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Elle eut envie de le pousser un peu, d’en apprendre davantage :

« Formidable ! Tu n’as qu’à en parler à Irène dès que tu rentreras chez toi !

— Chiche ?

— Chiche ! Qu’est-ce qu’elle va être contente !

— Que je t’épouse, sûrement pas, elle est jalouse de toi. De toute façon, nous avons décidé de divorcer.

— Réellement ?

— Téléphone-lui si tu veux.

— Mais pourquoi ?

— Pourquoi t’es-tu séparée de Socrate ? Et pourquoi vas-tu divorcer de Mortimer ?

— Oui, c’est vrai…

— Alors ? »

Un type entra dans le salon, en tenue de commandant de bord :

« Excusez-moi, madame… Monsieur, votre avion est prêt. La voiture vous attend pour vous conduire en bout de piste.

— Très bien. Je vous rejoins. »

Il regarda Lena intensément et répéta :

« Alors ?

— Alors quoi ?

— Je te fais conduire sur le Vagrant ?

— D’accord. »

Il poussa un immense soupir de soulagement.

« Et tu m’épouses ? »

Elle éclata de rire :

« Bien sûr que je t’épouse !

— Non, Lena, je suis très sérieux ! Je te préviens que j’en parle dès ce soir à ta sœur !

— Elle va m’arracher le chignon !

— Je voudrais bien voir ça ! Après tout, elle peut toujours se remarier avec Socrate ! »

Il sentit qu’il était allé un peu trop loin, qu’elle se rembrunissait. Il fit marche arrière.

« Viens, ton avion est avancé ! »

Elle ramassa les roses. Il lui prit le bras et l’entraîna dans la voiture. Ils firent le trajet jusqu’à l’appareil sans un mot. Lorsqu’elle fut sur le point d’y monter, il lui dit :

« Si tu t’ennuies ou quoi que ce soit, dis simplement à mon commandant de m’appeler. Je serai là trois heures plus tard. D’accord ?

— D’accord.

— Fais un bon voyage ! »

Il pencha sur elle sa gigantesque carcasse et la serra dans ses bras pour une étreinte ambiguë, mi-copain, mi-amoureux. L’espace d’une seconde, il sentit qu’elle s’abandonnait contre son épaule. En l’embrassant sur la joue, ses lèvres glissèrent et il effleura le coin de sa bouche. Électrisé… La gorge sèche, il dut s’y reprendre à deux fois pour prononcer correctement :

« Je te préviens que tout ce que je t’ai dit est vrai. Je vais parler à Irène. »

Elle eut un geste souple qui était peut-être un haussement d’épaules gentil.

« Merci, Herman. Merci pour tout. Je suis heureuse de t’avoir rencontré. »

Elle tourna les talons et grimpa légèrement dans l’appareil dont le stewart referma la porte sur elle.

« Du nouveau ! »

Bert était à peine annoncé qu’il bondissait déjà dans le bureau de William.

« Ça bouge !… Ça bouge !… Le type, Slim Scobb, que l’équipe de Baltimore a contacté, il a quitté hier soir son domicile ! Et vous savez où il vient de débarquer ? À La Nouvelle-Orléans !

— Et alors ?

— Voyons, monsieur… C’est là que Scott Baltimore fait le dernier discours de sa tournée !

— Je sais, je sais !… », le coupa William d’un air irrité.

Il détestait que l’on fasse irruption dans son bureau avec autant de brutalité et avait pour règle, même en cas d’incendie, de faire attendre, ce qui mettait en condition ses visiteurs.

« Il s’est inscrit ce matin sous un faux nom dans une pension de famille de l’avenue Saint-Charles… (il consulta un papier où étaient griffonnées des notes)… Au numéro 3811… Ça s’appelle The Columns… L’endroit discret… Vieillards distingués, dames âgées et bien propres, militaires à la retraite.

— Oui ?…

— J’ai deux hommes qui ne le lâchent pas d’une semelle. La ville est déjà en effervescence… Cet après-midi, Scott Baltimore sera accueilli par le maire, au Royal Orléans… Ils avaient prévu le Howard Johnson, mais ils ont changé d’avis… C’est un palace au cœur du Vieux Carré, sur la place…

— Écoutez, Bert, si vous êtes venu me parler de tourisme, sachez que je possède une chaîne d’agences de voyages !

— Attendez !… À peine arrivé, Slim Scobb a fait semblant de flâner… En face du Royal Orléans, il y a un immeuble de bureaux… Il y est entré par une porte de derrière… Il est monté au quatrième étage… Il avait un paquet à la main… En sortant de la pièce dont il avait la clef, il n’avait plus de paquet. »

William brûlait de savoir ce qu’il y avait dans le paquet. Il fit l’effort de se contenir. Mais l’autre ne parlait plus, attendant que son employeur le relance. Dix secondes, peut-être. William explosa :

« Alors quoi ?… Vous allez me dire ce qu’il y avait dans ce foutu paquet ?

— Une carabine de fabrication tchèque. Démontée. Le numéro est limé.

— Comment le savez-vous ?

— En arrivant à l’hôtel, il a déposé son sac dans la chambre. Il est ressorti pour prendre un café. Pendant qu’un de mes hommes lui collait au train, l’autre a fouillé ses bagages. Il a trouvé le flingue. Ce n’est pas tout ! Le bureau où il a camouflé la carabine a été loué pour six mois par l’intermédiaire d’une agence new-yorkaise, il y a trois jours. Et comme par hasard, de la fenêtre, on a une vue merveilleuse sur la place où s’arrêtera nécessairement la voiture de Scott Baltimore ! Un vrai stand ! Comme à la parade ! Qu’est-ce que vous pensez de ça ? »

Glacial, William laissa tomber du bout des lèvres :

« Rien.

— Mais…

— Elle est absurde votre histoire !… D’un côté, vous me dites que c’est Trendy qui a contacté ce Scobb. Or, Trendy est l’homme de confiance de Scott Baltimore… Il était déjà celui de son père à la belle époque. Ensuite, vous m’annoncez que votre type, là, Slim Scobb, camoufle un fusil. Qu’est-ce que vous essayez de me prouver ? Qu’il veut descendre Baltimore ? Et sur l’ordre de qui ? Du propre lieutenant de Baltimore ?… Vous trouvez que ça tient debout ? C’est comme si vous me disiez que Baltimore paie de ses deniers un tueur pour lui tirer dessus ! »

William mordit dans un cigare pour le décapiter. Dans sa rage, il en arracha la moitié. On était à trois jours des élections et rien n’avait pu être fait pour endiguer les chances de Baltimore. Mais William avait une dernière carte en réserve : aux grands maux les grands remèdes. Si on ne pouvait pas éliminer le petit arriviste en douceur, il y aurait de la casse ! Allez donc savoir combien de victimes peuvent périr dans l’accident d’un avion privé ? Tout, plutôt que le laisser s’emparer du pouvoir ! Bert rompit le silence :

« Monsieur, il est vrai que je n’ai pas encore compris la coupure. Ce qui est certain, c’est que quelque chose se trame. Quoi, je n’en sais rien. Mais c’est pour après-midi, quatre heures ! Croyez-vous que tout ce que je vous ai raconté soit le résultat d’une série de hasards ?

— Enfin ! Il ne va tout de même pas descendre Baltimore !

— Je ne sais pas… Bon Dieu ! Qu’est-ce qu’ils mijotent ?…

— Votre Slim est peut-être là pour le protéger ?

— Impensable ! Baltimore a sa propre police. Quatre gorilles armés ne le lâchent pas d’un pouce quand il se déplace. J’ai vérifié… Dites-moi, monsieur… Où en est la cote des candidats ?

— Celle de Baltimore baisse en flèche depuis quarante-huit heures. Ça ne veut rien dire.