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Pressentant une mauvaise nouvelle, Grace dévala la pente à toute vitesse.

– 14 –

En courant sur le chemin des morts, Grace reconnut les uniformes : des policiers. Elliot Baxter l’avait donc déjà trahie en envoyant des officiers la remplacer ? Le temps qu’elle arrive à l’entrée du monastère, on leur avait ouvert et elle parvint tout juste à glisser son pied dans la porte avant qu’elle ne se referme. L’abbé Cameron l’accueillit, l’air de ne pas comprendre ce qu’il se passait.

Grace dévisagea les deux policiers. Elle ne les connaissait pas et surtout, ils portaient la casquette noire à damier indiquant qu’ils n’étaient pas inspecteurs.

— Grace Campbell, inspectrice de l’unité de police de Glasgow. Vous cherchiez quelqu’un ?

— Inspectrice, salua l’un des deux hommes, aux cheveux blancs et dont le cou épais formait une association logique avec son air borné. Officier Sheperd du district de l’île de Mull. On nous a laissé entendre que des membres de la police nationale avaient débarqué pour se diriger ensuite vers le monastère. Nous venons donc aux nouvelles.

— Qui vous a prévenus ?

— Oh, vous savez, quatre officiers de police et une équipe qui les accompagne avec de grosses valises, cela ne passe pas inaperçu par chez nous.

Grace fut rassurée d’entendre que son supérieur n’était pas responsable de leur présence.

— Je vous confirme que des officiers de Glasgow et moi-même sommes chargés d’une enquête pour homicide, déclara-t-elle.

— Sauf votre respect, inspectrice, vous êtes sur notre territoire et nous ne pouvons pas ignorer un fait aussi grave. D’autant que nous connaissons fort bien la région et que nous pourrions certainement vous apporter une aide précieuse.

Elliot Baxter avait été clair : éviter que l’affaire ne fuite. Mais maintenant que la police locale était au courant, elle ne renoncerait pas avant de savoir ce qu’il se passait réellement. Grace ne pouvait pas frontalement mentir à ces hommes ; elle n’avait pas non plus l’autorité nécessaire pour leur ordonner de quitter les lieux. Et puis cet officier n’avait pas tort. Peut-être qu’ils pouvaient l’aider.

— Je vais vous informer du dossier, mais sauf votre respect, officier Sheperd, rien ne doit filtrer. C’est bien clair ?

— Je ne vois pas comment il en serait autrement.

Elle connaissait ce type de réponse un peu trop automatique. Mais si elle voulait bénéficier de l’appui de ses collègues, elle n’avait d’autre choix que de les mettre dans la confidence.

— Frère Cameron, je dois m’entretenir avec ces messieurs en privé.

— Oui, je comprends, je serai auprès de frère Colin, répondit-il en s’effaçant.

Une fois certaine que plus personne ne pouvait les entendre, Grace informa les deux policiers régionaux des principaux éléments de l’enquête.

— Nous allons jeter un coup d’œil à la scène de crime et nous vous dirons comment nous pouvons vous aider, conclut l’officier Sheperd.

Grace leur indiqua la direction des quartiers des pensionnaires et rejoignit l’infirmerie. En chemin, elle téléphona à ses agents en faction pour qu’ils autorisent les deux policiers de l’île de Mull à accéder aux différents lieux du monastère. À une exception près, le cabinet secret d’Anton, dont ils ne devaient pas avoir connaissance. Elle tenait à ce que les autorités locales se concentrent sur le profil de l’assassin et non sur des détails dont elle ne mesurait pas encore la portée.

— Repoussez l’armoire devant le passage secret et pas un mot de cette cache, ordonna-t-elle à l’officier sur place.

Quand elle pénétra dans l’infirmerie, le policier chargé de la surveillance de frère Colin lui adressa un salut.

— En dehors de l’abbé Cameron qui n’a pas parlé au témoin et le docteur Bisset qui l’a soigné, personne n’est entré ni sorti, inspectrice. La sacoche pour le portrait-robot est là, ajouta-t-il en désignant une table.

— Merci, officier Hamilton.

Grace s’approcha du jeune moine allongé. L’abbé Cameron était déjà assis près de lui et le docteur Bisset rédigeait un rapport, installé devant la table de chevet, de l’autre côté du lit.

— Comment va-t-il ? demanda Grace.

— Vous avez bien visé. Pas d’os cassé, pas d’artère touchée, mais il aura besoin de rééducation pour remarcher. J’ai déposé la balle dans un sachet scellé. Je la joindrai au rapport que je suis en train d’établir. Le nom de votre supérieur ?

— Elliot Baxter, police nationale de Glasgow. Merci d’être venu si vite, docteur, et de l’avoir tiré d’affaire.

Grace s’approcha de frère Colin.

— Comment vous sentez-vous ?

— Je ne sens rien…

— Vous êtes en mesure d’établir le portrait-robot ?

— Je crois que oui.

Avec l’aide de l’abbé Cameron, elle le redressa et l’adossa contre des coussins. Puis, elle alla chercher le matériel informatique. Après avoir établi un contact en visioconférence avec les équipes du commissariat de Glasgow, elle positionna l’écran devant le jeune moine.

— Je vous laisse entre leurs mains, frère Colin.

— Inspectrice, j’aimerais vous dire un mot, intervint l’abbé Cameron. En privé.

Tandis qu’un échange débutait entre frère Colin et le graphiste, ils sortirent de l’infirmerie.

— Qu’y a-t-il ?

— Inspectrice, je n’ai pas osé vous en parler tout à l’heure devant les deux agents de police de l’île de Mull, mais un journaliste est venu frapper à la porte du monastère, peu de temps après votre départ.

Un éclair de stress aiguillonna Grace.

— Que vous a-t-il dit ? demanda-t-elle en posant un instant le dos de sa main devant sa bouche.

— Il était au courant que des équipes de police venaient d’arriver chez nous et il voulait en savoir plus. Bien évidemment, je n’ai rien dit. Il a insisté et j’ai dû être très ferme pour le faire partir.

— C’est donc comme ça que ça s’est passé, répondit pensivement Grace. Ce journaliste a été informé le premier, probablement par des indics du port, que des agents étaient sur les lieux. Comme il n’a pu en apprendre plus avec vous, il a prévenu ses copains de la police locale, qui lui renverront l’ascenseur en lui refilant deux ou trois infos pour son article… Et ce, quels que soient les ordres que je leur ai donnés.

Mue par le réflexe de l’élève disciplinée qui veut plaire à son professeur, Grace allait appeler Elliot Baxter et lui demander d’intervenir pour éviter toute fuite supplémentaire.

Mais une petite voix qui aurait pu ressembler à un miaulement l’encouragea à réfléchir par elle-même. Après tout, cette enquête était la sienne, c’était elle qui était sur le terrain, elle qui sentait les choses. Son supérieur ne pensait que politique. Il fonctionnait à la peur. Elle fonctionnait à l’audace. Et seule la capture de l’assassin comptait. Tant pis pour la mauvaise image de l’Écosse. Elle se ternirait encore plus si dans un an, on apprenait que l’affaire avait été étouffée et que le coupable courait toujours.

— Répondez aux policiers régionaux s’ils vous posent des questions, frère Cameron.

— Mais…

— Faites-moi confiance.

En s’entendant prononcer ces mots, Grace sentit la nausée lui soulever le cœur. Et fais-toi confiance aussi, se lança-t-elle intérieurement.

— Et la presse ? Ils vont être au courant, renchérit l’abbé.

— C’est le but, répondit Grace. Quand sort le journal local ? Le matin ou le soir ?

— Le soir, mais ils ont un site Internet sur lequel ils publient toute la journée.