Présidé par le nouveau cardinal-légat, Romain de Saint-Ange, le concile se contenta de recueillir les dossiers des deux parties, et de renvoyer le comte de Toulouse en remettant la décision à une date ultérieure. Comme au temps où les légats refusaient d'entendre les justifications de Raymond VI, les prélats du concile de Bourges ne cherchaient qu'un moyen légal de condamner le comte sans l'entendre; il ne fallait pas lui permettre de donner publiquement les garanties que l'Église exigeait de lui, et qu'il était tout prêt à fournir. Les évêques doutaient de sa bonne foi, et le roi ne voulait pas risquer de perdre, avec les droits d'Amaury, ses propres droits sur le Languedoc.
Ce fut donc en l'absence des intéressés que fut prononcée la sentence d'excommunication (réitérée) contre Raymond VII, le comte de Foix et le vicomte de Béziers (28 janvier 1226). En même temps, Amaury de Montfort vendait au roi ses droits et titres; et, d'accord avec l'Église, le roi devenait enfin maître légitime du Languedoc, à l'exclusion des véritables suzerains.
Cette fois, il ne s'agit plus d'une croisade prêchée sur les parvis des églises et du haut des chaires des cathédrales; ce n'est une croisade que de nom, c'est le roi de France qui part en guerre pour conquérir une province, après une série de démarches diplomatiques plus ou moins laborieuses destinées à fournil un prétexte légal à cette conquête. Il est bien évident que tout ce trafic d'hommages reçus, offerts, refusés, vendus, acceptés, n'avait aucune valeur en soi et, même sanctionné par l'Église, n'avait d'autre justification que le droit du plus fort. Ce n'est pas sa haine pour l'hérésie qui pousse le roi à exiger le concours de l'Église, teint financier que moral, et à ne se croiser que le jour où il aura arraché à la papauté la reconnaissance formelle de ses droits à la possession entière et sans réserves des terres du Midi. Il se sert de l'Église comme l'Église se sert de lui.
Pour cette guerre de conquête Louis VIII entend bénéficier de tous les avantages accordés par l'Église aux soldats de Dieu et des subsides de l'Église. Avec d'aussi puissants atouts le roi réussit à lever une armée considérable. Malgré son importance numérique, la valeur de ses chevaliers et la magnificence de son équipement, nous verrons que cette armée n'était ni très unie, ni animée d'un enthousiasme exagéré. L'affaire du Languedoc, devenue entreprise personnelle du roi, n'exaltait sans doute ni les fanatiques ni les grands ambitieux; pour obliger ses barons à se croiser, le roi est forcé d'imposer de lourdes pénalités à ceux qui se refuseraient à partir. Les clercs eux-mêmes sont mécontents, car on les oblige à verser pour la croisade le dixième de leurs revenus, qu'on leur prend d'office.
Le roi a pris la croix en janvier 1226, et en juin son armée se met en marche. Elle semble avoir été plus forte, numériquement, que celle qui descendit le Rhône en 1209 et marche sur Béziers. Elle était probablement moins redoutable. Mais son approche jeta les populations du Midi dans une consternation telle que le comte de Toulouse, bien que décidé à se défendre, dut se rendre compte que la partie était d'ores et déjà perdue.
Louis VIII, l'auteur de la boucherie de Marmande, ne pouvait inspirer aux Méridionaux ni confiance ni respect. Tout pieux et bénin qu'il fût, il devait jouir dans le pays d'une grande réputation de férocité car, à la nouvelle de son prochain départ, dès le printemps 1226, de nombreux seigneurs du Midi s'empressèrent de faire acte de soumission au roi: c'est le cas d'Héracle de Mondaur, de Pierre Bermond de Sauve (gendre de feu Raymond VI) qui vont jusqu'à se rendre directement à Paris; de Pons de Thézan, Bérenger de Puisserguier, Pons et Frotard d'Olargues, Pierre-Raymond de Comeilhan, Bernard-Othon de Laurac, Raymond de Roquefeuil, Pierre de Villeneuve, Guillaume Méchin, etc. Or, ces seigneurs appartenaient à la noblesse fidèle aux comtes de Toulouse; on voit leurs noms dans les listes de ceux qui accompagnèrent Raymond VI au concile de Latran, qui plus tard se révoltèrent contre l'autorité française sous Raymond VII; Bernard-Othon de Laurac (ou de Niort) était hérétique et devait, quelques années plus tard, subir maintes persécutions pour sa foi, et c'est pourtant lui qui écrira (ou fera écrire) à Louis VIII: "Nous sommes avides de nous placer sous l'ombre de vos ailes et sous votre sage domination". Il faudrait être assez naïf pour croire à la sincérité de ces protestations de loyalisme.
Les villes, apprenant que l'armée du roi s'est mise en marche, envoient des députations et protestent de leur fidélité au roi. Béziers d'abord, puis Nîmes, Puylaurens, Castres; puis, pendant le siège d'Avignon, Carcassonne, Albi, Saint-Gifles, Marseille, Beaucaire, Narbonne, Termes, Arles, Tarascon et Orange. Cette liste est assez éloquente en elle-même: la terreur seule pouvait provoquer cette grêle de soumissions spontanées; ces villes où les Français étaient haïs, et qui étaient farouchement jalouses de leur indépendance ne pouvaient avoir la moindre envie de se placer à l'ombre des ailes du roi. Elles se souvenaient de Béziers et de Marmande.
Le comte de Toulouse, loin de se soumettre, rassemble ses vassaux les plus fidèles et en premier lieu Roger-Bernard de Foix et Raymond Trencavel, et appelle à son aide son cousin germain Henri III d'Angleterre, et Hugues X de Lusignan comte de La Marche, au fils duquel il projette de marier sa fille unique. Ce dernier n'ose marcher contre le roi de France, et Henri III, menacé d'excommunication par le pape, se contente d'ébaucher un projet d'alliance. En fait, Raymond VII ne peut guère compter que sur Toulouse et sur une armée assez faible par suite de la défection d'un grand nombre de barons. Il compte aussi sur le temps qui lui ramènera ses sujets, le premier moment de terreur passé.
L'armée royale s'arrête devant Avignon qui, après avoir protesté de son obéissance, lui refuse le passage; le 10 juin, le roi, "pour venger l'injure faite à l'armée du Christ", prête le serment de ne pas bouger de place avant d'avoir pris la ville et fait dresser les machines de guerre. Le premier effroi passé, Avignon est décidée à tenir. De plus, ville d'Empire, elle n'entend pas se laisser faire la loi par le roi de France. Les murs de la ville sont solides et défendus par une milice nombreuse et une forte garnison de routiers. Avignon se défendit si énergiquement que pendant deux mois on put hésiter sur l'issue de la guerre. Mais pendant que ses soldats étaient exposés à la faim, aux épidémies, aux flèches et aux boulets des assiégés et aux attaques des armées du comte de Toulouse qui harcelaient les arrières de l'armée royale, le roi recevait les députations des seigneurs et des villes du Midi que la présence des croisés et la crainte de nouveaux massacres incitaient à la soumission. Les prélats, en particulier Foulques et le nouvel archevêque de Narbonne, Pierre-Amiel, négociaient ces capitulations anticipées, promettant de la part du roi paix et clémence.
À Carcassonne, les consuls et le peuple, terrorisés, chassent le vicomte Raymond et le comte de Foix. Le comte de Provence vient devant Avignon assiégée solliciter la protection du roi. Narbonne, où le parti catholique fut toujours puissant; Castres, Albi se rendent avant l'approche de l'armée royale. Et cependant Avignon tenait bon et ses défenseurs allaient même jusqu'à attaquer le camp du roi. Dans l'armée croisée le mécontentement grandissait, et des barons tels que le comte de Champagne et le duc de Bretagne manifestaient leur désir de rentrer dans leurs pays.