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Son repos dura jusqu’à ce qu’elle entende des raclements et un souffle derrière elle. Elle se retourna et vit Yan apparaître au coin de la corniche.

— Je ne sais pas comment vous avez fait… pour ne pas tomber.

— Vous n’auriez pas dû, souffla Grace, surprise.

— Je m’en voudrais toute ma vie s’il vous arrivait quoi que ce soit.

Autant Grace n’appréciait pas le côté chauvin de Yan, autant elle devait reconnaître sa loyauté et sa grandeur d’âme.

— Et maintenant ? On fait quoi ? Il n’y a rien ici.

Sa voix résonna en écho tandis que le jeune homme éclairait la voûte rocheuse perlant d’humidité.

Grace suivait le rayon de lumière des yeux en se demandant si elle avait raté quelque chose au cours de son exploration ou si la piste d’Anton n’était finalement pas la bonne. Après tout, elle ne savait pas ce qu’il cherchait dans ces grottes et peut-être que lui-même n’était pas certain d’y trouver quoi que ce soit.

Elle se remit debout. Sa tentative de faire avancer l’affaire se terminait donc ici, sur un mur de roche sans issue à près d’un kilomètre sous terre.

— Merci d’être venu jusque-là, Yan.

— C’est mon travail. Et puis, si j’avais pu vous aider dans votre enquête, ça m’aurait fait plaisir.

Grace contemplait une dernière fois cette ultime cavité quand un phénomène l’interpella. Les gouttes qui s’écoulaient le long des parois formaient une flaque d’eau au sol. Mais à une telle profondeur, l’humidité devait être persistante et, par conséquent, le ruissellement ne devait jamais s’arrêter. La flaque aurait dû être un lac. Puisque ce n’était pas le cas, l’eau devait forcément s’évacuer quelque part.

Grace se rapprocha du pied de la paroi et, en y regardant de plus près, elle remarqua une protubérance rocheuse d’à peine cinquante centimètres de hauteur, qui semblait un tout petit peu décollée du mur. Elle la poussa et sentit qu’il y avait du jeu.

— Yan, venez m’aider à bouger ce rocher.

— Quoi ? Ne touchez pas à ça ! Vous allez provoquer un éboulement !

— Ça ne soutient rien, c’est juste calé contre la paroi.

Yan la rejoignit pour lui prêter main-forte et à deux, ils parvinrent à le déplacer suffisamment pour dévoiler un passage.

Ils s’agenouillèrent et le spectre de leur lampe frontale dessina les contours d’une anfractuosité s’enfonçant en pente raide dans l’obscurité.

— La rivière qui passe au fond du ravin était à notre hauteur il y a quelques millions d’années, commenta Yan. Elle a dû creuser des galeries comme celle-là, dit-il en s’accroupissant.

Il examina avec attention l’entrée du tunnel.

— Je ne vois absolument aucune trace de piolet, ni même d’orifice de piton. Personne n’est jamais venu jusqu’ici pour explorer ces grottes. Cela fait de nous des pionniers, pour le meilleur et pour le pire, inspectrice.

Il enfonça un clou de progression dans la roche avec sa massette et y fixa une corde de sécurité orange qu’il passa dans le mousqueton accroché à sa ceinture. Grace l’imita et ils entamèrent leur descente.

Plus ils progressaient, plus le passage s’élargissait, si bien qu’ils purent avancer à peine courbés.

Malgré sa combinaison, Grace sentait le froid gagner en ardeur, alors que la chaleur de leur souffle se muait en fumerolle dans le faisceau de leur lampe.

— Je ne suis jamais allé si profondément, lâcha Yan après quinze minutes de descente en silence. Vous imaginez à quelle distance de la surface nous devons être, depuis que nous sommes entrés dans ces cavernes ? Nous avons dû dépasser les huit cents mètres, c’est considérable. Qu’est-ce que vous espérez dénicher à cette profondeur ?

Grace ne répondit pas. La pente s’adoucissait et le tunnel s’agrandit suffisamment pour qu’ils puissent avancer debout. La jeune femme passa devant et accéléra le pas. Le chemin décrivit une courbe, et elle n’avait pas fait cinq mètres qu’elle s’immobilisa, levant le poing, éteignant sa lampe, bloquant sa respiration. Yan l’imita, sans trop vraiment comprendre pourquoi il devait soudain faire preuve d’autant de précaution. Grace tendit l’index vers l’avant.

Il lui semblait avoir discerné une source lumineuse au fond de la galerie. Ce n’était peut-être qu’un reflet de leurs propres éclairages frontaux, mais quand leurs pupilles s’adaptèrent à l’obscurité, le doute ne fut plus permis. Il y avait bien de la lumière au bout du souterrain.

Le cœur palpitant, Grace déployait ses pas avec la lenteur et la discrétion d’un chat en approche, quand un frisson de peur lui électrisa la nuque : à quelques mètres devant, elle venait d’entendre un raclement de gorge.

– 20 –

Avec d’infinies précautions, Grace tira son arme d’une poche intérieure de sa combinaison. On entendit de nouveau renifler, et des frottements, comme si quelqu’un jouait avec la semelle de sa chaussure sur la roche.

D’un geste de la main, Grace ordonna à Yan de rester en arrière. Elle détacha la corde qui la reliait au jeune guide et elle progressa accroupie, frôlant sans un bruit la paroi du côté intérieur du virage pour demeurer cachée le plus longtemps possible. Désormais, elle percevait nettement la proximité d’un individu aux infimes frictions de tissus. Il était là, à deux mètres à peine, derrière la courbe de la roche.

Maîtrisant sa respiration, Grace s’aplatit au sol tout en contrôle et en adresse. Puis, elle rampa, un millimètre après l’autre, jusqu’à obtenir un filet d’angle de vue sur ce qui se trouvait au-delà du virage. Elle n’eut qu’une microseconde pour hasarder un coup d’œil et eut peine à croire ce qu’elle venait de voir : éclairé par une ampoule électrique, un milicien en tenue noire, équipé d’un fusil d’assaut, montait la garde devant une massive porte de métal.

Grace recula, la bouche fermée, laissant tout juste frémir ses narines. Elle discerna Yan qui lui faisait des signes interrogatifs et elle appliqua silencieusement un doigt sur ses lèvres. Pour le coup, il était bien trop dangereux d’affronter une telle menace seule. Surtout à près d’un kilomètre sous terre. Il fallait qu’ils rebroussent chemin et qu’elle revienne au plus vite avec des renforts.

Elle commença à reculer avec précaution et indiqua à Yan qu’ils repartaient. Mais elle le sentait nerveux.

Il remonta la pente un peu trop vite et, avant qu’elle n’ait eu le temps de le rattraper, sa combinaison frotta contre la paroi. Le bruit se répercuta en écho.

Instantanément, Grace entendit des pas s’approcher à toute vitesse. Trop tard pour s’enfuir. L’individu allait les voir et n’aurait plus qu’à leur tirer dans le dos.

Elle délaya ses doigts autour de la crosse de son pistolet pour assurer sa prise et surgit hors du tunnel en braquant son arme droit sur sa cible.

— Police ! lança-t-elle en se campant devant le milicien.

Pris au dépourvu, il écarquilla de grands yeux déconcertés, saisit son fusil, avant de se raviser devant le canon pointé sur son front.

— Les bras au-dessus de la tête…, répéta Grace sans ciller du regard.

L’homme, à la carrure massive, obéit. Mais elle le sentait prêt à agir à la moindre inattention de sa part.

— Vous n’avez rien à faire ici, grommela-t-il.

— À genoux !

Le milicien s’exécuta sans empressement. Elle percevait l’entraînement dans chacun de ses gestes. Si elle perdait l’avantage, elle n’aurait aucune chance contre lui.

— Jetez votre arme.

— Cela va mal finir, menaça l’homme en jetant son fusil au pied de Grace.