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— Mais trois, c’est loin d’être suffisant. Mis à part Shielyn que vous voudrez sûrement garder à vos côtés, vu qu’elle est votre Pourvoyeuse-de-Vent, et je prendrai les autres.

Les médaillons de la chaîne d’honneur de Zaida oscillèrent doucement quand elle secoua la tête.

— Talaan et Metarra sont encore des apprenties. Elles doivent continuer leur formation. Les autres ont également leurs tâches à accomplir. Je peux me passer de quatre d’entre elles jusqu’à ce que vous soyez assurée de la couronne.

À partir de là, ce n’était plus qu’une question de marchandage. Elayne n’avait jamais pensé garder les apprenties, ni les Pourvoyeuses-de-Vent des Maîtresses-des-Vagues de Clan. La plupart des Maîtresses-des-Vagues utilisaient leurs Pourvoyeuses-de-Vent et leurs Maîtres-à-l’Épée comme conseillers de confiance, dont elles ne pouvaient guère se séparer facilement, pas plus qu’Elayne de Birgitte. Zaida tenta aussi d’en exclure d’autres, telles que les Pourvoyeuses-de-Vent servant sur les grands vaisseaux comme les rakers et les skimmers, mais cela aurait disqualifié la plupart de celles qui étaient là. Elayne refusa de réduire ses exigences à moins que Zaida n’augmente ses propositions. Ce qu’elle fit lentement, rechignant à faire la moindre concession. Mais pas aussi lentement qu’Elayne s’y attendait. À l’évidence, la Maîtresse-des-Vagues avait besoin de ce marché autant qu’elle-même avait besoin de femmes pour ouvrir des portails.

— Sous la Lumière, nous sommes d’accord, dit enfin Elayne, baisant le bout de ses doigts et se penchant pour les poser sur les lèvres de Zaida.

Aviendha eut un grand sourire, elle semblait impressionnée. Birgitte resta impassible, mais le lien disait qu’elle trouvait que la Fille-Héritière s’en tirait incroyablement bien.

— Nous sommes d’accord sous la Lumière, murmura Zaida.

Elle posa sur les lèvres d’Elayne des doigts durs et calleux, quoiqu’elle n’eût sans doute pas manié un filin depuis des années. Elle avait l’air assez satisfaite pour une femme qui avait accepté de laisser neuf des quatorze Pourvoyeuses-de-Vent mises sur la table. Elayne se demanda combien de ces neuf appartenaient à des vaisseaux détruits par les Seanchans à Ebou Dar. La perte d’un vaisseau était une chose sérieuse chez les Atha’an Mieres, quelle qu’en fût la raison.

Chanelle avait l’air morose, ses mains tatouées crispées sur les genoux de ses chausses en brocart rouge, moins pourtant qu’on n’aurait pu le craindre s’agissant d’une Atha’an Miere obligée de rester à terre un peu plus longtemps. Elle devait commander les Pourvoyeuses-de-Vent qui restaient, et ça lui déplaisait que Zaida ait accepté de la placer sous l’autorité d’Elayne et de Birgitte. Il n’y aurait plus d’Atha’an Mieres déambulant dans le palais comme chez elles, avec des exigences insensées. Mais Elayne soupçonnait Zaida d’être venue à cette rencontre, sachant qu’elle céderait une partie de ses femmes, et Chanelle de l’avoir accompagnée parce qu’elle savait qu’elle les commanderait. Puis elle songea que tout cela était sans réelle gravité : au fond, que lui importait que Zaida puisse penser tirer profit de ce marché pour devenir Maîtresse-des-Vaisseaux ? Qu’elle y vît un avantage, c’était clair comme de l’eau de roche. Quant à elle, tout ce qui lui importait, c’est qu’il n’y aurait pas de famine à Caemlyn. Cela et le… le foutu fanal qui flambait toujours à l’Ouest. Non, elle serait reine. Caemlyn et l’Andor étaient tout ce qui comptait.

13

Hauts sièges

Zaida et les deux Pourvoyeuses-de-Vent quittèrent les appartements d’Elayne gracieusement et calmement, mais, avec aussi peu de cérémonie que quand elles y étaient entrées, souhaitant simplement que la Lumière illumine Elayne et la protège. Pour les Atha’an Mieres, cela revenait presque à s’enfuir sans un mot. Elayne décida que si Zaida désirait effectivement être la prochaine Maîtresse-des-Vaisseaux, elle avait une rivale à qui elle voulait couper l’herbe sous le pied. Ce serait peut-être bon pour l’Andor que Zaida conquière le trône des Atha’an Mieres, ou quelque autre nom que donnât le Peuple de la Mer à cette fonction. Elle se souviendrait que l’Andor l’avait aidée dans cette entreprise, et ce ne pouvait que lui être favorable. Mais si elle échouait, sa rivale saurait à qui l’Andor avait accordé la préférence. Pour le moment, c’était une autre histoire.

— J’entends que personne ne maltraite un ambassadeur, dit-elle avec calme quand les portes se furent refermées derrière elles, mais à l’avenir je ne veux pas que soit violée l’intimité de mes appartements. Même les ambassadrices du Peuple de la Mer ne sont pas autorisées à y entrer comme dans un moulin. Est-ce clair ?

Rosaria acquiesça de la tête, visage de bois, mais la rougeur qui empourprait son visage témoignait qu’elle ressentait aussi vivement que Birgitte la mortification de les avoir laissées passer. Le lien… se contorsionna… jusqu’au moment où Elayne se sentit elle-même rougir d’embarras.

— Vous n’avez rien fait de mal, en fait, mais que ça ne se reproduise pas.

Par la Lumière, maintenant, elle parlait comme une idiote !

— N’en parlons plus, dit-elle avec raideur.

Oh, que Birgitte soit réduite en cendres, et le lien avec ! Elles auraient dû faire obstruction à Zaida pour l’empêcher d’entrer, mais ajouter l’humiliation à la migraine de sa Lige, c’était ajouter l’affront à l’insulte ! Et Aviendha n’avait pas de raison de sourire de cette façon… doucereuse. Elayne ne savait pas où Aviendha avait appris qu’elle et Birgitte étaient parfois le reflet l’une de l’autre, mais la fille du Désert avait l’air de trouver cela terriblement amusant. Parfois, son sens de l’humour pouvait être brutal.

— Je crois qu’un jour vous finirez par vous confondre vous-mêmes, dit-elle en riant. Mais vous avez déjà fait cette blague, Birgitte Trahelion.

Birgitte fronça les sourcils, une soudaine inquiétude submergeant l’embarras dans le lien, et elle écarquilla les yeux avec tant d’innocence qu’ils auraient pu jaillir de leurs orbites.

Mieux valait ne pas poser de questions, décida Elayne. Quand on en pose, disait Lini, on est obligé d’entendre les réponses, qu’elles vous plaisent ou non. Elle n’en avait pas envie, en tout cas pas devant Rosaria qui s’absorbait dans la contemplation de ses bottes, ni devant les Gardes-Femmes encore présentes dans l’antichambre, qui ne feignaient même pas de ne pas écouter. Jusqu’à présent, elle n’avait jamais réalisé à quel point l’intimité lui était précieuse.

— Je vais terminer mon bain, dit-elle calmement.

Sang et cendres, quelle blague Birgitte lui avait-elle faite ? Quelque chose qui la faisait… confondre ? Ça ne devait pas être important.

Évidemment, l’eau du bain s’était sensiblement refroidie. Elle était tiède. Pour lui donner envie de s’y replonger, il aurait fallu attendre qu’on vide la baignoire seau par seau, et qu’on rapporte de l’eau chaude. Tout le palais devait savoir qu’elle était revenue, et la Première Servante de même que le Premier Clerc devaient être impatients de faire leur rapport quotidien. Le devoir passait avant le plaisir quand on voulait gouverner un pays. Et c’était doublement vrai quand on s’attaquait à la conquête du trône.

Aviendha enleva la serviette enroulée sur sa tête et secoua ses cheveux, apparemment soulagée de ne pas avoir à se replonger dans l’eau. Elle se dirigea vers l’antichambre, ôtant son peignoir avant d’arriver à la porte. Elle était déjà presque rhabillée quand Elayne entra en compagnie des servantes. Sans trop rechigner, elle laissa Naris terminer le travail, quoiqu’il n’y eût presque rien à faire, sinon l’aider à ajuster son épaisse jupe de drap ; elle écarta d’une tape les mains de la jeune fille et laça elle-même les bottes de cuir souple lui montant jusqu’aux genoux.