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Il y eut une terrifiante explosion au loin, suivie d’un long grondement sourd qui fit trembler le sol et alarma tous les occupants de la roulotte. Il se poursuivit plusieurs minutes et se réduisit progressivement à un lent battement, puis le silence revint.

— Qu’est-ce que c’était ? cria Sleet en tendant le bras vers le râtelier d’armes.

— Du calme, du calme, fit Deliamber. C’est le bruit de la Fontaine de Piurifayne. Nous approchons de la frontière.

— La Fontaine de Piurifayne ? demanda Valentin.

— Attendez, vous allez voir, lui répondit Deliamber.

La roulotte s’arrêta quelques minutes plus tard. Zalzan Kavol se retourna sur le siège du conducteur et hurla :

— Où est ce Vroon ? Sorcier, il y a un barrage juste devant nous !

— Nous sommes à la porte de Piurifayne, répondit Deliamber.

Une barrière formée de gros tronçons de bois jaune et luisant liés par une brillante corde émeraude coupait l’étroite route et, sur la gauche, se trouvait un corps de garde occupé par deux Hjorts en uniforme gris et vert du service des douanes. Ils firent sortir tout le monde de la roulotte et attendre sous la pluie, pendant qu’eux-mêmes restaient à l’abri sous un auvent.

— Votre destination ? demanda le plus corpulent des deux.

— Ilirivoyne, pour participer au festival des Métamorphes, répondit Zalzan Kavol. Nous sommes des jongleurs.

— Laissez-passer pour entrer dans la province de Piurifayne ? demanda le second Hjort.

— Il n’y a pas besoin de laissez-passer, répondit Deliamber.

— Vous parlez avec trop d’assurance, Vroon. Un décret de lord Valentin le Coronal promulgué il y a plus d’un mois interdit à tout citoyen de Majipoor de pénétrer en territoire métamorphe sans motif légitime.

— Nous avons un motif légitime, grommela Zalzan Kavol.

— Alors vous devriez avoir un laissez-passer.

— Mais nous ignorions qu’il en fallait un ! protesta le Skandar.

L’argument sembla laisser les Hjorts indifférents. Ils paraissaient prêts à tourner leur attention d’un autre côté.

Zalzan Kavol jeta un coup d’œil en direction de Vinorkis, comme s’il espérait qu’il pût exercer une quelconque influence sur ses congénères. Mais le Hjort se contenta de hausser les épaules en signe d’impuissance. Zalzan Kavol tourna alors sur Deliamber son regard furibond et lui dit :

— Cela entre dans vos attributions, sorcier, de m’informer de dispositions de ce genre.

— Même un sorcier, répondit le Vroon en haussant les épaules, ne peut se tenir au courant des modifications apportées à la loi pendant qu’il voyage dans des réserves naturelles ou autres endroits reculés.

— Mais qu’allons-nous faire maintenant ? retourner à Verf ?

La perspective parut allumer une étincelle de joie dans le regard de Sleet. L’expédition en territoire métamorphe lui serait finalement épargnée ! Mais Zalzan Kavol bouillait. La main de Lisamon Hultin glissait vers la poignée de son sabre à vibrations. Valentin se raidit en s’en apercevant.

— Les Hjorts ne sont pas toujours incorruptibles, dit-il tout bas à Zalzan Kavol.

— Excellente idée, répondit le Skandar dans un souffle.

Zalzan Kavol sortit sa bourse. L’attention des Hjorts s’aiguisa immédiatement. Valentin en conclut que c’était effectivement la bonne tactique.

— Je viens peut-être de retrouver le document nécessaire, dit Zalzan Kavol.

Sortant ostensiblement de la bourse deux pièces d’une couronne, il prit l’une des mains rugueuses et bouffies de chaque Hjort dans deux des siennes, et avec la dernière glissa une pièce dans chaque paume en leur adressant son sourire le plus avantageux. Les Hjorts échangèrent un regard, mais il était loin d’exprimer la béatitude. D’un geste méprisant, ils laissèrent tomber les pièces sur le sol boueux.