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— Il y a une bretelle sur les plateaux. Vous verrez. Le camion que nous escorterons viendra d’Amazonie.

Au moment de partir, Kovask fit semblant de chercher dans son vide-poche.

— Tiens, j’ai perdu ma carte routière de Colombie, dit-il.

Caracas sauta sur le camion, fouilla dans son sac.

— C’est moi qui l’ai. Ici, vous n’en aviez pas besoin, n’est-ce pas ?

— Pas du tout, en effet. Si elle vous fait plaisir, vous pouvez la garder, j’en achèterai une autre au retour.

— Je vous la rendrai à San Antonio. Nous aurons certainement le plaisir de nous y voir.

Ils démarrèrent. Pour l’instant, c’était facile et la piste était matérialisée par des rochers. Aucune difficulté jusque dans la plaine, avait annoncé Caracas. Après, c’était la jungle jusqu’au rio. Marcus conduisait.

— On sait où est la carte, murmura-t-il entre les dents. On n’a pas tout perdu.

— J’ai aussi une assiette, dit Kovask.

La sortant de sa chemise, il la troua avec son couteau, passa un fil de nylon qu’il attacha.

— Une balise.

— Maintenant ?

— Profitons qu’il se trouve à l’arrière.

Marcus Clark la sortit de sa poche. Elles comportaient toutes une sorte d’oreille trouée dans laquelle il passa son fil et l’attacha. Puis, il la coinça, par mesure de précaution, au trou central de l’assiette.

— Jeune, j’adorais lancer des couvercles et les faire planer le plus longtemps possible, dit Marcus. Je me charge de l’opération pour projeter le tout en haut des arbres. Tu prendras le manche pour la traversée du rio.

Ils pénétrèrent dans la forêt épaisse et tropicale en fin d’après-midi, mais eurent l’impression de plonger en pleine nuit.

— Vous pouvez allumer vos phares ! cria Caracas.

Pour la première fois, il les rejoignit dans la cabine, s’installa sur le siège de Kovask.

— Il y a des tribus à demi sauvages chargées d’entretenir la piste. Nous ne les apercevrons pas. En échange, elles reçoivent du tabac, un peu d’alcool et de la nourriture. Avouez que c’est du beau travail, quand on songe à la rapidité avec laquelle tout repousse en quelques heures.

— Drôle d’endroit ! rouspéta Marcus en écrasant un moustique énorme sur sa joue.

— Vous comprenez pourquoi mieux vaut ne pas s’y attarder trop longtemps ? La traversée du rio est toujours difficile. Il s’agit d’un radier en bonne maçonnerie qui est construit à trente centimètres de la surface. Théoriquement, car il peut y avoir des crues, mais on a été obligé surtout de tenir compte du niveau le plus bas. Sinon, le radier formerait barrage et cela intriguerait un poste militaire situé quelques kilomètres en amont. Mais comptez près d’un mètre d’eau aujourd’hui. Le radier est glissant, malgré les rainures que l’on y a creusées. Des coquillages d’eau s’y fixent constamment.

— Joli programme, dit Marcus. C’est de plus en plus folichon, votre piste.

— Nous avons des cordes pour tirer le camion depuis la berge d’en face. A quatre, nous ne serons pas de trop. Qui prendra le volant ?

— Moi, dit Kovask.

— Très bien. Il ne faut pas hésiter une seule seconde. A partir du moment où nous tirerons, vous accélérerez le plus possible, mais en évitant de patiner. Le mieux, c’est encore la troisième si vous pouvez la garder. Jusqu’ici, tout s’est bien passé avec les autres.

Vous êtes d’excellents chauffeurs. Il n’y a pas de raison que vous échouiez.

Un quart d’heure plus tard, ils s’immobilisaient au bord du rio grossi par les eaux de pluie. Les trois guérilleros traversèrent en déroulant deux cordes fixées aux barres protégeant le radiateur.

— J’y vais ! cria Marcus. Puis, doucement, à Kovask :

— J’en profite pour envoyer l’assiette, puisqu’ils sont bien occupés à se dépatouiller dans la flotte.

Il sauta à terre et, sans hésiter une seconde, envoya l’assiette vers la cime des arbres. Elle échappa à la lueur des phares, parut s’envoler parfaitement vers les hautes branches. Marcus se déchaussa pour traverser le radier, se rattrapa in extremis à une corde tant le courant était violent. Lorsqu’il aborda de l’autre côté, il était mouillé jusqu’à la taille.

— Maintenant ! hurla Caracas, arc-bouté avec un des siens sur une corde, tandis que le lieutenant de vaisseau et le troisième guérillero tiraient sur l’autre.

Kovask engagea ses roues avant, accéléra ensuite doucement. En plein milieu, il sentit son arrière se déporter sur le radier immergé, mais les autres tiraient de toutes leurs forces et rétablirent la situation. Il pensa que lorsque l’U2 avait pris les photographies qui étaient à l’origine de la mission, le niveau était suffisamment bas pour que le camion traverse sans même ralentir.

La remontée sur la berge immergée et glissante fut le plus difficile. Mais, après un dernier effort, le G.M.C. se trouva de nouveau sur la terre ferme.

CHAPITRE XV

Marcus Clark se changea de pantalon, dégoûté par la boue qui le recouvrait.

— J’espère qu’au retour, le niveau de l’eau aura baissé, dit-il à Caracas qui détachait les cordes et les roulait.

Le guérillero ne répondit pas, et il remonta dans la cabine, alluma une cigarette.

— On va rouler de nuit encore ?

— Certainement, jusqu’aux plateaux.

Ils attendirent quelques instants, puis Marcus s’inquiéta :

— Pourquoi n’embarquent-ils pas ?

— Je n’en sais rien. Caracas repère sa route. Puis, il y eut les coups habituels contre la cabine et Kovask démarra.

— Caracas a bien parlé de deux jours avant notre séparation ? demanda Marcus en allemand, alors qu’ils roulaient toujours en pleine forêt humide sur un humus très gras où les roues patinaient constamment.

— Exactement. Nous passerons à l’offensive demain, dès que nous aurons quitté la « selva nublada » et reconnu la piste des plateaux. Ensuite, tout ira tout seul pour nous.

On récupérera les armes demain soir ?

— C’est selon. Si nous roulons toute la nuit, il nous faudra avancer l’heure.

Un peu avant l’aube, la végétation devint moins étouffante, se clairsema rapidement, même, pour laisser place à une terre aride, désolée, où ne poussaient que de grandes herbes desséchées. Kovask ralentit peu à peu et Caracas revint prendre sa place sur le capot. Le guidage devenait obligatoire.

— Cap au cent cinquante approximativement, dit Marcus. Pas besoin de repères, mais seulement d’un bon compas.

Avec le jour, Caracas parut plus inquiet. Il surveillait constamment le ciel, le G.M.C. roulant en pleine solitude sur un plateau où n’existait pratiquement aucun endroit pour dissimuler un camion, à l’exception de quelques buissons épineux ou de cactus géants. A plusieurs reprises, le chef des guérilleros fit signe d’aller plus vite.

— Nous fonçons déjà à trente-cinq miles, et c’est un maximum avec la charge que nous portons ! lui cria Kovask.

— Dans un quart d’heure, tout ira mieux. Mais un avion à réaction peut parcourir plusieurs centaines de kilomètres dans ce laps de temps.

— Doit y avoir un aérodrome militaire pas très loin, chuchota Marcus.

Puis un point noir apparut à l’horizon, se rapprocha rapidement.

— Des rochers, certainement, affirma Kovask. On va pouvoir se planquer dans le coin.

Le relief se tourmentait quelque peu, et bientôt ils s’enfoncèrent dans une faille étroite qui zébrait les plateaux sur des dizaines de kilomètres. Du ciel, elle devait apparaître comme inutilisable par un camion, car il fallait faire du slalom entre les blocs rocheux et une infinité de cachettes s’offraient à tout instant, trous dans les parois, rochers en surplomb.