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Malko regarda Linda. C’était une des seules personnes capables de l’aider. Avec Sani.

— Linda, dit-il. Retrouvez-moi Lim et je vous donnerai une protection contre la police de Singapour.

La Chinoise secoua la tête avec une expression ironique.

— Vous me donnez une protection ! Dans quelques jours vous serez parti. Ils m’arrêteront et ils m’enverront croupir dans une île.

Toujours le naturel qui revenait au galop.

— Je vais essayer de vous aider, assura Malko. Je travaille pour les « Services Spéciaux Américains ».

Il s’était décidé brusquement à révéler son appartenance à la C.I.A. Après tout, dans la hiérarchie de la « Company », il était plus haut placé qu’un simple « case-officier ». Qui, lui, avait le droit de faire état de sa vraie qualité. Et il avait besoin de Linda. Un besoin urgent et impérieux. Surtout depuis qu’il savait se heurter au gouvernement légal de Singapour.

La Chinoise le regardait comme s’il s’était mis à cracher du feu par les naseaux.

— Vous êtes vraiment un espion Américain ? demanda-t-elle, d’un ton incrédule.

— Pas un espion, corrigea Malko. Je m’occupe de certaines affaires délicates.

— Vous pouvez me le prouver, vous avez une carte ?

Il sourit. Pour la première fois depuis un long moment. Il avait vraiment cru que Linda allait le tuer.

— Linda, vous avez une carte de membre des « Papillons » ?

Cela ne la dérida, ni ne la rassura.

— Alors, comment est-ce que je peux savoir que vous dites la vérité ?

— Nous rencontrerons ensemble le responsable de mon service pour Singapour. Lui reste ici. Il vous protégera.

Elle haussa brusquement les épaules.

— J’aime bien les Américains. Ils sont riches, mais ils sont souvent stupides. Je veux bien. Mais il faut commencer tout de suite à me protéger. Sinon le C.I.D. va m’arrêter.

— Je vais régler cela demain matin, assura Malko. Souhaitant que John Canon puisse vraiment faire quelque chose. Cela faisait partie des petits services qu’on se rend entre barbouzes.

— Il faut d’abord tuer Ah You. Sinon, il va trouver Lim et le tuer. Demain, je saurai où se trouve Lim. Même s’il ne vient pas à l’enterrement.

— Comment ?

Elle eut un sourire cupide.

— On doit lui apporter une fille. Qui arrive de Djakarta spécialement pour lui.

Ainsi, Linda en savait beaucoup plus qu’elle ne le disait… Mais Malko ne tenait pas du tout à partager ses inimitiés.

— Nous n’avons pas le temps de tuer Ah You d’ici demain, dit-il. Allons ensemble à l’enterrement. Même si Tong Lim vient, vous aurez les 40 000 dollars.

Linda secoua la tête.

— Vous avez besoin que je vienne, de toutes façons, parce que Ah You va essayer de tuer Lim à l’enterrement.

Chapitre XIV

Les dragons de papier ondulaient dans l’air poisseux de chaleur, sur plus de un kilomètre, transformant Bukit Timah en un serpent multicolore dont la queue n’avait pas encore franchi le rond-point de Scotts Road. De l’autre côté du canal séparant les deux voies, les gens s’arrêtaient pour voir passer ce majestueux cortège.

Se déplaçant avec une lenteur appropriée, bruyant et interminable, le convoi funèbre de Margaret Lim bloquait complètement l’unique voie d’accès à la Malaisie. Et cela risquait de durer un moment car le cimetière vers lequel il se dirigeait se trouvait à une dizaine de kilomètres du centre de Singapour, vers Choa Chu Kang. Mais tous les employés des entreprises de Tong Lim avaient tenu à être là, entassés dans des camions, de vieux bus ou des voitures particulières. Le cœur battant, Malko vit se rapprocher le premier véhicule. Un gros camion dont la plate-forme disparaissait sous les couronnes, les bannières et les dragons recouvrant le cercueil. Il avait embusqué sa Datsun dans le Driveway des City Towers, un groupe d’énormes buildings verdâtres qui donnaient directement sur Bukit Tumah.

Ainsi tout le convoi défilerait devant lui. Linda était assise à ses côtés. Silencieuse. Elle était la seule à pouvoir reconnaître Tong Lim. Le camion passa devant eux et Malko aperçut, sous les fleurs, un énorme cercueil en forme de jonque, semblable à celui où il avait failli trouver la mort. Aussitôt derrière, il y avait une longue Mercedes 600 noire aux glaces si sombres qu’elles semblaient avoir été passées à la suie.

Linda se redressa d’un coup, les yeux fixés sur la grosse voiture.

— C’est Tong Lim !

Le véhicule défila lentement devant eux. À travers les glaces fumées, Malko distingua difficilement une silhouette tassée sur la banquette arrière. Des lunettes, un chapeau. Deux Chinois se trouvaient à l’avant, en plus du chauffeur. Il regarda avidement l’homme seul à l’arrière. Ainsi, c’était celui que tant de gens recherchaient : le mystérieux Tong Lim. Déjà, il ne voyait plus que sa nuque.

Derrière la Mercedes, apparut une Ford « station-wagon » où s’étaient entassés au moins dix Chinois ! Sûrement des gardes de corps. Enfin arrivaient les autres véhicules, avec les invités.

Linda sursauta tout à coup, se penchant en avant.

— Ah You ! souffla-t-elle. Regardez, de l’autre côté du canal.

Malko regarda entre les véhicules qui passaient lentement devant lui.

Au milieu des badauds, il aperçut une silhouette monstrueuse. Le Chinois qu’il avait vu dans le restaurant de Hokkien Street était affalé dans un tri-shaw. Autour de lui, Malko remarqua quelques jeunes Chinois aux traits durs, différents de la foule paisible qui les entourait. Son estomac s’était crispé. Si Ah You était là, cela signifiait que quelque chose allait se passer. Malko réalisa soudain qu’il n’y avait pas un seul policier !

Linda fixait Ah You avec une haine à faire fondre sa graisse. Ce dernier semblait parfaitement paisible. Malko était pourtant certain qu’il était là pour tuer Tong Lim. Instinctivement, il mit son moteur en route et embraya. Avant que Linda puisse protester il avait coupé le convoi ! Une voiture stoppa avec un furieux coup de klaxon, il se précipita dans le trou, se retrouvant à quatre voitures derrière la Mercedes. Derrière lui, le convoi recolla aussitôt.

Tong Lim avait sûrement pris ses précautions. Il savait qu’on le guettait et n’était pas homme à se laisser surprendre. Malko se creusait la cervelle pour essayer de deviner ce qui allait être tenté. Les glaces de la Mercedes étaient probablement blindées. Machinalement, il tourna la tête vers le canal et eut l’impression que tout son sang se retrouvait dans ses talons. Le tri-shaw où était installé Ah You avançait parallèlement au convoi funèbre, roulant sur le bas-côté. Sans aucun mal, étant donné la lenteur à laquelle se déplaçait le convoi. L’énorme Chinois, la main droite collée contre sa bouche, observait le convoi.

— Linda ! Regardez, il a une radio, s’exclama Malko.

Instantanément, il fut certain qu’un drame était imminent. Pourtant, rien ne semblait menacer la Mercedes 600 de Lim. Le camion de tête était en train de franchir le croisement avec Stevens Road, passant devant l’hôtel Equatorial. Linda poussa soudain un cri, qui fit tourner la tête à Malko.

Un énorme camion rouge venait de surgir sur la gauche, dévalant Stevens Road, doublant une file de voitures arrêtées, se dirigeant droit sur le convoi funéraire. Comme dans un cauchemar, Malko vit la Mercedes s’engager dans l’intersection, et le capot du camion surgir. Il avait incurvé sa course et fonçait droit sur la grosse voiture noire !

Instinctivement, Malko écrasa le frein. Si vite que la voiture qui suivait le heurta. Il avait déjà sauté à terre quand le camion rouge heurta la Mercedes à la hauteur de la portière arrière, dans un hurlement de klaxons et un effroyable bruit de tôles écrasées. Le lourd pare-chocs du camion entra comme dans du beurre dans la Mercedes, arracha la portière et projeta la voiture dans le canal, à la façon d’un bulldozer. Entraîné par sa vitesse, le camion rouge ne put pas stopper, plongea à son tour, effectuant un tonneau complet et retomba sur le toit de la Mercedes. Il y eut un « plouf » sinistre, des flammes jaillirent, embrasant les deux véhicules enchevêtrés. Le temps que mit Malko pour parcourir les trente mètres fut suffisant pour que le brasier prenne avec de hautes flammes. Il aperçut le chauffeur du camion écrasé entre son volant et le toit du camion, et celui de la Mercedes qui rampait hors du véhicule, le visage en sang, suivi d’un des gardes de corps. Il distingua à l’arrière de la Mercedes une forme inerte, tassée sur un coin de la banquette. Tong Lim.