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Nous disons:

– Elles n'ont pas encore besoin d'extrême-onction. Elles ont besoin d'un peu d'argent. Nous leur avons apporté du bois, quelques pommes de terre et des haricots secs, mais nous ne pouvons pas faire plus. Bec-de-Lièvre nous a envoyés ici. Vous lui donniez parfois un peu d'argent.

Le curé dit:

– C'est possible. Je donne de l'argent à beaucoup de pauvres. Je ne peux pas me souvenir de tous. Tenez!

Il fouille dans ses poches sous sa cape et il nous donne un peu de monnaie. Nous la prenons et disons:

– C'est peu. C'est trop peu. Cela ne suffit même pas à acheter une miche de pain.

Il dit:

– Je regrette. Il y a beaucoup de pauvres. Et les fidèles ne font presque plus d'offrandes. Tout le monde est en difficulté en ce moment. Allez-vous-en, et que Dieu vous bénisse!

Nous disons:

– Nous pouvons nous contenter de cette somme pour aujourd'hui, mais nous serons obligés de revenir demain.

– Comment? Qu'est-ce que cela veut dire? Demain? Je ne vous laisserai pas entrer. Sortez d'ici. Immédiatement.

– Demain, nous sonnerons jusqu'à ce que vous nous laissiez entrer. Nous frapperons aux fenêtres, nous donnerons des coups de pied dans votre porte et nous raconterons à tout le monde ce que vous faisiez à Bec-de-Lièvre.

– Je n'ai jamais rien fait à Bec-de-Lièvre. Je ne sais même pas qui c'est. Elle vous a raconté des choses qu'elle a inventées. Les racontars d'une gamine débile ne seront pas pris au sérieux. Personne ne vous croira, Tout ce qu'elle raconte est faux!

Nous disons:

– Peu importe que ce soit vrai ou faux, L'essentiel, c'est la calomnie, Les gens aiment le scandale.

Le curé s'assied sur une chaise, s'éponge le visage avec un mouchoir.

– C'est monstrueux. Savez-vous seulement ce que vous êtes en train de faire?

– Oui, monsieur. Du chantage.

– A votre âge… C'est déplorable.

– Oui, il est déplorable que nous soyons obligés d'en arriver là. Mais Bec-de-Lièvre et sa mère ont absolument besoin d' argent.

Le curé se lève, enlève sa cape et dit:

– C'est une épreuve que Dieu m'envoie. Combien voulez-vous? Je ne suis pas riche.

– Dix fois la somme que vous nous avez donnée. Une fois par semaine. Nous ne vous demandons pas l'impossible.

Il prend de l'argent dans sa poche, nous le donne:

– Venez chaque samedi. Mais n'imaginez surtout pas que je fais cela pour céder à votre chantage. Je le fais par charité.

Nous disons:

– C'est exactement ce que nous attendions de vous, monsieur le curé.

Accusations

Un après-midi, l'ordonnance entre dans la cuisine.

Nous ne l'avons pas vu depuis longtemps, Il dit:

– Vous venir aider décharger Jeep?

Nous mettons nos bottes, nous le suivons jusqu'à la Jeep arrêtée sur la route devant la porte du jardin. L'ordonnance nous passe des caisses et des cartons que nous portons dans la chambre de l'officier.

Nous demandons:

– M. l'officier viendra ce soir? Nous ne l'avons encore jamais vu.

L'ordonnance dit:

– Officier pas venir hiver ici. Peut-être pas venir jamais. Lui avoir chagrin d'amour. Peut-être trouver quelqu'un d'autre plus tard. Oublier. C'est pas pour vous histoires comme ça. Vous apporter bois pour chauffer chambre.

Nous apportons du bois, nous faisons du feu dans le petit poêle en métal. L'ordonnance ouvre les caisses et les cartons et pose sur la table des bouteilles de vin, d'eau-de-vie, de bière, ainsi qu'un tas de choses à manger: des saucissons, des conserves de viande et de légumes, du riz, des biscuits, du chocolat, du sucre, du café.