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— Jovanovic ! Ne jouez pas au con ! Montrez-vous !

Elle tenait son arme prête à l’emploi, à présent. Fixant l’obscurité dans l’encadrement de la porte, à moins d’un mètre de là. Elle se figea. Hésitant à aller plus loin. Elle n’avait pas envie que cent trente kilos de barbaque jaillissent de l’ombre et que ses poings s’abattent sur elle comme des massues.

— Sortez de là tout de suite, bordel ! Je n’hésiterai pas à vous descendre, Zlatan !

Rien. Bon Dieu ! Le sang grondait dans ses carotides. Réfléchis ! Il était sans doute juste derrière le coin, embusqué, avec un objet à la main ou même un flingue. Elle tenait son arme à deux mains, comme on le lui avait appris. La deuxième relâcha sa prise et descendit lentement vers la poche où se trouvait son iPhone.

Soudain, elle entendit un déclic de l’autre côté et son cœur fit une cabriole dans sa poitrine lorsque la lumière s’éteignit et que l’appartement fut plongé dans l’obscurité. La lueur d’un éclair illumina brièvement le couloir, suivi d’un craquement de foudre retentissant au dehors, puis tout retomba dans la pénombre. La seule source de clarté venait des lampadaires de la rue et du néon d’un café, en bas, à travers une pièce vide sur sa gauche. La pluie ruisselant sur les vitres dessinait des ombres qui se mouvaient sur le sol comme des serpents noirs. Elle sentit sa nervosité croître de manière exponentielle. Dès le départ, elle avait su qu’elle avait affaire à quelqu’un d’expérimenté. Elle ignorait ce que ce type avait fait avant de devenir détective privé, mais elle était sûre qu’il connaissait tous les trucs, toutes les astuces. Elle pensa à ce que Zuzka aurait dit dans de telles circonstances.

« Ça craint. »

Le juge Sartet allait verrouiller la porte de son bureau quand les pas dans le couloir attirèrent son attention.

— Comment êtes-vous arrivé jusqu’ici ?

— Vous oubliez que je suis député, répondit le visiteur.

— Ce palais de justice est une vraie passoire… Nous n’avions pas rendez-vous, je crois. Et ma journée est terminée. Je ne cache pas que votre immunité ait déjà été levée, monsieur le député, ironisa-t-il. Ne vous inquiétez pas, je vous entendrai le moment venu : je n’en ai pas fini avec vous. Ça ne fait que commencer.

— Ça ne prendra pas longtemps.

Le juge cacha mal son exaspération. Ces politiciens, tous les mêmes. Ils s’estimaient tous au-dessus des lois, ils pensaient tous servir le pays ou l’État alors qu’ils ne servaient qu’eux-mêmes.

— Qu’est-ce que vous voulez, Lacaze ? demanda-t-il sans même chercher à être poli. Je n’ai pas le temps pour les intrigues.

— Vous faire des aveux.

Un éclair fit trembler les vitres. Le téléphone vibra au même moment et il sursauta violemment. Servaz tendit la main, le cœur battant, tâtonnant pour trouver l’appareil sur la table de nuit, mais Espérandieu fut plus rapide.

— Non, je suis son adjoint… Oui, il est à côté de moi… Oui, je vous le passe…

Vincent lui mit le portable dans la main et sortit dans le couloir.

— Allô ?

— Martin ? Où es-tu ?

La voix de Marianne.

— À l’hôpital.

— À l’hôpital ? (Elle eut l’air sincèrement abasourdie et effrayée.) Qu’est-ce qui s’est passé ?

Il le lui dit.

— Oh, mon Dieu ! Tu veux que je vienne te voir ?

— Les visites sont interdites à partir de 20 heures, répondit-il. Demain si tu veux. Tu es seule ? ajouta-t-il.

— Oui, pourquoi ?

— Verrouille ta porte et ferme tes volets. Et n’ouvre à personne, OK ?

— Martin, tu me fais peur.

Moi aussi, j’ai peur, faillit-il lui répondre. Je suis mort de trouille. File. Ne reste pas dans cette maison vide. Va dormir chez quelqu’un tant qu’on n’a pas trouvé cet enfoiré…

— Tu n’as pas de raisons d’avoir peur, dit-il. Mais fais ce que je te dis.

— J’ai eu le parquet, enchaîna-t-elle. Hugo va sortir demain. Il pleurait au téléphone quand je lui ai parlé. J’espère que cette expérience ne l’aura pas…

Elle n’acheva pas sa phrase. Il devina à la fois son soulagement, sa joie et son inquiétude.

— Que dirais-tu si on fêtait ça tous les trois ?

— Tu veux dire… ?

— Hugo, toi et moi, confirma-t-elle.

— Marianne, tu ne crois pas que… que c’est un peu… prématuré ? Après tout, je suis aussi le flic qui l’a mis à l’ombre…

— Tu as peut-être raison. (Il perçut sa déception.) Plus tard, alors.

Il hésita.

— Ce dîner… est-ce que ça veut dire que… ?

— Le passé est le passé, Martin. Mais l’avenir, c’est un joli mot aussi, tu ne trouves pas ? Tu te souviens de ce langage qu’on avait inventé ? Rien que pour nous deux ?

Et comment qu’il s’en souvenait. Il avala sa salive. Sentit ses yeux s’embuer. C’était sans doute l’effet du médicament et de l’adrénaline qui continuait de courir dans ses veines, toute cette émotion…

— Oui… oui… bien sûr, répondit-il, la gorge nouée. Comment j’aurais pu…

— Guldenrêves, Martin, dit la voix au bout du fil. Prends soin de toi, s’il te plaît… Je… À très vite.

Son téléphone bourdonna de nouveau cinq minutes plus tard. Comme la fois précédente, Espérandieu répondit le premier avant de lui passer l’appareil.

— Commandant Servaz ?

Il reconnut immédiatement la voix juvénile. Elle n’avait plus du tout la même intonation que la dernière fois où il l’avait entendue.

— Ma mère vient de m’appeler. Le directeur de la prison m’a informé que je serai libéré demain matin à la première heure, que plus aucune charge n’est retenue contre moi.

Servaz percevait les bruits ordinaires de la prison derrière la voix, même à cette heure-ci.

— Je voulais vous remercier…

Il se sentit rougir. Il n’avait fait que son travail. Mais le gamin semblait très ému à l’autre bout du fil.

— Euh… vous avez fait du bon boulot, dit-il. Je sais tout ce que je vous dois.

— L’enquête n’est pas finie, se hâta de préciser Servaz.

— Oui, je sais, vous avez une autre piste, il paraît… Cet accident de bus ?

— Tu y étais, toi aussi, Hugo. J’aimerais que nous en parlions. Dès que tu t’en sentiras le courage, bien sûr. Je sais que ce n’est pas facile, que ce n’est pas un souvenir agréable. Mais j’ai besoin que tu me racontes tout ce qui s’est passé cette nuit-là.

— Bien sûr. Je comprends. Vous croyez que l’assassin peut être un des rescapés, n’est-ce pas ?

— Ou le parent d’une des victimes, précisa Servaz. Nous avons découvert… (Il hésita à aller plus loin.) Nous avons découvert que le chauffeur du bus a été assassiné lui aussi. Tout comme Claire et Elvis Elmaz et probablement le chef des pompiers… Ça ne peut pas être une coïncidence. Nous sommes tout près.

— Seigneur, murmura Hugo. Je le connais peut-être alors…

— C’est possible.

— Je ne veux pas vous déranger plus longtemps. Il faut que vous vous reposiez… Sachez que je vous serai éternellement reconnaissant pour ce que vous avez fait, en tout cas. Bonsoir, Martin.