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— Les démocrates ont perdu les élections. Ton Holden n’est plus rien, n’a même plus la présidence d’une seule commission. Il a été balayé comme Church qui enquêtait sur la C.I.A., même Kennedy n’aura plus la commission de la Justice.

Le lendemain elle effectuait diverses opérations avec un sang-froid qui la surprenait elle-même, obtenait les codes spéciaux pour consulter les renseignements les plus difficiles d’accès.

Tout en faisant son travail du jour elle s’arrangea pour effectuer son analyse la plus complète, puis en dégagea l’algorithme dont elle traça au mieux l’ordinogramme. À partir de cet instant elle basculait dans l’illégalité, devenait fautive car la machine commençait son travail de recherches en plusieurs étapes, drainait tout ce dont elle avait besoin pour nourrir la demande qui lui était faite, dans toutes les mémoires européennes et mondiales.

Il n’était certes pas rare qu’un tel travail s’effectue au central mais c’était la première fois qu’elle en dirigeait un personnellement. Normalement elle aurait dû faire appel à plusieurs personnes. Et ce travail s’effectuait à l’insu de tous, du moins tant qu’elle restait seule titulaire pour la journée de son pupitre.

Mais tout se passa bien et bientôt elle obtint un nom ; c’est-à-dire que ce fut celui qui revint le plus souvent : Cremodina. N’ayant pas le temps de chercher par d’autres moyens la signification de ce sigle, elle le remit dans l’ordinateur et faillit être surprise par un de ses collègues qui, n’y voyant pas malice, lui donna la traduction :

— Credito Mobile di Napoli… Il y a une succursale à Rome. Tu veux demander un crédit pour un voyage pendant les vacances ?

— Pourquoi ? Ils en fournissent ?

— Tu payes six mois avant, six mois après, enfin un truc comme ça…

Sans prendre cette intervention comme un signe, pourtant elle était superstitieuse, elle introduisit ce sigle dans l’appareil et obtint tous les renseignements qu’elle désirait mais ils étaient si nombreux qu’elle dut opérer un tri, et cela à l’instant où il y avait le plus de monde dans la salle. Cette petite banque d’origine familiale, la Cremodina, soutenait des tas de petites affaires, des agences de voyages évidemment. Elle les nota sur un carnet, comptant sur Paulo di Maglio pour lui fournir une liste préférentielle selon les renseignements qu’il possédait lui-même.

C’est ainsi qu’il lui indiqua cinq sociétés, deux agences de voyages, une petite entreprise de transports, une société de courtage de valeurs mobilières, une société de travail temporaire qui essayait de s’implanter dans l’Europe du Sud.

— La Cremodina garantit ces gens-là mais ça ne veut pas dire que l’argent du terrorisme aille à toutes. Il te faudra maintenant faire une série d’opérations délicates pour savoir à qui cette petite banque de Naples fournit le plus.

Cela lui demanda deux jours de manipulations, de ruses, de tension et d’émotion. À plusieurs reprises elle faillit donner l’éveil, réussit à donner le change. Elle prétextait une erreur, trouvait toujours le moyen de se sortir d’embarras. Tant que c’était avec ses collègues tout allait bien, mais il suffisait d’un chef de service tatillon pour tout compromettre.

Et puis au bout de ces deux jours l’ordinateur fournit un autre nom, celui de Vacanza Europeo Club.

— Je m’en doutais, dit Paulo, mais je ne voulais pas t’influencer. On a eu de très mauvais renseignements sur cette agence-là, un tour-opérateur suspect, très suspect. Il n’y a qu’à voir leurs prospectus. Les pays qu’ils proposent sont tous dirigés de façon dictatoriale… Il nous reste à découvrir de quelle façon le V.E.C. utilise l’argent.

— Et aussi de quelle somme il dispose chaque année, dit Macha. Ce sera notre dernière opération à la société de transports.

29

Edwige revint furieuse, ayant dû accepter une invitation à déjeuner du signor Pavesi. Elle s’était empiffrée de pâtes, elle qui essayait de suivre un régime, se sentait avec deux kilos de plus au moins, avait dû supporter les attouchements plus qu’audacieux de son compagnon.

De plus Holden était maussade d’avoir été abandonné si longtemps. Margot, expliqua-t-il toujours arbitraire, avait fait de l’excellent travail, elle, et un travail rapide :

— Nous avons le nom des banques qui déposent des sommes importantes dans les coffres de la Cremodina. Il paraît que les gens aiment bien investir dans les loisirs et que cette petite banque de rien du tout est appelée à un gros essor. Mon œil, oui !… L’argent arrive en Italie et sert à tout autre chose… Nous n’allons pas tarder à le savoir.

— Le monastère de Dioni a été vendu un million de lires à Vacanza Europeo Club… Autant dire rien. C’est un ministre mort depuis qui a intrigué pour que l’ensemble immobilier soit cédé à la province, sa province et ensuite il a lui-même donné son appui pour que cette vente se réalise…

— Nous saurons qui se cache derrière le V.E.C., grogna Holden. En attendant pas de nouvelles de Kovask ni de la Mamma. Ils se foutent de nous, vraiment. Vous avez bien déjeuné ? Vous empestez le chianti.

— Je vais me laver les dents, balbutia Edwige.

Mais l’autre information arriva dans l’heure suivante. Cremodina avait des sortes de succursales, sous d’autres noms, en Amérique du Sud. Or depuis pas mal de temps on soupçonnait ces petites banques locales du Chili, d’Argentine et du Brésil d’être mêlées à des trafics d’armes.

— Hé, c’est intéressant.

Du coup Holden se laissa entraîner dans les plus folles hypothèses.

— Les clients qui vont dans ces pays-là rapportent tous une arme ou deux, un pain de plastic, un détonateur… Pourquoi pas, hein ? S’ils ont une ristourne sur les voyages ? Après tout c’est dans l’ordre des choses possibles. Si nous avions une liste des derniers clients nous pourrions en faire parler quelques-uns.

— La police italienne le ferait.

— Je ne crois pas qu’on puisse lui accorder toute notre confiance. D’accord, pour le terrorisme de gauche elle est assez efficace… Aidée en cela par la France et l’Allemagne qui elles ne visent également que cette subversion-là, mais négligent totalement le terrorisme noir. Regardez en Italie, Bologne, Munich en Allemagne, la rue Copernic en France… Rien que pour la France on compte des dizaines d’attentats de droite, des morts… Mais ils sont paralysés… Certains terroristes ont fait partie de leurs amis dans le temps, lorsqu’il fallait coller des affiches, intimider les opposants et faire de la sale besogne… Non, je ne me fierai jamais à aucune police européenne lorsqu’il s’agira de réprimer ce banditisme noir… Il faut que l’affaire devienne politique… C’est la seule façon de garder un droit de regard.

— Vous pensez à Bogaldi ? Vous allez le mettre au courant ?

— Je crois que le moment est arrivé. C’est un véritable antifasciste mais un homme modéré. Il lui faudra des preuves et nous commençons de les avoir. D’ailleurs il doit mourir de curiosité et d’inquiétude sur nos activités.

Il l’appela à son domicile, mais apprit qu’il se trouvait au-dehors. Dès qu’il rentrerait il ne manquerait pas de téléphoner à son ami américain.

Il fit mieux d’ailleurs, il vint directement à l’hôtel.

— J’ai eu un pressentiment. Depuis que vous m’avez parlé de ce Vacanza Europeo Club je me suis livré à une petite enquête et vraiment je suis impressionné. Il y a autre chose ; Pavesi, qui a accompagné votre secrétaire, m’a fait part de vos découvertes sur l’achat de ce monastère. Il y a eu combine et vraiment c’est très grave. On estime ce monastère, transformé en palais par les fascistes, à plusieurs milliards de lires. Déjà c’est un scandale à ce niveau-là. Mais le V.E.C. a parmi ses actionnaires quelques anciens survivants du régime de Mussolini, du moins on retrouve les mêmes noms qu’autrefois… Les enfants, les neveux ont pris la suite des vieux à la chemise noire… C’est très préoccupant.