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— Il faut trouver Fain », acquiesça Moiraine – avec l’espoir que rien ne transparaissait du sentiment d’urgence qui l’habitait – « mais il y a des chances qu’on le découvrira avec le Cor.

— Vous avez raison, ma Fille. » L’Amyrlin se pressa des doigts sur les lèvres pour étouffer un bâillement. « Et maintenant, Vérine, je vous prie de m’excuser, j’ai juste quelques mots à dire à Moiraine, puis je dormirai un peu. Je suppose qu’Agelmar insistera pour festoyer ce soir, puisque la soirée d’hier a été gâchée. Votre aide a été inestimable, ma Fille. Et, soyez aimable de vous en souvenir, ne parlez à qui que ce soit de la nature du mal du garçon. Il y a certaines de vos Sœurs qui verraient en lui l’Ombre au lieu d’une chose dont les hommes sont seuls responsables. »

Citer nommément l’Ajah Rouge était inutile. Et il se pouvait que les Rouges ne soient plus uniquement celles dont il était nécessaire de se méfier.

« Je me tairai, bien sûr, ma Mère. » Vérine s’inclina mais n’esquissa aucun mouvement vers la porte. « J’ai pensé que vous aimeriez peut-être voir ceci, ma Mère. » Elle dégagea de sa ceinture un petit carnet, relié en souple cuir brun. « C’est ce qui était écrit sur les murs des cachots. La traduction n’a pas posé beaucoup de problèmes. En majeure partie, les thèmes habituels – des blasphèmes et des vantardises ; les Trollocs ne semblent pas capables de grand-chose d’autre – mais une des inscriptions était tracée d’une meilleure écriture. Un Ami des Ténèbres ayant de l’instruction ou un Myrddraal. Ce pourrait être de la provocation ; toutefois, le texte affecte la forme d’un poème ou d’une chanson et a l’accent d’une prophétie. Nous en savons peu sur les prophéties venant de l’Ombre, ma Mère. »

L’Amyrlin n’hésita qu’un instant avant de hocher la tête. Les prophéties de l’Ombre, des prophéties sinistres, avaient une fâcheuse propension à s’accomplir de même que les prophéties de la Lumière. « Lisez-moi cela. »

Vérine feuilleta les pages, s’éclaircit la gorge et commença d’une voix égale et calme.

La voici revenue, la Fille de la Nuit.

L’antique guerre, elle la mène toujours.

C’est son nouvel amant qu’elle cherche, pour la servir puis mourir et pourtant la servir encore.

Qui s’opposera à la venue de la Fille de la Nuit ?

Les Remparts Étincelants s’agenouilleront.

Le Sang nourrit le Sang.

Le Sang appelle le Sang.

Le Sang est, le Sang était, le Sang à jamais sera.

L’homme qui canalise est solitaire.

Il abandonne ses amis en sacrifice.

Deux routes s’offrent à lui, l’une mène à la mort par-delà l’agonie, l’autre à la vie éternelle.

Laquelle choisira-t-il ? Il choisira laquelle ?

Quelle main protège ? Quelle main tue ?

Le Sang nourrit le Sang.

Le Sang appelle le Sang.

Le Sang est, le Sang était, le Sang à jamais sera.

Luc est allé dans les Montagnes du Destin.

Isam attendait dans les hauts défilés.

La chasse débute à présent. Et maintenant les limiers de l’Ombre poursuivent et tuent.

Il y en a bien un qui a vécu et bien un qui a franchi le seuil de la Mort mais l’un et l’autre sont là.

Le Temps du Changement est survenu.

Le Sang nourrit le Sang.

Le Sang appelle le Sang.

Le Sang est, le Sang était, le Sang à jamais sera.

Les Guetteurs attendent sur la Pointe de Toman.

La postérité du Marteau brûle l’arbre antique.

La mort sèmera et l’été brûlera avant que vienne le Grand Seigneur.

La mort moissonnera, les cadavres s’affaisseront, avant qu’arrive le Grand Seigneur.

La postérité pourfend de nouveau l’ancienne injustice, avant que vienne le Grand Seigneur.

Voici que vient le Grand Seigneur.

Voici que le Grand Seigneur vient.

Le Sang nourrit le Sang.

Le Sang appelle le Sang.

Le Sang est, le Sang était et le Sang à jamais sera.

Il y eut un long silence quand elle eut achevé sa lecture.

Finalement, l’Amyrlin demanda : « Qui d’autre a vu ceci, ma Fille ? Qui est au courant ?

— Seulement Sérafelle, Mère. Dès que nous en avons eu pris copie, j’ai ordonné à des hommes de nettoyer les murs. Ils n’ont pas élevé d’objections ; ils ne demandaient qu’à s’en débarrasser. »

L’Amyrlin hocha la tête. « Parfait. Trop de gens dans les Marches savent déchiffrer l’écriture trolloque. Inutile de leur donner un tracas supplémentaire. Ils en ont assez. »

Moiraine posa la question à Vérine d’un ton détaché. « Qu’en concluez-vous ? Est-ce une prophétie, à votre avis ? »

La tête penchée de côté, Vérine examina ses notes en réfléchissant. « Possible. La forme rappelle celle des quelques prophéties du Ténébreux que nous connaissons. Et certaines parties sont assez claires. Toutefois, ce pourrait aussi n’être qu’une provocation. » Elle posa le doigt sur une ligne. « La voici revenue, la Fille de la Nuit. Cela ne peut que signifier que Lanfear est de nouveau libre. Ou que quelqu’un veut que nous le pensions.

— Ce serait de quoi nous mettre en souci, ma Fille, si c’était vrai, répliqua l’Amyrlin, mais les Réprouvés sont toujours prisonniers. » Elle jeta un coup d’œil à Moiraine, l’expression un instant troublée avant qu’elle reprenne la maîtrise de ses traits. « Même si vraiment les sceaux perdent un peu de leur efficacité, les Réprouvés sont toujours prisonniers. »

Lanfear. Dans l’Ancienne Langue, Fille de la Nuit. Nulle part on ne trouvait trace de son nom véritable, ceci était le nom qu’elle-même s’était donné, au contraire de la plupart des Réprouvés qui avaient reçu leur surnom de ceux qu’ils avaient trahis. Certains disaient qu’elle avait réellement été la plus puissante des Réprouvés, juste après Ishamael, le Traître-envers-l’Espoir, mais elle avait dissimulé ses pouvoirs. Trop peu subsistait sur cette époque pour que les érudits se prononcent avec certitude.

« Avec tous les faux Dragons qui apparaissent, pas surprenant que quelqu’un essaie d’y mêler Lanfear. » La voix de Moiraine était aussi sereine que son visage mais, intérieurement, elle était bouleversée. De Lanfear on ne connaissait indubitablement qu’une chose en dehors de ce nom : avant qu’elle passe du côté de l’Ombre, avant que Lews Therin Telamon rencontre Ilyena, Lanfear avait été sa maîtresse. Une complication dont nous n’avons absolument pas besoin.