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— Je vais aller voir Mrs Harvard. Ensuite, je reviendrai vous voir. Au fait, Marcus Clark est disponible, m’avez-vous dit ? Envoyez-le du côté de l’ambassade. Qu’il surveille un certain Carmina, José Carmina. Une idée qui vient de me venir.

— Il va être ravi d’apprendre que vous l’envoyez jouer les flics, conclut le commodore.

* * *

Un mouton gras et indolent, ce fut l’impression que lui procura la vue de Mrs Harvard lorsqu’elle vint lui ouvrir la porte. Elle tenait une revue de cinéma à la main et portait sur elle une odeur de bière et de charcuterie.

— Encore ! dit-elle en gémissant. Mon mari est à la morgue de la police et j’ai été interrogée au moins dix fois. Entrez quand même.

Le bungalow n’était pas très bien tenu. Il demanda à voir le bureau du géographe, certain de ne rien trouver d’intéressant. Il fouilla les tiroirs, les classeurs, tandis qu’elle le regardait d’un air endormi.

— N’avez-vous pas vu une carte photographique de l’Amérique du Sud ? Elle représentait le nord de ce continent, la Colombie et le Venezuela.

— Je ne sais pas, dit-elle. Je ne mets jamais les pieds dans cette pièce, même pas pour le ménage. Carl ne voulait pas. Les policiers ont fouillé partout. Ils cherchaient autre chose.

— Quoi donc ?

Elle prit un air idiot en se dandinant comme une petite fille émoustillée :

— Des livres ou des revues pornographiques. Ils pensaient que Carl avait été victime de ses vices… Vous pensez… Je le connaissais, moi… Il ne pensait qu’à son travail. Ils n’ont rien trouvé, évidemment.

Toujours cette hypothèse du crime apparenté à une affaire de mœurs. Kovask plaignait le petit Campus de se trouver mêlé dans sa mort à une chose de ce genre.

— Mais on ne sait jamais, bien sûr, ajouta le petit mouton frisé. Il paraît que les gars comme ça, on ne soupçonne rien, même ceux qui vivent avec tout le temps.

Il haussa les épaules : elle appelait ça vivre avec… D’un seul coup d’œil, il se rendait compte qu’elle avait pu être la solitude de Carl Harvard. Sa tentative pour négocier des documents importants avait dû lui apparaître comme un coup de chance, l’occasion de vivre un peu plus intensément et d’échapper à cette grisaille.

— Ils vont m’autoriser à l’enterrer bientôt ?

— Certainement, dit-il. Votre mari n’a jamais reçu de coup de téléphone mystérieux, ici ?

— Jamais. Qui vouliez-vous qui l’appelle ?

— Le jour où il a disparu, il vous a dit qu’il allait au travail comme d’habitude ?

— Bien sûr.

— Vous ne vous êtes douté de rien, n’avez rien remarqué ?

— Si. Il était nerveux… Et plus ça va, plus je me demande s’il n’avait pas rendez-vous.

Un peu plus tard, il quitta Washington en suivant la rive gauche du Potomac. Il avait repéré sur une carte routière l’endroit où le corps et la voiture avaient été retrouvés. Il s’orienta assez facilement, trouva le chemin, les traces nombreuses laissées par les voitures de police et les pompiers. On avait également pataugé dans les joncs et tout autour de l’endroit.

Il fuma une cigarette, puis, à tout hasard, alluma sa radio, pensant que Marcus Clark voudrait communiquer avec lui. Il appela le centre des télécommunications de l’O.N.I., mais on lui dit que le lieutenant ne s’était pas encore manifesté.

— Mais, dites donc, dit Kovask, est-ce vous qui envoyez une modulation comme un satellite ?

— Certainement pas, lui répondit l’opérateur. Le temps est parfait pour un échange radio.

Kovask baissa la tonalité. L’espèce de bip-bip continuait. En fait, il y avait trois brèves et une longue, trois brèves, une longue. Pris d’un pressentiment, il sortit de la voiture, inspecta soigneusement le dessous, pensant à un couineur collé par aimantation à sa carrosserie.

— Où ont-ils pu le planquer ? ronchonna-t-il en ne trouvant rien. Il continua ses recherches pendant une demi-heure avant de remonter sans sa voiture.

Il régla son poste émetteur-récepteur, puis démarra lentement. Lorsqu’il arriva à proximité d’un groupe d’arbres, il eut l’impression que le signal devenait beaucoup plus fort.

— On dirait une balise, pensa-t-il à voix haute.

Voulant en avoir le cœur net, il recula lentement et le son décrut peu à peu, s’amplifia lorsqu’il repartit en marche avant, pour s’étouffer au fur et à mesure qu’il s’éloignait du groupe d’arbres. Une fois sur la route, il n’entendit plus rien.

Cette fois, il n’hésita plus et rentra en communication avec le centre.

— Le lieutenant Marcus Clark n’a pas appelé, lui dit l’opérateur.

— Ecoutez, envoyez-moi une équipe gonio. Je suis sur la rive gauche du Potomac, à hauteur de Quantico. Quelque chose de discret. Je les attendrai sur la route. Une Jaguar grise métallisée.

— Tout de suite, Sir.

— Dites-leur qu’il peut s’agir d’une petite balise genre couineur, de portée assez faible.

— Entendu, Sir.

Durant les trois quarts d’heure d’attente, Kovask piétina d’impatience. Tout était une question de temps. Il ne croyait pas aux coïncidences, et pensait que ce signal radio avait un rapport direct avec la mort de Carl Harvard.

— L’argent, peut-être… L’argent dans le container… Mais, nom d’une pipe, pourquoi n’y ai-je pas pensé ?… Carmina était seul… Une heure avec le container à sa disposition. Une balise radio pour situer son correspondant, et le tour était joué.

Puis son visage se rembrunit. Comment expliquer qu’il ait rejoint Carl Harvard à cet endroit ? Impossible durant sa mission officielle, puisque l’attaché d’ambassade le chronométrait. Et Harvard n’avait pas attendu sur place une fois en possession de l’argent.

CHAPITRE V

Kovask réussit à découvrir Marcus Clark en planque non loin de l’ambassade du Venezuela. Le lieutenant de vaisseau avait encore bronzé après son séjour au Viêt-nam et paraissait en pleine forme. Une petite lueur de gaieté apparut dans son regard lorsqu’il vit arriver le Commander.

— Il paraît que je te dois ce travail de flic débutant, dit-il en lui serrant la main avec vigueur. J’aime autant aller patauger dans les rizières, si tu veux savoir.

Malgré la différence de grade, les deux hommes s’étaient liés d’amitié au cours de plusieurs missions.

— Au courant ?

— En partie, répondit Clark. Le vieux m’a dit que c’était important, mais que nous marchions sur les brisées de la C.I.A. Le gars en question ne s’est pas manifesté.

— Nous allons l’attendre ailleurs.

En quelques mots, Kovask lui expliqua ce qu’il avait découvert non loin du Potomac.

— Le service a envoyé des spécialistes et nous avons découvert que la balise était enterrée au pied d’un gros arbre. Nous n’y avons pas touché, évidemment. Il suffit d’attendre que le gars se manifeste, ce qui ne saurait tarder. La durée de ces petits émetteurs est assez limitée et il y a trois jours qu’il se trouve en fonctionnement, depuis la mort de Carl Harvard.

— Et tu crois que c’est Carmina ?

— Lui seul a eu en dernier le container de plastique entre les mains. Il a fourré la balise entre les liasses… Un seul point noir. Pourquoi Harvard a-t-il attendu, volontairement ou non, son assassin ? Carmina a dû fourrer autre chose dans la boîte étanche. Peut-être un gaz soporifique, après tout.

Il entraîna Marcus Clark vers sa Jaguar.