre les mains de l’ennemi. Quarante initiées, dont plus de vingt sœurs, avaient été capturées et emmenées. On aurait cru une histoire à faire peur racontée à des enfants au moment du coucher. Des récits de monstres qui volent les méchants petits garçons et les petites filles indisciplinées.

Les malheureuses captives allaient être rouées de coups, incarcérées et transformées en… outils.

Egwene se força à ne pas toucher son cou, là où le collier l’avait serré. Que la Lumière la brûle ! Ce n’était pas le sujet, pour le moment !

Toutes les sœurs noires listées par Verin avaient traversé sans avanies le raid des Seanchaniens. Hélas, la plupart avaient déguerpi avant même qu’Egwene arrive à la tour pour recevoir l’étole.

Velina était partie, comme Chai et Birlen. Et Alviarin aussi, bien sûr. Les chasseuses de traîtresses n’avaient pas réussi à l’appréhender à temps.

Qu’est-ce qui avait alerté ces femmes ? Très probablement, la purge ordonnée par Egwene dans le camp des rebelles. Sur ce point, elle s’était demandé si elle ne surjouait pas sa main. Mais qu’aurait-elle pu faire d’autre ? En frappant vite, elle s’était laissé une chance que les sœurs noires de la tour ne soient pas prévenues. Hélas, ça n’avait pas fonctionné.

Sur ce plan-là, du moins. Pour le reste, elle avait fait arrêter toutes les sœurs noires, les faisant ensuite exécuter. Après, elle avait contraint les sœurs de la tour à jurer sur le Bâton des Serments. Rejurer, plutôt… Comme prévu, elles avaient détesté ça, mais comment auraient-elles pu s’y soustraire, puisque toutes les rebelles s’étaient soumises à ce rite de passage ? L’exécution de Sheriam avait sûrement contribué à les convaincre.