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— « Ils sont ici, » dit Rorqual. Un examen aux infrarouges sensibles de la végétation révéla des formes plus ou moins carrées : des habitations dissimulées derrière un écran d’arbrisseaux et de plantes grimpantes. « Ils préfèrent qu’on ne sache pas trop que l’île est habitée, c’est tout. »

ARNOLD scruta la plage. « Souviens-toi qu’ils n’étaient que douze. Et il y a bien cent ou cent cinquante hectares de terrain. Que les épouses aillent à terre avec les présents. Nous laisserons ici deux catamarans, un de sept mètres et un de dix. Des outils de jardinage. Des pointes de javelot. Invitez-les à bord pour le repas du soir. »

Ventre Blanc emporta ses deux enfants sur la partie défrichée. Har et Opale s’élancèrent vers elle et la serrèrent dans leurs bras. Ils parlaient avec volubilité ; les enfants passaient de bras en bras.

Plus tard, Har monta sur le pont pour parler à Larry le semi-humain. Tous deux avaient considérablement bruni et s’étaient endurcis depuis l’époque de l’Entre-Murs. Ils choquèrent leurs verres et portèrent un toast à ARNOLD. « Puisse le roi toujours régner sur la mer. »

Le souper fut ponctué de chants et de danses. Le bateau fabriqua toutes sortes de jouets de polymère aux couleurs vives pour les enfants. La vie insulaire avait rendu les femmes Océanides encore plus coriaces et résistantes. Musclées, avec un large bassin, elles avaient une grossesse par an. La population de l’île atteignait la vingtaine. Les épouses d’ARNOLD les comblèrent de menus cadeaux : ustensiles de cuisine et matériel de couture. Rorqual récolta des boisseaux de graines et mit en cage de petits animaux sauvages et comestibles, pour les transplanter sur d’autres îles.

« Nous sommes très heureux ici, » dit Har. « Vous devriez cesser vos pérégrinations et vivre avec nous. »

— « Non, » dit Larry. « J’aime ces voyages avec Rorqual Maru. Nous jetons des graines et les regardons pousser. Les petits cochons sauvages se multiplient partout. Je ne sais pas pour quelle raison ces îles étaient devenues stériles, mais cela m’amuse de les repeupler. »

Har hocha la tête. « Cela ressemble à ce que tu m’avais raconté à propos de L’Arche de Dever. Seulement, c’est ici, sur la Terre, que tu sèmes la vie. »

— « Oui. Je crois que cela me procure les mêmes plaisirs qu’à un pionnier interstellaire, sans les périls que cela comporte. »

Les invités passèrent toute la nuit sur le bateau. À l’aube, un point noir à l’horizon vint les perturber. La seconde paire de grues de Rorqual se dressa. L’image fut projetée sur l’écran d’ARNOLD.

« Un outrigger. L’un des nôtres, » dit le capitaine. Larry et Har allèrent s’appuyer au bastingage.

« Il vient du nord-est. Qui cela peut-il être ? »

L’histoire de Palourde était incohérente, avec des alternances de rage et de désespoir. La grue D-2 fureta dans le canoë et remonta une couverture de bébé et le harpon ensanglanté. 1

« La fourmilière a repris la mer ! » dit Rorqual. « La famille de Palourde a été tuée. »

— « Et sans doute aussi la plupart des Océanides du Récif du Kilomètre Trois, » ajouta ARNOLD.

Larry était soucieux. « Ces grappins-robots semblent avoir été spécialement conçus pour détruire les dômes. Je crains que nous n’ayons sous-estimé l’opiniâtreté de la fourmilière. Elle veut absolument nous anéantir. »

— « C’est nous qui allons la détruire, » marmotta le gros Har.

Les hommes se rassemblèrent sur le pont, parlant de guerre. Le navire écoutait.

« Une guerre avec la fourmilière n’est pas possible, » dit Rorqual. « Elle recouvre les continents, avec son système nerveux unique et ses 3,5 X 10 12 Citoyens. Le Département Embryo produit 5 X io8 unités par jour. Ils peuvent fabriquer une copie d’ARNOLD en dix ans, et une de Rorqual en cinq. Vous êtes peu nombreux et dispersés. Vous ne possédez ni machines volantes ni explosifs. Vous n’avez pas d’armée. »

Har agita le poing. « Il faut qu’ils paient. Les gens du Kilomètre Trois étaient des nôtres. »

Palourde désigna le harpon brisé. « Cet océan est à nous. Je tuerai toute créature de la fourmilière qui s’y aventurera. »

ARNOLD approuva. « Il faut détruire le bateau de la fourmilière. »

— « Je vais envoyer des garçons sur les îles voisines, » dit le gros Har. « Nous devons pouvoir réunir vingt ou trente hommes. S’il se trouve quelques ARNOLD Inférieurs sur le navire de la fourmilière, nous pourrons en venir à bout avec des haches et des lances. »

Les voisins commencèrent à arriver, avec leurs outils néolithiques transformés en armes rudimentaires. Ce n’étaient pour la plupart que des adolescents, enthousiastes et naïfs. En tout, on compta dix-huit mâles et quatorze femelles solidement bâties. Ils ressentaient vivement l’atrocité commise au Kilomètre Trois. On laissa à terre les enfants et les femmes enceintes.

L’Homme aux écouteurs, un autre survivant du Récif, était parvenu à rejoindre le Récif Sud. Il raconta son histoire à un petit groupe réuni dans le Grand Dôme.

« Ce sont uniquement nos dômes qu’ils détruisent. Leurs armes peuvent reconnaître les dômes qui abritent des Océanides. Ils n’attaquent que ceux-là. »

Nez Tordu, une femelle pourvue de neuf enfants, se tourna vers son fils presque adulte, Couteau, et demanda : « Comment ont-ils fait ? »

Couteau était l’expert de la tribu. Il avait passé un jour entier caché dans les jardins, à observer un poteau-sentinelle. Ensuite, il avait fourni un rapport détaillé aux Prêtres des Abysses. « La fourmilière possède un tas de petits yeux et de petites oreilles. Certains voient et entendent mieux que les nôtres, d’autres moins bien. Je pense que nous devrions essayer de faire ressembler le plus possible nos dômes à des dômes morts. Si ces yeux sous-marins sont moins bons que les nôtres, il doit nous être possible de dissimuler nos habitations. »

L’Homme aux écouteurs acquiesça. « Mais nous n’avons peut-être pas beaucoup de temps. »

Le jeune Couteau sortit avec un petit groupe dans les eaux troubles. Quand ils revinrent, ils se mirent à parler tous ensemble.’

« Il faut réduire les bulles d’air. »

— « C’est la lumière. Nous ne devons plus nous servir que de la bioluminescence naturelle. »

— « C’est la chaleur. Les dômes chauds indiquent la présence d’une famille. »

— « Non, c’est l’écume marine. Les dômes morts sont recouverts d’algues et de créatures sessiles. Nous devons camoufler nos maisons sous des oursins, des algues et des étoiles de mer. »

Nez Tordu leva les mains pour les faire taire. Elle fit signe à son fils de poursuivre. « Toutes ces suggestions sont valables. Nous devons tout essayer. Il faut éteindre les réchauffeurs et les lumières des dômes. La plupart des dômes, avec leur cerveau de classe onze, collaboreront certainement. Les autres devront être évacués, pour le moment. Je pense que les femmes pourraient tresser une bâche d’algues pour recouvrir l’épiderme des dômes. Les animaux à ventouses et à byssus ne se fixeront pas sur la surface nue d’un dôme vivant. »

— « Je vais monter un réseau dans l’un des dômes du niveau deux. Nous pourrons peut-être ainsi les entendre venir, » dit l’Homme aux écouteurs.

Furlong était assis devant son écran, dans la salle du Conseil. Les autres membres avaient été révoqués.

« Êtes-vous sûr qu’il n’y a plus d’Océanides ? »