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Le blond lui agrippa le poignet dans une étreinte à lui broyer les os. « Chien pas rasé ! Sache qu’est tranchée la main de qui touche sans y être invité au bien du Puissant Seigneur.

— C’est mon bien à moi ! », grommela Fain. Patience ! Si longtemps.

Turak, renversé dans le fauteuil, leva un ongle laqué de bleu et Fain fut tiré de côté afin que le Puissant Seigneur puisse contempler le Cor sans obstruction.

« À vous ? dit Turak. Dans un coffre que vous ne savez pas ouvrir ? Si vous m’intéressez suffisamment, je vous donnerai peut-être ce poignard. Même s’il date de l’Ère des Légendes, je ne m’intéresse pas à ce genre de chose. Avant tout, vous allez répondre à une question. Pourquoi m’avez-vous apporté le Cor de Valère ? »

Fain couva encore un instant des yeux le poignard, puis il libéra son poignet d’une secousse et le frotta en s’inclinant. « Pour que vous en sonniez, Puissant Seigneur. Alors, si vous le désirez, vous vous emparerez de tout ce pays. Du monde entier. Vous pourrez abattre la Tour Blanche et réduire les Aes Sedai en poussière, car même leurs pouvoirs sont impuissants à arrêter des héros revenus d’entre les morts.

— Moi, je dois en sonner. » Le ton de Turak était neutre. « Et abattre la Tour Blanche. Encore une fois, pourquoi ? Vous prétendez obéir, attendre et servir, mais ce pays est une terre de parjures. Pourquoi me donnez-vous votre pays ? Avez-vous une querelle personnelle avec ces… femmes ? »

Fain s’efforça de rendre sa voix convaincante. Sois patient comme un ver qui creuse son chemin de l’intérieur. « Puissant Seigneur, une tradition s’est transmise de génération en génération dans ma famille. Nous avons servi le Grand Roi, Artur Paendrag Tanreall, et, quand il a été assassiné par les sorcières de Tar Valon, nous n’avons pas renoncé à nos serments. Tandis que d’autres bataillaient et défaisaient l’œuvre créée par Artur Aile-de-Faucon, nous avons tenu notre serment et nous en avons souffert, cependant nous y sommes restés fidèles. Telle est notre tradition, Puissant Seigneur, transmise de père en fils, de mère en fille, tout au long des années qui ont suivi l’assassinat du Grand Roi. Que nous attendions le retour des armées envoyées par Artur Aile-de-Faucon de l’autre côté de l’Océan d’Aryth, que nous attendions le retour du Sang d’Artur Aile-de-Faucon pour détruire la Tour Blanche et reconquérir ce qui était le bien du Grand Roi. Et quand le sang d’Aile-de-Faucon reviendra, nous servirons et conseillerons comme nous l’avions fait pour le Grand Roi. À l’exception de sa bordure, Puissant Seigneur, l’étendard qui flotte sur ce toit est l’étendard de Luthair, le fils qu’Artur Paendrag Tanreall a envoyé avec ses armées de l’autre côté de l’océan. » Fain tomba à genoux, donnant une bonne imitation d’être foudroyé par l’émotion. « Puissant Seigneur, je désire seulement servir et conseiller le Sang du Grand Roi. »

Turak demeura silencieux tellement longtemps que Fain commença à se demander s’il avait besoin de davantage pour être convaincu ; il était prêt à continuer, à discourir autant qu’il en était besoin. Finalement, toutefois, le Puissant Seigneur prit la parole.

« Vous paraissez connaître ce que personne – que ce soit en haut ou en bas de l’échelle sociale – ne dit depuis que cette terre a été abordée. Les gens d’ici en parlent comme d’une rumeur parmi dix autres, mais vous savez. Je le vois dans vos yeux, je l’entends dans votre voix. Je pourrais presque imaginer que vous m’avez été envoyé pour m’attirer dans un piège. Mais qui, possédant le Cor de Valère, l’utiliserait de cette façon ? Personne de ceux du Sang qui sont venus avec l’Hailène n’aurait pu avoir le Cor, car la légende dit qu’il était caché dans ce pays-ci. Et sûrement un seigneur de ce pays s’en servirait contre moi au lieu de le remettre entre mes mains. Comment en êtes-vous venu à posséder le Cor de Valère ? Prétendez-vous être un héros, comme dans la légende ? Avez-vous accompli des actions d’éclat ?

— Je ne suis pas un héros, Puissant Seigneur. » Fain esquissa un sourire empreint d’une profonde humilité, mais le visage de Turak demeura impassible, et il y renonça. « Le Cor a été découvert par un de mes ancêtres pendant la tourmente qui a suivi la mort du Grand Roi. Il savait comment ouvrir le coffre, mais ce secret est mort avec lui pendant la Guerre des Cent Ans, qui a déchiré l’empire d’Artur Aile-de-Faucon, si bien que nous tous qui sommes venus après lui savions que le Cor se trouvait à l’intérieur et que nous devions le garder en sûreté jusqu’à ce que le Sang du Grand Roi revienne.

— Pour un peu, je vous croirais.

— Croyez, Puissant Seigneur. Une fois que vous aurez sonné de ce Cor…

— Ne ruinez pas la conviction que vous êtes parvenu à établir. Je ne sonnerai pas du Cor de Valère. Quand je retournerai au Seanchan, je l’offrirai à l’Impératrice comme le plus important de mes trophées. Peut-être l’Impératrice en sonnera-t-elle elle-même.

— Mais, Puissant Seigneur, protesta Fain, vous devez… » Il se retrouva étendu sur le côté, la tête résonnant comme une cloche. C’est seulement quand ses yeux se désembrumèrent qu’il vit l’homme à la tresse blonde se frotter les jointures et comprit ce qui s’était passé.

« Certains mots, dit l’autre à mi-voix, ne s’emploient jamais à l’adresse du Puissant Seigneur. »

Fain décida de quelle manière cet homme allait mourir.

Le regard de Turak alla de Fain au Cor avec autant de sérénité que s’il n’avait rien vu. « Peut-être vais-je vous donner à l’Impératrice en même temps que le Cor de Valère. Elle vous trouverait peut-être amusant, vous qui affirmez que votre famille est restée fidèle alors que tous les autres ont enfreint leurs serments ou les ont oubliés. »

Fain masqua l’exaltation qui s’emparait soudain de lui en s’affairant à se remettre debout. Il n’avait même pas eu l’idée qu’il existait une Impératrice avant que Turak en parle, mais avoir de nouveau ses entrées auprès d’une souveraine… cela ouvrait des voies nouvelles, jetait les bases de nouveaux plans. Approcher une souveraine avec la puissance des Seanchans derrière elle et le Cor de Valère entre ses mains. Beaucoup mieux que de faire de ce Turak un Grand Roi. Il pouvait attendre pour réaliser certaines parties de son plan. Doucement. Il ne faut pas le laisser deviner à quel point tu le souhaites. Après si longtemps, patienter encore un peu n’est pas grave. « Comme le Puissant Seigneur le désire, dit-il, s’efforçant de prendre l’accent de quelqu’un uniquement désireux de servir.

— Vous paraissez presque empressé », commenta Turak, et Fain eut du mal à se retenir de tiquer. « Je vais vous dire pourquoi je ne veux pas emboucher le Cor de Valère, ni même le conserver, et peut-être cela guérira-t-il votre ardeur. Je ne souhaite pas qu’un cadeau venant de moi offense l’Impératrice par ses actions ; si elle ne peut pas être guérie, votre ardeur ne sera jamais satisfaite, car vous ne quitterez jamais ces rivages. Savez-vous que quiconque sonne de ce Cor est à jamais lié à lui ? Qu’aussi longtemps qu’il ou elle vit, ce n’est qu’un cor ordinaire pour n’importe qui d’autre ? » Il n’avait pas l’air de s’attendre à une réponse et, de toute façon, il continua sans marquer de pause : « Je suis le douzième dans la ligne de succession au Trône de Cristal. Si je gardais par-devers moi le Cor de Valère, tous ceux qui me séparent du trône croiraient que j’ai l’intention d’être à l’avenir le premier et, alors que l’Impératrice, naturellement, souhaite que nous rivalisions entre nous afin que le plus fort et le plus astucieux prenne sa suite, elle a une préférence connue pour sa deuxième fille et elle ne considérerait pas d’un bon œil ce qui serait une menace pour Tuon. Si je sonnais du Cor, même si ensuite je déposais cette terre à ses pieds, avec toutes les femmes de la Tour Blanche mises en laisse, l’Impératrice, puisse-t-elle vivre à jamais, imaginerait sûrement que j’ai en tête davantage que d’être simplement son héritier. »