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Pardon ? pensa Gawyn, soufflé.

Les trois femmes étaient déjà loin dans le couloir, leurs voix presque inaudibles. Troublé, Gawyn s’en aperçut à peine. Que venait-il d’entendre ? Egwene ? Non, il avait dû mal comprendre !

Sauf qu’une Aes Sedai ne pouvait pas mentir. De plus, selon certaines rumeurs, les renégates avaient un Hall et une Chaire d’Amyrlin bien à elles. Et ce serait Egwene ? Ridicule ! Une simple Acceptée…

Mais quel meilleur choix pour un fiasco programmé ? Très certainement, aucune autre sœur n’avait voulu s’exposer en héritant du titre. Jeune et inexpérimentée, Egwene devait avoir fait une dirigeante de paille parfaite.

Se ressaisissant, Gawyn jaillit hors de la cuisine et se lança à la poursuite des sœurs.

Dehors, alors que le crépuscule tombait, il découvrit Vasha bouche bée face à Katerine. À l’évidence, il n’avait pas été seul à ignorer le retour de la sœur rouge.

Avisant l’Andorien Tando, un de ses hommes qui surveillaient la maison, Gawyn approcha et le prit par le bras.

— Tu as vu la sœur rouge entrer dans le bâtiment ?

— Non, seigneur. Un des gardes postés à l’intérieur était là quand elle a rejoint les autres sœurs – en sortant soudain du grenier, d’après lui. À part ça, aucune sentinelle ne sait comment elle est arrivée là-dedans.

Gawyn lâcha le bras de Tando, courut et rattrapa les sœurs au milieu de la grand-place.

Chacun arborant une moue agacée, trois visages sans âge se tournèrent vers lui.

Covarla semblait particulièrement furieuse. Mais à présent, il se fichait qu’elle lui retire son commandement ou qu’elle le fasse léviter la tête en bas. Les humiliations ne comptaient plus. Une seule chose importait.

— C’est vrai ? demanda-t-il. (Au dernier moment, il se souvint du protocole.) Katerine Sedai, s’il te plaît… Ce que j’ai entendu, c’est vrai ? Les renégates ont une Chaire d’Amyrlin ?

La sœur rouge regarda froidement le jeune fâcheux.

— Une nouvelle à faire circuler parmi tes soldats, oui… L’usurpatrice existe, et elle a été capturée.

— Son nom ? demanda Gawyn.

— Egwene al’Vere. Ne restons pas dans le flou des rumeurs, pour une fois. (Elle congédia Gawyn d’un geste et reprit son chemin, s’adressant à ses compagnes.) Faites bon usage de ce que je viens de vous enseigner… La Chaire d’Amyrlin veut que les raids s’intensifient. Grâce à ces tissages, vous bénéficierez d’une mobilité hors du commun. Mais ne soyez pas surprises si les renégates anticipent vos mouvements. Elles savent que nous tenons leur fausse Chaire d’Amyrlin, et se doutent que nous disposons des nouveaux tissages. Très bientôt, toutes les factions seront en mesure de Voyager. Tirez le maximum de l’avantage que vous avez encore.

Gawyn écoutait à peine. Voyager ? Une aptitude perdue depuis des lustres… C’était donc comme ça que Gareth Bryne approvisionnait son armée ?

Mais c’était secondaire. Siuan Sanche avait été calmée puis condamnée à mort alors qu’elle avait seulement été renversée. Quel sort attendait une usurpatrice, dirigeante d’une bande de renégates ?

Couiner de douleur la moitié de la journée ?

Egwene était torturée et elle serait calmée, si ce n’était pas déjà fait. Après, on la mettrait à mort.

Gawyn regarda les trois sœurs s’éloigner. Puis il fit volte-face, de nouveau très calme, et posa la main sur la poignée de son épée.

Egwene avait des ennuis.

Egwene allait être exécutée.

À qui va ta loyauté, Gawyn Trakand ?

D’une démarche étrangement assurée, le fils de Morgase traversa le village. Contre la Tour Blanche, les Jeunes Gardes ne seraient pas fiables. Impossible de compter sur eux pour monter une expédition de secours. Mais tout seul, que pourrait-il faire ? En conséquence, ça lui laissait une unique possibilité.

Dix minutes plus tard, sous sa tente, il acheva de remplir ses sacoches de selle. La plupart de ses affaires, il allait devoir les laisser.

Dans les avant-postes assez lointains, il s’était déjà autorisé des inspections surprises. Un prétexte idéal pour quitter le camp.

Il ne devait pas éveiller les soupçons. Covarla avait raison. Si ses Jeunes Gardes le respectaient et le suivaient, ils n’étaient pas vraiment ses hommes. Appartenant à la Tour Blanche, si Elaida le leur ordonnait, ils se retourneraient contre lui, comme lui avec Hammar. Si l’un d’eux devinait ce qu’il mijotait, il ne pourrait pas faire cent pas hors du camp.

Il ferma ses sacoches et les mit sur son épaule. Ce qu’il emportait devrait suffire…

Sortant de sa tente, il se dirigea vers la rangée de chevaux. D’un geste, il fit signe à Rajar de le rejoindre. Abandonnant les soldats à qui il donnait un cours d’escrime, l’officier accourut. Voyant les sacoches, il fronça les sourcils.

— Je pars inspecter le quatrième avant-poste.

— Si tard ?

— La dernière fois, j’y suis allé le matin…

Contre toute attente, le cœur de Gawyn ne battait pas la chamade. Un calme profond…

— Le coup d’avant, c’était l’après-midi… Mais le moment le plus dangereux, si on se relâche, c’est au crépuscule, quand les hommes ont l’estomac plein, mais qu’il fait encore assez clair pour une attaque.

Rajar acquiesça et marcha à côté de son chef.

— La Lumière sait que nous avons besoin de sentinelles vigilantes.

Des éclaireurs de Bryne avaient fouillé des villages, à moins d’une demi-journée de cheval de Dorlan.

— Je vais désigner une escorte…

— Surtout pas ! La dernière fois, les gars du quatrième avant-poste m’ont vu venir de très loin. En groupe, on soulève trop de poussière. Je veux savoir si ces hommes ont les yeux en face des trous, quand il y a un seul cavalier.

Rajar se rembrunit.

— Je ne risquerai rien, le rassura Gawyn. Rajar, tu le sais bien. Tu as peur que des ruffians m’enlèvent ?

L’officier se détendit.

— Toi ? Ils auraient aussi vite fait d’essayer avec Sleete. D’accord… Mais envoie-moi un messager, quand tu seras de retour. Sinon, je ne fermerai pas l’œil.

Désolé de t’imposer une nuit blanche, dans ce cas…

Rajar retourna auprès de ses élèves. Quelques minutes plus tard, pendant qu’un garçon du village – bombardé palefrenier – préparait Défi à être sellé, le jeune officier débarrassa le cheval de ses entraves.

— Tu as l’allure d’un homme qui a pris sa décision, dit une voix douce dans son dos.

Gawyn se retourna, la main volant vers son épée. Dans la pénombre, quelque chose bougeait. En plissant les yeux, il devina la silhouette d’un homme au nez crochu. Maudite cape-caméléon des Champions !

Avec Sleete, Gawyn tenta le même coup d’esbroufe qu’avec Rajar.

— Je suis content d’avoir quelque chose à faire, j’imagine…

Le palefrenier ayant terminé, il lui jeta une pièce de cuivre et lui fit signe de filer.

À l’ombre d’un grand pin, Sleete regarda le frère d’Elayne seller son destrier. Il savait, comprit Gawyn. Tous les autres n’y avaient vu que du feu, mais ce type-là était d’une autre trempe. Allait-il encore devoir tuer un Champion qu’il respectait ?

Que la Lumière te brûle, Elaida ! Toi aussi, Siuan Sanche, et ta fichue tour ! Cessez de manipuler les gens ! Cessez de m’utiliser !

— Quand dois-je dire à tes hommes que tu ne reviendras pas ? demanda Sleete.

Gawyn serra les sangles de la selle et attendit que son cheval ait expiré à fond pour leur redonner un petit coup.

— Tu ne comptes pas m’arrêter ?

Sleete ricana.