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Valentin comprenait que ces arbres puissent être des divinités pour les frères de la forêt. Ils étaient des monarques du règne végétal, imposants, majestueux. Il se sentait lui-même disposé à s’agenouiller devant eux.

Le fruit est savoureux, dit Deliamber. Il est, à vrai dire, exaltant pour le métabolisme humain et quelques autres.

— Pour les Skandars ? demanda Zalzan Kavol.

— Pour les Skandars, oui.

— Nous allons essayer, fit Zalzan Kavol en riant. Erfon ! Thelkar ! Allez nous chercher des morceaux de fruit !

— Les frères de la forêt enfouissent leurs talismans devant chaque arbre, fit Deliamber avec nervosité. Ils sont passés ici récemment et peuvent revenir, et s’ils nous trouvent en train de profaner leur lieu du culte ils attaqueront et leurs flèches peuvent tuer.

— Sleet, Carabella, montez la garde sur la gauche. Valentin, Shanamir, Vinorkis, venez par ici. Donnez l’alerte dès que vous voyez un seul de ces petits singes. Zalzan Kavol fit signe à ses frères.

— Allez ramasser le fruit, ordonna-t-il. Haern, toi et moi défendrons notre position d’ici. Sorcier, vous restez avec nous.

Zalzan Kavol décrocha deux lanceurs d’énergie d’un râtelier d’armes et en donna un à son frère Haern.

Deliamber soupirait et marmonnait pour manifester sa désapprobation.

— Ils se déplacent comme des fantômes. Ils surgissent de nulle part…

— Assez ! dit Zalzan Kavol.

Valentin prit son poste de guet cinquante mètres devant la roulotte et commença à scruter la forêt sombre et mystérieuse au-delà du dernier dwikka. Il s’attendait à voir une flèche mortelle voler vers lui d’une seconde à l’autre. C’était une sensation fort déplaisante. Erfon Kavol et Thelkar, portant entre eux deux un grand panier en osier, se dirigèrent vers le fruit tombé, s’arrêtant tous les trois ou quatre pas pour regarder dans toutes les directions. Quand ils l’atteignirent, ils commencèrent à le contourner précautionneusement.

— Que va-t-il se passer si une bande de singes est assise en ce moment même derrière ce machin ? demanda Shanamir. En train de festoyer, par exemple ? Supposons que Thelkar trébuche sur eux et…

Un hurlement terrifiant et un épouvantable mugissement, comme seul un taureau bidlak furieux d’être interrompu pendant l’accouplement aurait pu en pousser, s’éleva de derrière le fruit du dwikka. Erfon Kavol, l’air pris de panique, réapparut en galopant et se précipita à toute allure vers la roulotte, suivi quelques secondes plus tard par un Thelkar tout aussi hagard.

— Sagouins ! hurla une voix féroce. Porcs et fils de porcs ! Vous auriez voulu violer une femme en train de déjeuner ! Je vais vous apprendre à violer, moi ! Je vais vous arranger pour que vous ne puissiez plus jamais violer personne ! Défendez-vous, monstres poilus ! Alors, où êtes-vous passés ?

Et de derrière le fruit du dwikka surgit la plus grande femme de race humaine qu’il ait jamais été donné à Valentin de voir, une créature si gigantesque qu’elle était en parfaite harmonie avec les arbres qui l’environnaient. Elle mesurait au moins deux mètres dix et cette montagne de chair reposait sur deux jambes massives semblables à des piliers. Elle était vêtue d’une chemise ajustée et d’un pantalon de cuir gris, et sa chemise était ouverte presque jusqu’à la taille, découvrant les deux énormes globes ballants de ses seins gros comme la tête d’un homme. Une folle tignasse de boucles orangées surmontait des yeux étincelants d’un bleu très pâle. Elle portait un sabre à vibrations d’une longueur imposante qu’elle faisait tournoyer avec une telle force que Valentin, à trente mètres d’elle, sentait le déplacement d’air. Elle avait les joues et la poitrine barbouillées du jus écarlate du fruit du dwikka.

Elle se précipita à grandes enjambées vers la roulotte, criant au viol et réclamant vengeance.

— Que se passe-t-il ? demanda Zalzan Kavol qui, pour la première fois depuis que Valentin le connaissait, semblait pris de court.

Il jeta un regard noir en direction de ses frères.

— Que lui avez-vous fait ?

— On ne l’a même pas touchée, répondit Erfon Kavol. Nous étions là-bas derrière, à l’affût des frères de la forêt, et Thelkar est tombé sur elle à l’improviste, il a trébuché et il lui a pris le bras pour se retenir…

— Tu m’as dit que vous ne l’aviez même pas touchée aboya Zalzan Kavol.

— Pas touchée dans ce sens-là. C’était un accident il a trébuché.

— Faites quelque chose, jeta Zalzan Kavol à Deliamber, car la géante arrivait presque à leur hauteur.

Le Vroon, la mine pâle et chagrine, s’avança d’un pas devant la roulotte et éleva plusieurs tentacules en direction de l’apparition qui se dressait devant lui presque aussi haute qu’un Skandar.

— Du calme, fit Deliamber d’un ton très doux à la géante qui s’avançait. Nous ne vous voulons aucun mal. Tout en parlant, il gesticulait avec une résolution pleine d’inconscience et lui jetait un charme apaisant qui se manifestait sous la forme d’une faible lueur bleutée dansant devant lui. L’énorme femme parut y être sensible, car elle ralentit son allure et réussit à s’arrêter à un ou deux mètres de la roulotte. Elle resta immobile, agitant d’un air morose son sabre à vibrations. Après quelques instants, elle ramena sa chemise vers l’avant et la referma maladroitement. Foudroyant les Skandars du regard, elle désigna Erfon et Thelkar et dit d’une voix tonnante :

— Qu’avaient-ils l’intention de me faire, ces deux-là ?

— Ils étaient simplement partis ramasser des morceaux du fruit du dwikka, répondit Deliamber. Vous voyez le panier qu’ils avaient emporté.

— Nous ne pouvions pas soupçonner que vous étiez là-bas, murmura Thelkar. Nous avons fait le tour du fruit pour vérifier qu’il n’y avait pas de frères de la forêt cachés derrière, c’est tout.

— Et vous êtes tombé sur moi en gros balourd que vous êtes et vous m’auriez violée si je n’avais pas été armée, hein ?

— J’ai perdu l’équilibre, insista Thelkar. Je n’avais aucune intention de vous agresser. J’étais sur mes gardes contre les frères de la forêt, et quand, à la place, j’ai découvert quelqu’un de votre taille…

— Quoi ? Des insultes maintenant ! Thelkar prit une longue inspiration.

— C’est-à-dire… c’était tellement inattendu quand je… quand vous…

— Nous ne pouvions pas nous douter… intervint Erfon Kavol.

Valentin, qui avait suivi toute la scène avec un amusement croissant, s’approcha et prit la parole :

— S’ils avaient eu l’intention de vous violer, croyez-vous qu’ils auraient tenté de le faire devant un public aussi fourni ? Nous sommes de la même race. Nous ne l’aurions jamais toléré.