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À partir de ce moment-là, madame Fellini sembla comme dégrisée.

- Vous me racontez des histoires ! hurla-t-elle, le visage tordu par une grimace. Jamais Gonzaga ne m'a envoyé de fleurs, et jamais il ne m'en enverrait ! Comment ai-je pu donner tête baissée dans un piège aussi grossier !

La concierge se planta devant Caterina en cherchant à l'intimider. Elle y parvint d'ailleurs facilement. Caterina jeta un coup d'œil vers la porte.

- Je vous dois une explication, dit-elle d'une voix hésitante.

- Vous pouvez garder vos explications pour vous ! Mais il y a une seule chose que je veux savoir : dites-moi qui vous êtes et ce que vous voulez !

- D'accord. Je ne m'appelle pas Margarita Margutta, mais Caterina Lima, et je suis journaliste.

- Vous mentez ! Je ne crois pas un mot de ce que vous me racontez. Qui vous a envoyée pour me cuisiner ?

La concierge attrapa par le goulot la bouteille et la brisa contre le rebord de la table. Des éclats volèrent dans toute la pièce.

Un morceau de verre vint se planter dans la joue droite de Caterina. La journaliste sentit un filet de sang chaud couler le long de sa joue. Elle se leva d'un bond pour s'enfuir.

Menaçante, la signora Fellini brandissait un tesson acéré.

- Je veux savoir qui vous a envoyée ! répéta-t-elle en martelant chaque mot.

- Personne ne m'a envoyée, calmez-vous !

Caterina reculait vers la porte d'entrée, les mains en l'air.

La signora Fellini la fixait, déterminée. L'alcool l'avait, semblait-il, complètement désinhibée. Caterina réfléchissait au moyen de se défendre, au cas où la concierge l'attaquerait. Comment faire ? Si cette femme se ruait sur elle avec ce tesson de bouteille, elle serait capable de la tuer.

À deux mètres l'une de l'autre, deux femmes se défiaient du regard. Caterina respirait à peine. Prudente comme un funambule sur sa corde, elle reculait en mettant un pied l'un derrière l'autre. Au moment où elle atteignait la porte donnant dans le couloir, la signora Fellini s'arrêta soudain, comme si elle avait changé d'avis.

Elle pivota sur ses talons et alla s'affaler en soupirant dans les coussins du vieux canapé, après avoir, comme si de rien n'était, piétiné les bris de verre et les lys déchiquetés. Puis elle se mit encore une fois à vociférer, les yeux brillants de haine.

- Et maintenant tu te casses, petite pute, et tu oublies tout ce que tu as entendu. Sinon, gare à toi. Allez, file !

Caterina ne se le fit pas dire deux fois.

- Je vous laisse ma carte, au cas où vous auriez besoin de moi, dit-elle encore avant de sortir.

Elle préféra descendre à pied, de peur que l'ascenseur ne tombe en panne. Elle dévala les marches.

Une fois arrivée sur le Lungotevere Marzio, elle s'arrêta pour reprendre son souffle. L'air frais de la nuit lui fit du bien.

Ce qu'elle venait d'apprendre confirmait ses suppositions : la curie avait royalement payé cette alcoolique pour qu'elle se taise. Et puis Marlène ! Marlène entretenait une relation coupable avec un cardinal en chair et en os. Une « grande dame » ! Voilà une surprenante découverte qui jetait un éclairage radicalement différent sur la mort de Marlène, laquelle conservait au demeurant tout son mystère.

Les choses prenaient un sens : quelqu'un avait mis fin à la liaison qu'entretenait un cardinal avec une « grande dame ».

Mais alors, pensa soudain Caterina, pourquoi ces grands dignitaires ecclésiastiques ont-ils assisté à son enterrement ?

42

Aéroport de Francfort, porte 26, bâtiment 456 B, l'architecture habituelle de verre et d'acier. À l'entrée, une plaque avec le nom d'une société inscrit en lettres bleues et orange : FedEx.

Le svelte quadragénaire qui avait garé sa Mercedes près de l'entrée semblait pressé, agité, et ses yeux brillaient derrière ses lunettes à monture dorée.

Il avait l'air fatigué, comme quelqu'un qui a passé une nuit blanche. Dans son costume froissé, il semblait presque négligé. Il serrait dans sa main un petit paquet de dix centimètres sur vingt, entouré de ruban adhésif.

Il entra sans hésiter dans le bâtiment, consulta un panneau et s'avança vers un guichet derrière lequel une blonde pimpante avec un sourire impersonnel lui dit bonjour et lui demanda sur un ton tout aussi formel et routinier :

- Que puis-je faire pour vous ?

- Expédier un colis avec valeur déclarée, répondit le client calmement en faisant glisser le petit paquet sur le comptoir.

La blonde soupesa le paquet et sembla étonnée qu'il fût si léger. Elle le posa sur la balance électronique qui fit un bip avant de cracher une étiquette. Elle lut l'adresse :

Giancarlo Soffici

Hôtel Krone, Rheinuferstraße, 10

65385 Assmannshausen

Soffici avait réservé une chambre dans cet hôtel.

- Et l'expéditeur ? demanda-t-elle sans lever les yeux.

- Giancarlo Soffici.

- Et l'adresse de l'expéditeur ?

Le client marqua un temps d'hésitation avant de dire :

- Cité du Vatican, 1073 Rome.

La jeune femme blonde leva la tête et fronça les sourcils. Mais elle écrivit les informations données.

- Valeur ?

- Cent mille euros.

La blonde se mit à fouiller dans des papiers derrière le comptoir. Elle s'énerva, chercha ensuite du regard quelqu'un qui puisse l'aider, mais ne vit personne qui soit en mesure de l'assister dans cette situation difficile.

- Avez-vous une pièce d'identité ? demanda-t-elle après avoir retrouvé son calme.

Le client lui glissa son passeport. L'employée lut le nom figurant sur le document : Monsignor Giancarlo Soffici.

- Vous avez dit cent mille euros ?

- Oui.

- Vous devez déclarer le contenu du paquet.

- Écrivez : échantillon scientifique.

- Ça va faire cher, dit-elle pendant qu'elle saisissait les données dans son ordinateur.

Soffici sortit son portefeuille et tendit une carte de crédit :

- Ça va mettre combien temps ? demanda-t-il sans sourciller.

- Demain à partir de dix heures, lui répondit l'employée après avoir longuement consulté son écran. Mais si vous voulez, cela peut aller plus vite...

- Non, non, rien ne presse. Demain à partir de dix heures.

Après avoir signé puis repris sa carte de crédit et son ticket, le mystérieux client disparut aussi discrètement qu'il était arrivé. Deux minutes plus tard, il prenait l'A3 en direction de Wiesbaden au volant de sa Mercedes bleu nuit.

À cette heure matinale, il y avait encore peu de circulation sur l'autoroute. Soffici pouvait conduire tout en faisant le point sur la situation.

Il était sûr que, pour le moment, Gonzaga n'avait pas la moindre idée de ce qui s'était passé. Le cardinal continuait de le considérer, lui Soffici, comme un secrétaire modèle, comme un paillasson.

Un de ces types qui considèrent le titre de monsignor comme le sommet de leur carrière dans le clergé et remercient Dieu trois fois par jour à genoux de leur avoir accordé cette grâce.

Depuis l'enlèvement, une semaine s'était écoulée, le cardinal pensait peut-être qu'il était mort.

En tout état de cause, il était clair que Gonzaga avait dû reprendre ses activités courantes. Quant à lui, il savait le cardinal capable de tout. Sa satisfaction n'en était que plus grande. Gonzaga l'avait sous-estimé. Jamais il n'aurait pu imaginer que son secrétaire serait capable de faire cause commune avec Gueule-brûlée.