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« Vous serez toutes riches ! »

El-Sadek avait prononcé cette phrase comme un exorcisme, pour sortir de l’espèce de stupeur qui le rivait au spectacle.

« Allongez-vous près de nous… demanda Marie-Laurence.

— Non… pas tout de suite…

— Si, venez ! », implora Cathia en faisant basculer l’émir au milieu d’elles.

Il fut obligé de se laisser aller en arrière, ne pouvant utiliser ses mains accrochées toutes deux, en un réflexe soudain, sur sa bourse maintenue fermement contre son plexus. En un instant, elles furent sur lui et il sentit des mains anonymes le palper, courir sur l’étoffe rêche de son pantalon, d’autres s’égarer sous sa chemise dont les boutons sautaient, sans qu’il sût comment. Il allait succomber et ne plus bouger lorsqu’un sursaut le fit se redresser sur ses jambes : elles eurent l’air peiné.

« Pourquoi ? », reprocha Brigitte…

Il se secoua, désireux d’échapper au vertige :

« Pas comme ça… Pas tout de suite… Attendez… »

Il promena sur elles un regard cruel et sournois, levant haut le petit sachet de cuir :

« Vous serez toutes riches… Mais il faut faire ce que je vous dis…

— Tout ce que vous voudrez…, dit Brigitte.

— Vraiment ?

— Laissez-nous faire ! supplia Annette.

— Non. C’est moi qui vais vous faire. Tout ce qui est dans cette bourse est pour vous… »

Il la vida dans le creux de sa main et compta les pierres :

« Le partage sera équitable. Il en reste vingt-cinq, soit quatre pour chacune.

— Et la vingt-cinquième ? demandèrent simultanément deux des mathématiciennes en chambre.

— Comme pour les autres : il faudra la mériter.

— Comment ? »

L’émir hésita : iraient-elles jusque là ? L’appât de son cadeau fabuleux serait-il assez fort ? Il enchaîna, d’une voix qui cherchait ses mots :

« Vous êtes blondes toutes les six… Il m’est difficile de vous identifier, malgré vos noms… Il faudrait que vous ayez un signe distinctif me permettant de vous reconnaître… »

Malgré leur avidité, elles se regardèrent, un peu inquiètes : qu’est-ce qu’il avait dans la tête ?

« Précisez, dit Ghislaine.

— Voilà… », se lança l’émir.

Tout en parlant, il sortit de sa poche un rasoir, dont le manche en or était incrusté de rubis :

« N’ayez pas peur… Je voudrais faire à chacune une légère entaille à un endroit différent…

— Vous êtes fou, non ? cria Marie-Laurence. Si vous voulez nous reconnaître, il y a d’autres moyens ! Je ne veux pas être défigurée, moi ! Vous n’avez qu’à nous faire une marque avec un crayon !

— Qui vous parle de votre visage ? Il s’agit seulement d’une minuscule incision, juste pour faire venir une goutte de sang… »

Joëlle se redressa, le charme était rompu :

« Moi, je m’en vais !

— Attends ! dit Ghislaine, laisse-le s’expliquer. (Se tournant vers l’émir :) Quel genre d’entaille ?

— Je vais vous montrer… »

El-Sadek retroussa la manche de sa chemise :

« Regardez. »

Aucune n’eut l’impression que le fil du rasoir avait été en contact avec sa peau. Pendant une seconde, il ne se passa rien, puis, le sang goutta.

« Vous voyez, c’est tout. Vraiment peu de chose…

— Moi, je ne peux pas tolérer la vue d’un rasoir ! s’écria Cathia. Je ne pourrais pas supporter que vous m’approchiez avec ça dans la main.

— Alors, qui commence ? Qui veut la première pierre ? Vous hésitez ? Pour une si petite incision ? ».

Machinalement, les regards se portaient sur le sexe de l’émir, pointé à angle droit par rapport à la verticale de son corps. De là, ils revenaient vers le rasoir.

« Et si ça me laisse une cicatrice ? demanda Annette.

— En aucun cas. Demain, il n’y aura plus aucune trace. Pour une pierre ?

— Exactement.

— Bon, allez-y… Et attention ! Si vous me faites mal, je crie et je m’en vais. Où voulez-vous ?

— Quel est votre nom ?

— Annette.

— Sur la fesse gauche.

— Il y a un rapport ? demanda Joëlle avec aigreur.

— Une seconde ! ajouta Ghislaine. Vous avez dit qu’il y aurait quatre pierres pour chacune de nous. Une pour l’entaille, soit. Et pour les autres ?

— Rien qui ne soit tout à fait naturel.

— Vous voulez qu’on vous fouette ? interrogea Brigitte avec candeur.

— Non. L’amour, rien que l’amour.

— Toutes les six ?

— Évidemment.

— Vous êtes quand même un curieux personnage, reprit Marie-Laurence. Au lieu de nous faire les lignes de la main, vous nous faites les lignes du cul… parce que… tout de même… il faut bien appeler les choses par leur nom !… Vous voulez m’entailler au rasoir pour ne pas avoir à me dire Marie-Laurence, comme n’importe qui… vous… »

L’émir la coupa avec colère :

« Je ne suis pas n’importe qui !

— On s’en doutait, plaida Brigitte… Un homme qui croit pouvoir faire l’amour à six femmes…

— Il ne s’agit pas que de moi.

— Hein ?

— Pour obtenir la deuxième pierre, vous devrez d’abord coucher avec mes deux gardes du corps. Vous verrez… vous ne serez pas déçues… je doute que vous arriviez à les rassasier… Ne bougez plus, ma mignonne petite fille… »

Annette, pas rassurée du tout, se révolta mollement :

« Vous me jurez que ce n’est pas douloureux ?… Au lieu de ce truc barbare, tout juste bon à marquer le bétail, pourquoi ne pas nous attribuer des numéros ?

— Ma chère enfant, j’ai la mémoire du bétail, beaucoup plus que celle des noms ou des chiffres… Voulez-vous ne plus remuer je vous prie… »

Annette s’immobilisa complètement, le visage convulsé par la peur. La lame s’approcha de ses reins… Elle eut la sensation de l’acier froid sur sa peau, qui l’effleurait et la caressait sans que le tranchant l’entame. À tout hasard, elle poussa un petit cri, pour la forme…

« Aïe !

— Voilà, c’est tout… Maintenant, je n’oublierai plus que vous vous appelez Annette. Tenez… Pour vous consoler de cette affreuse blessure… »

Il saisit une pierre entre son pouce et son index, la fit miroiter et la jeta sur le tapis où elle roula, pour aller se perdre sous un fauteuil.

« Allez la chercher maintenant… Non, pas comme cela… À quatre pattes… »

Annette s’agenouilla et fit ce qu’on lui demandait. Maladroitement, elle se dirigea vers le fauteuil. Pourtant, elle avait déjà marché à quatre pattes, enfant d’abord pour des jeux stupides et gratuits, adulte ensuite, afin de satisfaire l’une des mille manies des piqués que sa profession lui donnait l’occasion de rencontrer. Ses copines la suivaient des yeux, le regard rivé sur la tache rouge dont la surface augmentait au plus léger de ses mouvements. Pourtant, le rasoir ne semblait même pas l’avoir touchée et, apparemment, l’incision avait été indolore. Les unes et les autres eurent un petit pincement au cœur en songeant qu’à leur tour elles allaient avoir à la subir. L’émir dut deviner leur pensée :