Выбрать главу

— Bien sûr, et aussi ceci, dit Carmina en désignant le container en plastique.

Harvard se baissa instinctivement et Carmina frappa sa nuque avec une violence inouïe. Le géographe tomba, tué net par le coup. Le Vénézuélien frotta le revers de sa main, ramassa le container et alla le déposer dans sa voiture. Il revint à la Ford, installa le cadavre au volant. Sans prendre de précautions inutiles, il poussa la voiture en direction du fleuve. Elle bascula du haut d’un talus dans un mètre d’eau environ. La partie supérieure émergeait, mais restait cachée par des joncs de belle taille. Il fallait arriver à trois mètres d’elle pour la découvrir et on ne la trouverait peut-être pas avant quelques jours.

Revenu à sa voiture, il roula jusqu’à ce qu’il rencontre un groupe d’arbres élevés. Il alla enterrer le container au pied de l’un d’eux, repéra l’endroit avec précision.

Il se trouvait dans les temps pour faire une apparition au vernissage de cette exposition de peinture où il représentait officiellement son pays.

CHAPITRE IV

Tout en tirant sur sa cigarette, le commander Serge Kovask écoutait le commodore Gary Rice lui expliquer en détail toute l’affaire de l’ambassade du Venezuela. Son chef lui avait raconté les faits dans Tordre chronologique.

— L’opinion intime de l’ambassadeur est qu’il n’a pas été roulé et que l’homme disait bien la vérité, mais qu’un événement imprévu l’a empêché de tenir parole. Inutile de préciser que son entourage, le personnel de l’ambassade, n’est nullement de son avis.

— Pourquoi n’est-il pas allé trouver la C.I.A. ?

Rice sourit.

— Les gouvernements des pays latino-américains se méfient plus de notre service secret que des réseaux castristes. Trop d’erreurs ont été commises, et ce n’est qu’en dernier ressort qu’ils s’adressent à Langley. D’ailleurs, pour l’Amérique latine, le F.B.I. supervise les activités de la C.I.A. Mais l’ambassadeur, Manuel Maderena, est un vieil ami à moi. Il y a une dizaine d’années, j’étais conseiller de la marine vénézuélienne, et c’était à lui que j’avais affaire. Il est officier de marine.

— Ça me le rend très sympathique, dit Kovask.

— Croyez qu’il vous aidera au maximum. Mais je n’ai pas terminé. L’affaire en serait restée à ce point et je ne vous aurais pas dérangé pour si peu, si un fait nouveau n’était intervenue Hier, on a découvert le cadavre d’un homme à l’intérieur d’une Ford en partie immergée dans le Potomac. Cet homme se nomme Carl Harvard, géographe travaillant à la National Géographie Society, porté disparu depuis quarante-huit heures par sa femme.

— Géographe, hein ?

— Liquidé par le coup du lapin. On n’a même pas essayé de maquiller le crime. On a retrouvé près de là une chambre à air et du fil de nylon. C’est ce que dit le journal. J’ai eu Maderena au bout du fil hier au soir, et il m’a certifié que le container aux billets avait été fixé par son envoyé à une chambre à air.

— Son envoyé ?

— L’adjoint au délégué culturel, un certain Carmina. Il est d’ailleurs à notre disposition pour répondre à toutes nos questions.

— Et la carte de la fameuse piste secrète ?

— Disparue, évidemment. Certainement entre les mains des Cubains à l’O.N.U., puisque telle était la menace de Carl Harvard.

— Aucun doute sur sa culpabilité ?

— Aucun… Vous irez également au siège de la société et tâcherez de découvrir les documents qui lui ont permis de reconstituer ce tracé. Son job, c’était la carte photographique, exactement la géodésie aérienne et spatiale.

— Ce n’est pas tout à fait un travail de géographe, mais je suppose qu’il y a des interpénétrations entre les différentes utilisations des renseignements ?

— Oui. Son département reçoit des photographies aériennes du S.A.C., de la Navy et même de compagnies commerciales. Pour l’espace, c’est la NASA. le principal fournisseur, mais aussi certains pays étrangers comme l’Angleterre et la France. Carl Harvard manipulait des centaines de documents. Plus futé qu’il en avait l’air, d’après les premiers renseignements que j’ai pu obtenir, il a trouvé quelque chose de sensationnel. Et, tout de suite, il a voulu le monnayer. Trente mille dollars au Venezuela et autant à la Colombie, mais avec ce dernier pays les tractations n’étaient guère avancées et il devait leur fixer un rendez-vous pour plus tard. Malheureusement, il a été liquidé. Je dis malheureusement, mais en fait ses assassins ont commis une erreur. Ils auraient dû le garder en vie jusqu’à ce qu’il leur ait remis les documents originaux. Ils ont été trop pressés. Kovask réfléchissait tout en l’écoutant.

— On n’a pas retrouvé l’argent, évidemment. L’ambassadeur est-il sûr de ce Carmina ?

— Je n’en sais rien. Vous le lui demanderez vous-même, car vous avez rendez-vous avec lui ce matin, dans une heure très précisément.

— La C.I.A. ?

— Elle ignore tout.

Le Commander regarda son chef de façon assez curieuse.

— Et si je suis obligé d’aller contrôler sur place l’existence de cette fameuse route ?

— Vous aurez la bénédiction des pays en question, et je pourrai même vous adjoindre Marcus Clark qui vient de rentrer du Viêt-nam.

Kovask consentit à sourire.

— Dans ces conditions, l’affaire m’intéresse et je suis disposé à aller jusqu’au bout.

Gary Rice dessinait un éléphant sur son buvard.

— Ça ne veut pas dire que Langley ne sera pas alerté. Ils ont des informateurs dans tous les coins et peuvent vous créer des difficultés. Vous les connaissez. Tant que la mission dont je vous charge se limite à cette histoire de cartes et de documents photographiques, ils ne peuvent trop y faire obstacle puisque c’est également notre spécialité. Mais ensuite, il pourrait y avoir de la bagarre.

Il se leva également pour accompagner le commander jusqu’à la porte.

— Nous avons la réputation d’être très discrets, contrairement aux gens de Langley. La Maison-Blanche verrait d’un bon œil que tout se passe en douceur jusqu’au bout. Cette route tracée en pleine jungle doit être très vulnérable en certains points : traversée des cours d’eau, corniches, marécages. En détruisant quelques-uns de ces points, on la neutralise très facilement. Encore faut-il savoir où elle se trouve.

Manuel Maderena, l’ambassadeur du Venezuela, reçut très aimablement Kovask et lui répéta exactement ce qu’il tenait déjà de la bouche même du commodore.

— Je vais vous chercher le document qu’il nous avait fait parvenir. Vous verrez qu’il contenait des promesses fort intéressantes.

Il revint avec une photographie et une forte loupe.

— Examinez le point blanc qui se trouve ici à droite. Il s’agit d’un camion. Sortant du sous-bois, il traverse une clairière et c’est alors que l’objectif l’a saisi. Examinez-le à la loupe. Vous distinguerez la forme du véhicule.

Kovask s’exécuta, mais il fallait beaucoup de bonne volonté pour distinguer quoi que ce soit.

— Nous avons fait procéder à un agrandissement. Mon secrétaire nous l’apporte.

On frappa tout de suite après et un homme à fortes moustaches noires déposa le document sur le bureau. Un carré de deux centimètres de côté avait été agrandi vingt-quatre fois. Kovask, toujours armé de la loupe, accepta de reconnaître un camion.

— Vous comprenez l’intérêt du restant ? Les avions du S.A.C. pourraient sillonner ces territoires des jours et des jours sans rencontrer des conditions aussi favorables. Les guérilleros éviteront d’expédier un camion quelconque là-bas.