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Raymond VII, se voyant abandonné de tous, n'eut plus qu'à se soumettre, en faisant appel à la médiation de la reine-mère Blanche de Castille; il remit au roi, en gage de sa soumission, les places de Bram et de Saverdun et tout le Lauraguais, et signa la paix à Lorris, le 30 octobre 1242.

La révolte était terminée: si bien terminée que le roi ne jugea même pas bon de punir sévèrement ces vassaux qui avaient porté les armes contre lui, au mépris de leurs serments. En janvier 1243, les comtes de Toulouse et de Foix se rendaient à Paris pour renouveler leur hommage à la couronne. Ce fut à Blanche de Castille que le comte dut (selon G. de Puylarens) les conditions relativement douces du nouveau traité de paix; la régente n'avait nul intérêt à appauvrir des domaines qui allaient revenir à son fils. Le meilleur moyen de rendre le comte de Toulouse inoffensif était encore de l'empêcher de se remarier, ce à quoi Blanche de Castille allait s'employer avec succès, dans les années qui suivirent. En attendant, Raymond VII promit - une fois de plus - de purger définitivement ses terres de l'hérésie. Blanche de Castille prenait très à cœur l'affaire de la foi, et le comte, de son côté, ne demandait pas mieux que de persécuter les hérétiques, pourvu qu'on le laissât le faire lui-même. Et, ne pouvant éliminer le roi de France, il allait du moins essayer de se débarrasser de l'Inquisition.

À peine revenu dans le Languedoc, le comte fit réunir un concile composé par la plupart des évêques et des grands abbés du pays, bien qu'il fût encore sous le coup de l'excommunication lancée contre lui par Frère Ferrier après le meurtre des inquisiteurs, et par l'archevêque Pierre Amiel après son entrée à Narbonne. Le concile avait pour but l'extermination de l'hérésie. L'archevêque de Narbonne lui-même présidait cette assemblée181. Pour le comte, le véritable but de ce concile était l'élimination des inquisiteurs au profit de la juridiction épiscopale.

À cette manœuvre dirigée beaucoup plus contre eux que contre l'hérésie, les Dominicains répondirent par une démarche qui, si elle réussissait, devait combler les vœux du comte de Toulouse: ils demandèrent au pape de relever leur ordre des fonctions inquisitoriales, qui ne leur causaient que des ennuis et leur attiraient une telle hostilité. Et il est vrai que nombre de Dominicains qui n'étaient nullement inquisiteurs avaient payé pour l'impopularité de leurs frères, puisque les couvents de Frères Prêcheurs étaient attaqués et saccagés dans beaucoup de villes. Mais d'autre part, le sort de Guillaume-Amaud n'était pas fait pour décourager les chefs du mouvement, hommes aussi peu sujets à la peur qu'à bien d'autres sentiments humains; il devait plutôt stimuler leur énergie. Comment ces terribles lutteurs eussent-ils envisagé d'abandonner la partie, au moment où l'ennemi était à demi vaincu et le roi de France triomphait? Ils tenaient surtout à faire comprendre au pape à quel point leur action était redoutée, donc efficace. Négligeant leur demande, Innocent IV les confirma dans tous leurs pouvoirs, sans les soumettre en aucune façon à la juridiction épiscopale; les prêcheurs, de leur côté, pour désarmer les évêques qui pouvaient leur être hostiles, s'empressèrent d'accorder une place importante à l'ordinaire dans la procédure de leurs tribunaux; concession purement honorifique, l'autorité suprême en matière d'hérésie appartenant toujours à l'Inquisition dominicaine, de auctoritate apostolica.

La tentative du comte avait donc échoué. Du reste, son excommunication n'était toujours pas levée, on exigeait de lui des actes, non des paroles. Au concile de Béziers, en 1243, les prélats du Languedoc décidèrent d'en finir avec Montségur (que le comte avait déjà, sans grande conviction, tenté de prendre) et qui se trouvait être le repaire des assassins de Guillaume-Araud. La révolte et la défaite du comte forçaient l'Église et le roi à une sévérité accrue; vaincu, Raymond VII ne cherchait plus qu'à limiter les dégâts, en sacrifiant ceux de ses sujets qu'il ne pouvait plus défendre sans se brouiller avec ses vainqueurs et avec ses alliés éventuels.

Hugues des Arcis, nouveau sénéchal de Carcassonne, et Pierre-Amiel, archevêque de Narbonne, prirent donc la résolution de rassembler une armée assez considérable pour mettre enfin le siège devant cette fameuse forteresse que la rumeur publique leur désignait comme le quartier général de l'hérésie. En avril 1243, après l'effondrement de la dernière tentative de révolte armée du Languedoc, dans cette atmosphère de découragement général où chacun ne songeait qu'à tirer son épingle du jeu, Montségur, isolé, irréconciliable, se trouvait - bien malgré la volonté de ses défenseurs - destiné à jouer le rôle du bouc émissaire de la résistance occitane.

Le jour où Raymond de Perella avait accepté de faire de son château le siège officiel de son Église, il avait prévu le danger auquel il s'exposait; excommunié et condamné à mort par contumace, il savait bien qu'il n'avait plus à attendre de secours que de la solidité de ses murailles. Il n'avait pas dû prévoir que de sa petite citadelle le roi et le pape allaient un jour faire le symbole de l'hérésie prête à dévorer l'Église.

172 Doat. T. XXIII, 2-39.

173 Il ne semble pas, malgré l'affirmation du traducteur anonyme de la "Chanson", que le château ait été pris par les croisés. En 1212, Guy de Montfort s'était emparé de Lavelanet et ravagé les environs, et peut-être brûlé le village de Montségur.

174 "Chanson de la Croisade", ch. CXLV. 3265.

175 Il était né en 1207.

176 Op. cit., éd. 1879, t. VI, p. 768.

177 Récit fait par F. de Plaigne à Frère Ferrier, 18 mars 1244. Doat, t. XXII, pp. 293 v°-294 v°.

178 Doat, t. XXII, pp. 293 v°-295 v°.

179 Doat, t. XXII, p. 287.

180 8 août 1242.

181 Béziers, le 15 avril 1243.

CHAPITRE XII

LE SIÈGE DE MONTSÉGUR

Au mois de mai 1243, Hugues des Arcis, avec une armée de chevaliers et de sergents d'armes français, vint planter ses tentes au pied du rocher de Montségur. Il allait recevoir des renforts, l'encerclement d'une montagne de cette dimension exigeait des effectifs importants. Cette place trop haut perchée ne pouvait, semblait-il, être réduite que par la faim et la soif. Il n'y avait qu'à l'empêcher de communiquer avec le dehors, et laisser le soleil d'été vider les citernes. Dans le château et dans les baraquements entassés sous ses murs logeaient plusieurs centaines de personnes: la garnison (entre 120 et 150 hommes), les familles des seigneurs et des hommes d'armes, et les hérétiques proprement dits, qui devaient être environ deux cents, hommes et femmes.

I - LE SIEGE

Le siège devait être beaucoup plus long que ne le furent tous les sièges entrepris par Simon de Montfort (si l'on excepte celui de Toulouse dont la situation était difficilement comparable à celle de Montségur). Carcassonne avait tenu quinze jours. Minerve et Termes quatre mois, Lavaur deux mois, Penne d'Agenais moins de deux mois, Montgaillard six semaines, etc. Toutes ces places étaient beaucoup plus fortes, militairement, que Montségur. Des châteaux tels que Termes et Minerve possédaient aussi des défenses naturelles qui les rendaient imprenables; ils avaient été réduits par la soif. Montségur, étant donné ses dimensions exiguës, était surpeuplé comme aucun des autres châteaux (à part Carcassonne) ne l'avait été au cours d'un siège.

Logiquement, il eût dû capituler à la fin de l'été, mais tint assez longtemps pour attendre les pluies; là, les assiégeants ne pouvaient plus compter sur le manque d'eau.

Ils n'avaient pas non plus à compter sur la faim; des dons abondants de croyants riches et pauvres avaient fait de Montségur un immense entrepôt de vivres; l'éventualité d'un siège était toujours à prévoir, et si en 1235 les croyants organisaient des collectes parce que les bons hommes de Montségur n'avaient rien à manger, en 1243 le ravitaillement de la place ne posait plus de problèmes: les dons affluaient, le petit village au pied du roc était devenu un marché où venaient tous les commerçants des bourgs voisins; du Toulousain et du Carcassès des convois de blé étaient acheminés sur Montségur. Et le meurtre des inquisiteurs n'avait pu que rehausser encore le prestige de la citadelle cathare, devenue de ce fait le refuge des héros de la liberté. Pendant le siège, le château continuait à être ravitaillé par des partisans venus de dehors qui parvenaient à forcer le blocus de l'armée assiégeante, et à monter jusqu'au sommet du roc d'importantes quantités de blé.