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Malberg haussa les épaules.

- On dirait une sorte de croix runique.

Il réfléchit un court instant avant d'empocher l'objet.

Il se dirigea ensuite vers un coffre-fort aménagé dans le mur, à hauteur des yeux. La porte, qui mesurait environ trente centimètres sur cinquante et était munie d'une serrure à combinaison, était entrebâillée. Lorsqu'il l'ouvrit, des relents âcres de produit d'entretien s'en échappèrent. Comme il fallait s'y attendre, le coffre-fort était vide.

- Ces gens n'ont rien laissé au hasard, murmura Malberg. Ce sont des professionnels à qui rien, absolument rien n'a échappé.

Caterina se contenta de hocher la tête tout en promenant son regard sur les livres.

- Et cela ne fait que renforcer le caractère mystérieux de toute cette histoire.

Les livres, entre mille et douze cents volumes, n'étaient pas assez anciens pour éveiller l'intérêt de Malberg. Il s'agissait en majeure partie d'ouvrages scientifiques sur des sujets divers, de livres d'art et de guides de voyage. Il n'y avait quasiment pas de romans.

Le regard de Malberg s'arrêta sur un petit livre relié de maroquin rouge. Il le reconnut immédiatement. C'était un livre qu'il avait offert à Marlène lors de la dernière réunion des anciens de l'école : un roman d'aventures dont l'intrigue se déroulait dans le milieu scolaire, qui était intitulé Vin chaud.

C'était le livre préféré de Malberg.

Il le prit et l'ouvrit à la première page où il relut ce qu'il y avait écrit lui-même en guise de dédicace :

En souvenir de nos années passées

ensemble à l'école et de notre première

réunion d'anciens élèves - Lukas.

Il caressa les pages doucement, presque tendrement, puis se figea soudain. Entre les pages 160 et 161, il venait de découvrir la facture d'un billet d'avion de la Lufthansa. Malberg posa le livre pour mieux étudier le bout de papier.

- De quoi s'agit-il ? demanda Caterina qui observait Malberg.

- C'est une facture concernant un vol pour Francfort, au nom de Marlène Ammer.

Malberg marqua un temps, puis s'écria d'une voix étouffée :

- Mais la date ! La date !

Caterina s'empara à son tour du papier et leva vers Malberg des yeux interrogateurs.

- Le 26 août ?

- Marlène a été assassinée le lendemain du jour où elle devait se rendre à Francfort. Nous nous étions mis d'accord sur les dates, nous devions passer quelques jours ensemble à Rome ! Elle ne m'avait rien dit de ses projets de voyage.

- Je ne comprends pas, dit Caterina en plaçant la facture sous la lampe pour mieux la voir. Elle a peut-être changé la date de son départ.

- Oui, c'est le plus probable, dit Malberg avec une pointe de résignation dans la voix.

Il promena des yeux hagards dans la pièce. Marlène avait-elle cherché à fuir quelque chose ? Que voulait-elle faire à Francfort ? Qui pouvait avoir voulu l'empêcher de partir ? Malberg constatait, non sans amertume, que cette femme qui avait subitement pris tant de place dans sa vie était en réalité une parfaite inconnue.

Cette facture dans le livre était la seule pièce à conviction qui avait échappé à la police, à ceux qui poursuivaient Marlène ou à tous ceux qui se cachaient encore derrière cette mise en scène. Avait-elle dissimulé à dessein ce papier dans le livre qu'il lui avait offert ? Avait-elle voulu lui laisser un message ? Il avait eu une chance sur mille de le découvrir. Et si elle avait voulu lui fournir une information, pourquoi n'avait-elle pas choisi de lui laisser un indice plus évident ? Que signifiait cette comédie ?

Malberg réfléchissait. Mais plus il remâchait l'ensemble des données, et plus il était convaincu que la présence de la facture dans ce livre ne pouvait qu'être due au hasard. Marlène pouvait avoir été en train de le lire à l'instant où les tueurs avaient sonné à sa porte.

Et comme elle préférait que personne ne soit au courant de ses projets de voyage, elle l'avait dissimulé dans le livre qu'elle avait reposé sur l'étagère. Il secoua la tête.

Caterina rendit le papier à Malberg, dont la perplexité l'interpellait. De par son métier, elle excellait dans l'art d'interpréter les faits. Malheureusement, dans ce cas précis, elle ne voyait absolument pas comment analyser la situation.

Et puis, elle se sentait mal à l'aise dans cet appartement étranger, qui fleurait l'ombre et le mystère.

- Paolo, tu es encore là ? chuchota-t-elle.

- Oui, pas de souci, lui répondit-il tout bas depuis la mezzanine. Mais je ne serais pas fâché de voir cette soirée se terminer bientôt. Il est presque quatre heures du matin. La pile de la lampe donne des signes de faiblesse. Quant à moi, je dors debout. Ce genre de divertissement n'est plus de mon âge !

Malberg ne releva pas la plaisanterie de Paolo.

- Il a raison, restons-en là.

Il prit le livre, dans lequel il remit la facture.

- Nous ferions mieux de quitter les lieux.

Caterina acquiesça, soulagée de quitter l'appartement de cette étrange femme.

- Surtout, n'éteins pas la lumière ! murmura-t-elle en tournant les talons.

23

Six hommes vêtus de noir siégeaient sous le portrait de saint Borromée, élevé au rang de cardinal secrétaire d'État par son oncle, le pape Pie IV, au seizième siècle. Ce tableau monumental qui décorait le bureau du préfet de la Congrégation de la Foi constituait le seul ornement de cette pièce au demeurant très dépouillée. Elle n'avait pour tout ameublement qu'un gigantesque bureau tout au fond et, au milieu, deux tables de réfectoire formant une sorte de T, flanquées de rangées de chaises inconfortables qui offraient toutes une vue directe sur le crucifix suspendu au mur.

Dans un premier temps, la rencontre se déroula dans le silence. Dès que quelqu'un entrait, les autres le gratifiaient d'un simple hochement de tête.

C'était l'usage dans ce genre de réunion. Le cardinal Bruno Moro, directeur du Saint-Office, avait la réputation de ne pas apprécier les paroles inutiles. En revanche, le moment choisi pour la rencontre était inhabituel. Les aiguilles bleutées de sa Rolex - un cadeau que son ancien évêque lui avait fait pour ses soixante-dix ans - indiquaient 23 h. À cette heure-là, habituellement, la paix du Seigneur régnait sur la cité du Vatican.

Tandis que Moro, assis derrière son bureau, était encore plongé dans ses dossiers, les arrivants s'installaient l'un après l'autre à la table du milieu, posaient l'un après l'autre la main droite sur la main gauche et regardaient dans le vide, comme s'ils attendaient la proclamation du Jugement dernier. Monsignor Giobanni Sacchi, le secrétaire privé du dernier pape, était assis face aux grandes fenêtres : les cheveux coupés en brosse, les lunettes bon marché cerclées de métal, son visage était déjà empreint d'effroi à la pensée de la nuit qu'il était sur le point de passer sur un mince lit de fagots. Le bruit courait en effet que Sacchi s'infligeait ce genre de mortifications, à l'instar de saint Dominique. Sacchi occupait le poste élevé de préfet des archives secrètes de sa Sainteté. Il dirigeait donc le service des archives du Vatican.

En vertu du pouvoir qui lui était conféré, il veillait sur des documents dont un simple chrétien n'aurait jamais été en droit d'avoir connaissance. Ils concernaient les couvents secrets où l'on élevait les enfants naturels de prêtres et d'évêques, ou certains saints qui, de leur vivant, avaient été bien moins saints que ce que voulaient bien laisser penser leurs pieuses effigies accrochées dans les églises ; ou encore les graves manquements de certains papes peu recommandables, les annulations de mariages de personnalités haut placées et leurs justifications peu crédibles.