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Je volai jusqu’au téléphone.

« Hôpital Addenbrooke ?

— L’étudiant ? » déclarai-je, hors d’haleine. « L’étudiant qui est entré hier soir. L’amnésique. Il faut que je lui parle.

— Vous êtes un ami ?

— Oui. Un bon ami.

— Je vous transfère…

— Pavillon Butterworth.

— L’étudiant, répétai-je. Est-ce que je peux lui parler ? L’amnésique.

— Vous êtes un ami ?

— Oui ! faillis-je hurler. Son meilleur ami.

— Et comment vous appelez-vous, s’il vous plaît ?

— Young. Est-ce que je peux lui parler ?

— Je regrette, il a quitté l’hôpital il y a quelques heures.

— Comment ?

— Et si vous êtes vraiment son meilleur ami et que vous le voyez, pourriez-vous le convaincre de revenir ? Il a besoin de soins. Vous pouvez appeler le… »

Je n’écoutai pas le reste.

J’empoignai mes clefs et je courus vers le couloir.

C’était tellement simple. Je savais ce que je voulais.

Tellement simple. Toute la tornade furieuse de l’histoire s’effilait en une pointe unique comme un crayon infiniment aiguisé surplombant la page du présent. Une pointe tendue vers une chose si simple.

L’amour. Il n’y avait absolument rien d’autre. Toute cette rage, la fureur, la violence et le vent du tourbillon qui aspirait tant d’espoirs et disloquait tant de vies, se tendait en son centre vers le présent et vers l’amour.

Je me souvins d’une anecdote que m’avait racontée Leo, un jour. Un père et son fils prisonniers à Auschwitz, vers la fin. Ils s’étaient mis d’accord tous les deux, aussi maigres que soient les rations, de ne manger que la moitié de la nourriture qu’on leur donnait. Le reste, ils le garderaient et le cacheraient quelque part pour le moment qui approchait, ils le savaient, le moment de la marche de la mort vers l’Allemagne.

Un soir, le fils revint du travail et son père l’appela près de lui.

« Mon fils, dit-il, j’ai commis quelque chose d’affreux. La nourriture que nous conservions…

— Que lui est-il arrivé ? » demanda son fils, affolé.

« Un couple est arrivé hier. Ils avaient réussi je ne sais pas comment à dissimuler un livre de prières. Ils m’ont donné le livre de prières en échange de la nourriture. »

Et savez-vous ce que le fils a fait ? Il a serré son père contre lui et ils ont pleuré d’amour. Et cette nuit-là, qui était celle de la Pâque, tandis que le père et le fils lisaient le livre, toute la chambrée a célébré un Seder ensemble.

Je ne savais pas pourquoi cette anecdote me revenait alors que je me ruais vers le couloir. J’aurais pu me remémorer des histoires où les fils tuaient les pères pour un verre d’eau. Toutes les histoires qui comptent ne sont pas de pieuses anecdotes larmoyantes sur la bonté qui illumine les ténèbres.

C’est simplement qu’elle me rappelait cette pointe, cette simple pointe vers laquelle tend toute l’histoire, en dépit de sa violence, en dépit d’elle-même.

Le présent. L’amour. Voilà tout ce qui existait.

Dans le passé, j’avais connu de bons moments, mais cette partie était révolue. Elle était de l’histoire ancienne. Peut-être que ceci ne durerait pas, peut-être que ça ne marcherait pas. Mais c’était le futur.

Le présent. L’amour.

J’avais ouvert la porte et j’allais me ruer hors de la maison quand j’entendis le téléphone sonner.

Je restai planté là dix secondes à hésiter.

L’hôpital, sans doute. Simplement en train de me rappeler en utilisant l’affichage du correspondant. Devais-je répondre ?

Mais s’il avait trouvé mon numéro ? Ça n’avait rien de très sorcier. Ça pouvait être lui… ça pourrait être lui.

Je repartis à toute allure dans le bureau et décrochai le téléphone.

« Oui ? ahanai-je. C’est toi ?

— Ah, certainement, c’est moi, répondit Fraser-Stuart.

— Oh, allez vous faire foutre dans du chocolat ! » beuglai-je en raccrochant le téléphone de toutes mes forces, furieux.

« Dans du chocolat ? fit une voix derrière moi. Tu es vraiment bizarre, Mikey. »

Je pivotai. Il paraissait un peu pâle et fatigué. Il portait les cheveux plus longs, bien entendu, et je notai l’amorce d’une petite barbiche.

« La porte était ouverte », dit-il en matière d’excuse.

Je le regardai fixement.

« Hé bien, Mikey ? Tu ne vas pas dire quelque chose ? »

Je m’approchai de lui prudemment, de crainte qu’à tout moment il ne disparaisse, que la marée qui l’avait jeté vers moi ne revienne et le remporte.

« Alors, où ça se passe, ce Mardi-Gras ? demanda-t-il. Les librairies ? Qu’est-ce qu’on attend ? File-moi de l’ecstasy et sortons pour aller danser. »

Remerciements

Les véritables historiens sauront que Hans Mend, Ernst Schmidt, Ignaz Westenkirchner, Hugo Gutmann etc… ont tous combattu sur le front ouest durant la Grande Guerre. Seul Rudolf Gloder est une invention. Le colonel Baligand et le reste ont existé. Les détails de la vie et de la carrière du docteur SS Bauer suivent de près ceux de son mentor, le très réel docteur Johannes Paul Kremer, qui a vraiment été capturé par les Britanniques et a bel et bien tenu un journal de ses trois mois à Auschwitz dont on peut lire d’atroces extraits dans ce testament étonnant et terrifiant à la vision d’Hannah Arendt sur « la banalité du mal » : Pour eux « c’était le bon temps » – La vie ordinaire des bourreaux nazis{Par Ernst Klee, Willy Dresser & Volker Riess, Éditions Plon, 2003. (N.d.T.).}.

L’introduction de Gloder au Deutsche Arbeiterpartei correspond exactement à la visite cruciale d’Adolf Hitler le 12 septembre 1919 à la brasserie Sternecker de Munich, où il a entendu les mêmes orateurs qu’entend Gloder dans le roman et s’est levé, au même moment, pour s’adresser à la petite assemblée qui allait devenir le noyau du parti Nazi.

Une bibliographie n’aurait pas sa place ici, mais je recommande à tout le monde l’ouvrage définitif du professeur Allan Bullock, Hitler ou les mécanismes de la tyrannie, l’excellent Les Bourreaux volontaires de Hitler de Daniel Goldhagen, ainsi que Pour eux « c’était le bon temps », cité plus haut.

Si j’ai commis des erreurs géographiques ou techniques en décrivant Princeton, un endroit où j’ai eu le plaisir de passer trois mois il y a deux ans, alors j’ai l’excuse quelque peu fourbe que le Princeton décrit dans Le Faiseur d’histoire est situé dans une réalité parallèle.

Ma gratitude va comme toujours à mon amie et éditrice, Sue Freestone chez Hutchinson, à Anthony Goff, à Lorraine Hamilton et, comme toujours, à deux Jo et un collègue.

SJF

Postface

Stephen Fry

Le baiser de l’Ancien et du Moderne

Axel Orgeret Dechaume

« Thou shalt not question Stephen Fry. »

Dan le Sac vs Scroobius Pip
Thou Shalt Always Kill

Stephen Fry est grand.

Invité en octobre 2008 sur Never Mind The Buzzcocks, pop quizz comique diffusé par la BBC, il s’est vu poser la question ultime par l’animateur, Simon Amstell : « Stephen, puisque vous êtes là, Dieu existe-t-il ? » (« Stephen, while you’re here, does God exist ? »). Question à laquelle il répondit, avec sa nonchalance habituelle : « Non, très cher, non » (« No, darling, no. »).