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Malberg considéra d'un œil satisfait les liasses de billets de cinq cents euros. Il examina de plus près l'un des billets et estima qu'il était authentique.

- Consignez dans les comptes : dix mille euros à usage personnel, et déposez le reste à la banque. Ah, autre chose !

Malberg sortit de sa poche le livre qu'il avait pris dans l'appartement de Marlène, dont il retira le chèque de banque qu'il portait sur lui depuis des jours.

- Veuillez aller restituer ce chèque et demandez un reçu. Mais soyez vigilante ! Vous savez que n'importe qui peut l'encaisser ; si vous le perdiez, ce serait une catastrophe !

Mademoiselle Kleinlein hocha la tête, visiblement vexée. Fallait-il vraiment que Malberg lui explique ce qu'était un chèque de banque ?

- Et que va-t-il se passer ? Je veux dire, que faisons-nous maintenant ? Avez-vous l'intention d'aller à la police ? demanda prudemment l'employée.

- Absolument pas ! grogna Malberg. Avant que quelqu'un se soit rendu compte que j'étais là, j'aurai déjà disparu. Il faut que je retourne à Rome, car il n'y a que là-bas que j'arriverai à savoir ce qui s'est vraiment passé. Vous vous en tirerez très bien, toute seule, pendant quelques semaines. Vous me tiendrez au courant par téléphone, mais pas d'ici, ni sur mon téléphone mobile. Toutes les lignes doivent déjà être sur écoute. Y a-t-il quelqu'un en qui vous ayez confiance, chez qui je pourrais, le cas échéant, laisser un message ?

- Ma sœur Margot, répondit mademoiselle Kleinlein.

Elle nota son numéro sur un bloc-notes, puis arracha la feuille qu'elle tendit à Malberg.

- Vous devriez jeter un œil au courrier, ajouta-t-elle en montrant un tas de lettres. Je crois qu'il y a aussi des choses pour vous.

Elle mit de côté dix mille euros puis fourra le reste de l'argent et le chèque de banque dans son sac à main.

- Dépêchez-vous, les banques ne vont pas tarder à fermer ! lui cria encore Malberg avant de verrouiller la porte du magasin derrière elle, et d'y accrocher la pancarte « Fermé ».

Le bureau n'était éclairé que par une toute petite fenêtre grillagée qui s'ouvrait sur la cour intérieure. Le soleil n'entrait pas dans la pièce, pas même en été. Bien qu'il fît encore jour, Malberg dut allumer la lampe à abat-jour jaune, un chef-d'œuvre de mauvais goût datant des années 1930.

À l'aide d'un coupe-papier, il commença à ouvrir les lettres empilées devant lui. Il avait l'esprit tout à fait ailleurs lorsque son regard tomba sur le bloc-notes dont mademoiselle Kleinlein avait arraché un feuillet, quelques minutes auparavant.

Malberg écarta un courrier sans importance et se mit à crayonner la première feuille du bloc-notes en inclinant la mine, comme il le faisait lorsqu'il était enfant, pour décalquer des pièces de monnaie.

Après quelques coups de crayon, il vit apparaître le numéro de téléphone que mademoiselle Kleinlein venait d'écrire.

Subitement, il se figea. Il ressortit de sa poche le livre qu'il avait emporté et l'ouvrit. La facture concernant le billet d'avion se trouvait toujours entre les pages 160 et 161. La première fois qu'il avait feuilleté le livre dans l'appartement de Marlène, il avait déjà remarqué quelque chose.

Marlène avait manifestement utilisé cette page comme support pour prendre des notes. Avec d'infinies précautions, Malberg crayonna l'empreinte laissée sur la page. L'entreprise était d'autant plus délicate que dans sa précipitation, il risquait de tout gâcher.

Dès les premiers coups de crayon, deux lignes de lettres apparurent, puis, en dessous, un numéro de téléphone :

tel - nkfu - of

m - iserp - z

+49 69215-02

Malberg respira un grand coup. Tenait-il là l'indice tant espéré ?

Quarante-neuf, c'était l'indicatif de l'Allemagne, 69 celui de Francfort, les chiffres qui suivaient ressemblaient à des numéros internes d'entreprise. Malberg avait envie de se jeter sur le téléphone pour tenter de savoir qui se cachait derrière ce numéro. Mais cela aurait été trop risqué.

Il poussa un soupir de soulagement lorsque mademoiselle Kleinlein revint enfin et lui tendit le reçu pour la restitution du chèque de banque.

- Il faut que je parte, bredouilla-t-il en reprenant le livre qui contenait la facture du billet d'avion. Il y glissa les billets de cinq cents euros, ainsi que le papier où figurait le numéro de téléphone de la sœur de mademoiselle Kleinlein, et prit congé.

- À bientôt, mademoiselle Kleinlein !

Arrivé à la porte du magasin, Malberg pivota sur ses talons et regarda une dernière fois les étagères, comme s'il faisait ses adieux à ses précieux livres. Mademoiselle Kleinlein remarqua son comportement étrange.

- Et quand comptez-vous revenir ? demanda-t-elle timidement.

- Je n'en ai pas la moindre idée, répondit Malberg. J'ai encore bien des choses à régler. De votre côté, faites de votre mieux !

Comme il était épuisé, il décida de passer la nuit dans un hôtel fréquenté par des représentants de commerce, dans la périphérie sud de la ville. Pompeusement appelé Le Diplomate, l'établissement jouissait d'une réputation sérieuse. De plus, il y avait au sous-sol un restaurant grec qui proposait les meilleurs calamars de la ville.

Les enregistrements dans les fichiers des hôtels étant nettement moins contraignants en Allemagne qu'en Italie, le réceptionniste n'exigea aucune pièce d'identité, si bien que Malberg put réserver au nom d'Andreas Walter. La chambre était au deuxième étage, donnant sur un couloir où se trouvaient un distributeur de boissons et une machine à cirer les chaussures.

Il s'affala dans l'unique fauteuil de la pièce en poussant un petit soupir et ouvrit le livre, dont le contenu littéraire était devenu plus qu'accessoire.

Il prit le téléphone et composa nerveusement le numéro qui était apparu sur la page.

Il agissait comme dans un état second, sans savoir sur qui il allait tomber. Il ne savait pas non plus ce qu'il allait dire, il pensait seulement que ce numéro devait avoir un rapport quelconque avec Marlène.

Lorsqu'il entendit qu'on décrochait, il resta un instant en apnée. Tout à coup, son esprit était en alerte.

- Hôtel Frankfurter Hof, bonjour, répondit une voix charmante.

Malberg, perplexe, essayait de tirer une conclusion de ce qu'il entendait. Il fixait désespérément les lettres imprimées en négatif sur la page de texte.

Il pouvait maintenant reconstruire facilement la première ligne : Frankfurter Hof ; puis la deuxième : Am Kaiserplatz. Le nom de l'hôtel, et son adresse.

Il entendit tout à coup la voix de la réceptionniste qui s'impatientait.

- Allô ? Allô !

La jeune femme raccrocha.

Déçu, Malberg laissa retomber le combiné. Il savait que Marlène avait l'intention de se rendre à Francfort. Il n'y avait donc rien d'étonnant à ce qu'elle ait réservé une chambre d'hôtel pour la durée de son séjour. Encore une impasse. C'était désespérant.

25

Lorsqu'Anicet descendit du taxi devant le numéro 84 de la Luisenstraat, à Anvers, il pleuvait. Tout comme ses voisines, la maison étroite et haute, située entre le Stadhuis et le Veemarkt, possédait quatre étages.

Anicet ne s'était pas annoncé. D'abord, parce qu'Ernest de Coninck n'avait pas le téléphone - du moins, son nom ne figurait pas dans l'annuaire -, et ensuite parce qu'Anicet s'attendait à ce que le faussaire refuse toute visite dès le moment où il aurait compris de quoi il retournait.

La sonnette du numéro 84 ne portait pas de nom ; Anicet sonna une première fois, sans succès. Puis il appuya longuement sur le bouton. Une fenêtre s'ouvrit alors au troisième étage. Un crâne dégarni et un visage osseux prolongé par une longue barbe blanche de père Noël apparurent dans l'encadrement. Anicet se dit qu'il avait déjà vu ce vieillard quelque part.