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— Hamilton.

— Bien, officier Hamilton, soyez très attentif, le moine que le médecin est en train de soigner a voulu se suicider. Je ne veux pas vous voir venir m’annoncer que le principal témoin de cette affaire s’est donné la mort. Et appelez-moi dès qu’il sera réveillé.

Le policier acquiesça et tendit une sacoche à Grace.

— Vous aurez besoin de cet ordinateur pour le portrait-robot. Il est équipé d’un système téléphonique directement relié aux équipes de profilage de Glasgow.

— Déposez-le dans l’infirmerie. Merci.

L’officier obtempéra et partit prendre son poste sur les indications de l’abbé.

— Pourquoi ce témoin est-il à l’infirmerie ? demanda Wallace Murray en fronçant ses petites narines pour relever ses lunettes. Il y a eu du grabuge ?

Grace hésita.

— J’ai été contrainte de lui tirer dessus pour l’empêcher de sauter du haut de la falaise.

Le légiste ouvrit une bouche ronde.

— Ah, bah ça, alors ! C’est bien la première fois que j’entends une chose pareille. Sous votre allure débonnaire, vous avez un sacré cran, inspectrice ; à moins que vous ayez commis une bavure que vous voudriez dissimuler avec un pieux mensonge…

Grace le regarda en haussant légèrement un sourcil, avec un air mêlé de mépris et d’indifférence.

— Bien, bien… Je disais ça par respect pour notre code éthique, mais je sais que le terrain nécessite parfois certains ajustements si l’on veut accomplir la mission pour laquelle on est payés. N’est-ce pas ?

Elle ne répliqua rien, laissant l’homme avec son embarras. Puis, elle conduisit le groupe à travers les dédales du monastère.

Une fois devant la chambre d’Anton, les deux membres de la police scientifique s’équipèrent de leur blouse stérile. Le légiste les imita.

— Vous venez avec nous ? demanda-t-il en ajustant une charlotte sur sa large tête.

— Non, j’ai des éléments à vérifier à l’hôtel de l’île. Je vous rejoindrai plus tard. Vous avez mon numéro. Frère Cameron, je vous confie le soin de conduire les techniciens de la police scientifique dans chacune des chambres des moines et partout où ils le désireront.

— Oui, comptez sur moi.

Juste avant de tourner les talons, Grace sentit le regard inquiet de l’abbé peser sur elle. Comme s’il redoutait ce qu’elle allait apprendre en se rendant à l’hôtel.

– 12 –

Le martèlement de la pluie résonna de plus belle à ses oreilles tandis qu’elle empruntait de nouveau le chemin pavé des morts et franchissait la colline menant au port. En contrebas de la butte, elle aperçut la poignée de maisonnettes, leurs toits en ardoise ruisselants et la mer dont les flots gris se confondaient avec le ciel de métal.

Descendant en pas chassés pour limiter les risques de glissade, Grace se trouva bientôt dans l’unique ruelle du hameau et ne fut pas longue à repérer l’enseigne en fer forgé du seul hôtel de l’île.

Elle poussa la porte et laissa échapper un soupir de soulagement en sentant une douce chaleur l’envelopper. À sa gauche, dans un salon agrémenté d’épais fauteuils en cuir, un feu de cheminée crépitait dans un âtre en vieilles pierres noircies. En face d’elle, un escalier en acajou conduisait à l’étage. À sa droite, derrière un comptoir en bois sculpté de navires, se tenait une jeune femme coiffée d’un chignon, au sourire avenant.

— Bonjour, Madame, c’est pour déjeuner ? demanda-t-elle en serrant entre ses mains une tasse d’une boisson fumante.

Grace jeta un rapide coup d’œil à l’horloge surmontée d’un poisson. Il était effectivement midi passé. Elle n’avait pas vu le temps filer.

— Bonjour. Grace Campbell de la police de Glasgow, j’ai des questions à vous poser sur l’un de vos récents résidents.

L’expression de bienvenue de la jeune femme disparut soudain.

— Que s’est-il passé ? Enfin… je veux dire, comment puis-je vous aider ? Mon Dieu, vous me faites peur.

— Cela ne vous concerne pas directement, répondit Grace en frissonnant. Avez-vous accueilli, ces derniers jours, un homme d’environ vingt-cinq ans à l’allure très soignée, cheveux gominés, barbe bien entretenue, des tatouages sur les bras ?

— Oh, oui, oui… un beau garçon. Très poli, même s’il vous parlait toujours avec ses écouteurs sur les oreilles et les yeux rivés sur son téléphone portable. Il a rendu sa chambre hier matin. Pourquoi ? Il a fait quelque chose ?

— Je peux voir le registre de l’hôtel ?

— Oui, bien sûr, mais peut-être souhaitez-vous vous installer près du feu, vous m’avez l’air glacée et un peu pâle, si je peux me permettre.

Grace devait reconnaître qu’elle ne se sentait pas très bien. Cela faisait plus de neuf heures qu’elle était debout et elle avait mis son corps à rude épreuve. Elle accepta la proposition, quitta sa parka trempée et étendit ses pieds devant les flammes apaisantes. Le plaisir immédiat de la douce chaleur souligna l’ampleur de la tension qu’elle avait accumulée depuis le petit matin. Qu’elle le veuille ou non, cette affaire l’avait plus éprouvée en quelques heures que toutes celles qu’elle avait eu à traiter dans sa carrière.

— Voici le registre. Le client dont vous parlez s’est enregistré sous ce nom.

Grace suivit la ligne du doigt : Steven Carlow.

— Vous avez vérifié son passeport ?

— Oui.

— De quelle nationalité était-il ?

— Écossaise.

Grace appela aussitôt son supérieur. Elle lui résuma la situation, l’excérébration de la victime, le rôle de frère Colin, et termina par le nom trouvé dans le registre de l’hôtel.

Elle entendit un bruit de clavier.

— Steven Carlow.

— Oui, C-A-R-L-O-W.

— Merde… rien. C’est forcément une fausse identité, il n’existe aucun Steven Carlow en Écosse ni ailleurs en Grande-Bretagne.

— Je vais avoir un portrait-robot sous peu et la scientifique trouvera peut-être quelque chose. Et sinon, l’équipe chargée d’aller inspecter le dernier domicile connu de la victime a-t-elle fait son rapport ?

— Oui, l’appartement était complètement vide. Pas un meuble. Rien. La concierge a dit que l’occupant avait tout vendu avant de partir. Cet Anton Weisac avait visiblement l’intention de rester un certain temps dans ce monastère.

— Qu’est-ce qu’on sait d’autre sur lui ?

— J’ai mis une femme de mon équipe sur l’enquête afin de découvrir d’où il vient, où il a travaillé, s’il a une famille, etc. Elle t’appellera si elle met la main sur quelque chose. Tu verras, elle est connue pour ne rien laisser passer. Bon, de ton côté, tu as trouvé pourquoi ce Weisac s’était planqué dans ce trou ?

— Non, pas encore.

— Et donc, tu suis quelle piste, là, tout de suite ?

Grace détestait qu’on lui demande des comptes sur une affaire en cours. Elle avait besoin qu’on la laisse travailler sans avoir à se justifier.

— Plusieurs. Et justement, a-t-on des équipiers doués en sciences, notamment en mathématiques et astrophysique, chez nous ?

— Les types de l’informatique sont parfois surprenants. Je vais voir si on te trouve quelqu’un. Pourquoi ?

— J’ai découvert des images et des calculs auxquels je ne comprends rien. Je t’envoie les dossiers.

Elliot Baxter ne répondit pas tout de suite.

— Il y a un problème ? s’enquit Grace.

— Eh bien, je te rappelle que j’aimerais autant que cette affaire ne s’ébruite pas. Les politiques n’apprécient jamais qu’on pourrisse l’image de l’Écosse, c’est pas bon pour le tourisme. Donc, plus vite tu coinceras le coupable, mieux ça sera.