— « Des robots tueurs ! »
— « Oui. Peut-être devrions-nous placer un vaisseau de Chasse sur l’un des bateaux. Quelle est leur portée ? »
— « Quatre heures. Environ cent cinquante kilomètres à l’heure. Mais je ne sais pas exactement s’il y a un appareil en état de voler à l’heure actuelle. »
Le C.U. intervint. « D’ici deux ans, il y en aura un. Nous l’équiperons de manière qu’il puisse amerrir. »
« Nous vaincrons ARNOLD ! » lança Furlong en se frottant les mains, un large sourire s’épanouissant sur son visage.
ARNOLD accrocha ses ailes, ange lubrique s’apprêtant à taquiner l’anémone dans les dômes d’épousailles Océanides. Il braillait une ballade grivoise tout en fixant un thon à sa corde de halage.
Sur ses mains, Larry se rendit auprès du géant paillard, en se tenant à l’écart du poisson, qui donnait de grands coups de queue. L’homme-tronc désapprouvait ces manières de satyre ; à ses yeux, abuser des vierges était le fait d’un débauché.
« J’apporte ce poisson géant aux vieux des Abysses, » dit ARNOLD.
— « Vas-tu encore chercher Ventre Blanc ? »
— « Je vais visiter à nouveau les dômes aux anémones, si c’est ce que tu veux savoir. Elle sait où me trouver. »
— « Mais tu as pris toutes les femelles éhontées qui se sont présentées. »
— « Je ne vais pas laisser se gaspiller tout ça, » gloussa le ribaud. « Les mâles sont rares, en bas. Je ne fais que mon devoir. »
— « Et Ventre Blanc ? Ton premier amour ? » L’ange gigantesque s’immobilisa, la main sur le grappin. « Je crois qu’elle a dit exactement ceci : « Elles peuvent le garder. » Eh bien, elles m’ont ! »
En touchant l’eau, le thon se débattit un moment, puis suivit le géant dans les profondeurs.
Un peu plus tard, une autre anémone de mer vint se poser sur le kiosque du sous-marin.
C’est un Palourde indigné qui monta sur le pont de Rorqual, accompagné de deux anges ratatinés. Le clostridium l’avait laissé d’humeur sombre et morose, mais plus solide que jamais.
« Bienvenue ! » leur lança le semi-humain, perché sur le toit de la cabine. « Qu’est-ce qui vous amène à bord ? »
— « Nous voulons parler à ton capitaine, » fit Palourde, d’un ton coléreux.
Le bateau transmit le message jusqu’aux cabines qui se trouvaient sous le pont arrière. ARNOLD posa ses outils, prit l’ascenseur et s’avança vers la délégation, la main droite tendue, le sourire aux lèvres.
« Ton sourire est inapproprié à la circonstance, » éclata Palourde. « Nous venons discuter d’un sujet pénible. »
ARNOLD prit un air sérieux. « Très bien. Venez dans ma cabine. Aujourd’hui, nous avons une friandise spéciale : du caviar d’oursin, une laitance dorée avec cinq saveurs naturelles qui se succèdent. Il faut que vous y goûtiez. »
Palourde repoussa les friandises ; il attendit que tout le monde soit assis, en bouillant littéralement, « ARNOLD, tes mœurs dissolues sont contraires aux enseignements des Prêtres des Abysses. » Les deux anges approuvèrent. « Tu corromps nos vierges, tu les entraînes vers le péché, la perversion, le mal. Tu es infidèle à ta première compagne, Ventre Blanc. »
Larry vit le sang monter au visage du guerrier ainsi attaqué, et prit vivement la parole. « Je crois que c’est elle qui a répudié ARNOLD. »
— « Elle attend un enfant de lui ; par conséquent, ils sont liés l’un à l’autre. C’est la coutume. »
— « Je savais qu’elle était enceinte ; toutes les étreintes du roi portent leurs fruits. »
— « Tu le savais ? Et tu ne t’en soucies pas ? » s’emporta Palourde.
Larry sentit la table osciller tandis que les deux géants se penchaient l’un vers l’autre, les muscles raidis. Le petit homme-tronc les écarta de la main. « Je suis convaincu que Ventre Blanc ne voudrait perdre ni son frère ni son compagnon. Laisse parler ARNOLD. »
— « Je connais parfaitement vos coutumes. Larry me les avait expliquées en détail. Mais vos usages ne sont pas les miens… »
— « Espèce de dépravé ! Espèce de guerrier synthétique ! » interrompit Palourde, en brandissant le poing. « Tu te prétends roi, mais dans nos eaux tu n’es qu’un sale vagabond qui vole nos poissons et nos femmes ! »
— « Calme-toi, sinon j’ouvre les arroseuses automatiques du plafond, » dit Larry. « Laisse-le finir. »
— « Je tiens vraiment à Ventre Blanc, » dit ARNOLD. « Je reste à l’ancre dans vos eaux en attendant qu’elle soit instruite par la maternité. Alors, elle viendra à moi. »
— « Et les autres jeunes filles ? Elles sont grosses, elles aussi ! »
— « Je les attends également. »
Palourde se leva et arpenta furieusement la salle. « Elles ne peuvent pas toutes venir ! Il n’y a pas assez de place dans un de nos dômes pour… »
— « Il y a de la place sur mon navire. Je vis à la surface. »
— « À la surface ? » marmonna Palourde. « Et la fourmilière ? »
— « Je règne sur la mer, » dit le géant. Sa voix était assurée.
Palourde examina le visage du guerrier. Aucune trace de fourberie ni d’ironie. « Vivre à la surface, avec plusieurs épouses ? » Il se rassit avec lenteur. « Comment pourras-tu nourrir toutes ces… ? »
— « Grâce à mon navire, je peux nourrir des millions de personnes. Je suis roi. Je conquerrai le monde s’il le faut, mais les membres de ma famille mangeront à leur faim. »
Palourde accepta un hors-d’œuvre savoureux et mâcha pensivement. « Nos jeunes femmes ne consentiront jamais à cela ! Elles sont innocentes et pures, élevées dans la meilleure tradition. Elles préféreraient mourir qu’écouter… »
Larry intervint. « Palourde, pourquoi n’irais-tu pas jeter un coup d’œil sur les appartements réservés aux femmes ? Tu pourrais ensuite en parler aux jeunes filles. »
— « Je refuse de tremper dans cette… »
— « Laissons-les décider par elles-mêmes, » l’interrompit Larry d’un ton apaisant. « Les temps ont changé. À présent, la mer nous donne notre nourriture. La fourmilière est moins puissante. ARNOLD est roi. »
Les ordonnances aidèrent les anges arthritiques à irriguer leurs ailes et à remplir leurs bouteilles à oxygène. Réticent, Palourde suivit ARNOLD et Larry jusqu’à l’ascenseur d’arrière.
« C’est un navire abandonné, pratiquement vide. Il peut transporter dix mille hommes et cent mille tonnes de plancton. À l’heure actuelle, il n’a qu’un équipage de deux cent douze Citoyens. Ils ont embarqué avec moi et sont restés, à cause de la triple Allocation Calories-Logement. Malheureusement, les NéchifFes ont la vie courte. Ils obéissent bien aux ordres. Les Servomaches apprécient leur compagnie. »
Palourde était fasciné par les vastes dimensions et le luxe des installations. Il revint de cette visite quelque peu radouci, et accepta de boire à la table d’ARNOLD.
— « Il y a largement assez de place, sans aucun doute, » reconnut l’Océanide. « Nous avons dû traverser des kilomètres de cabines. Les filles apprécieraient sûrement les Distributeurs à nourriture chaude et froide. Cela les déchargerait de tout travail. »
— « Oh ! il y aura beaucoup de travail à faire sur Rorqual ! » dit Larry. « Peu de nos hommes d’équipage peuvent supporter d’être exposés aux éléments, sur le pont. Les femmes Océanides auront à remplir leur part de travail. »