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Lukas finit par sentir l'eau transpercer sa veste. Il ne trouvait pas désagréable cette sensation d'humidité. Son corps se réchauffait contre celui de Caterina.

Pour la première fois depuis des semaines, la vie reprenait le dessus.

Caterina ressentait la même chose. Lorsqu'elle se détacha un peu de Lukas pour reprendre son souffle, elle lui déclara, haletante :

- Je suis folle de toi !

Lukas ne répondit pas.

- Tu as entendu ce que je viens de te dire ? Je suis folle de toi.

Lukas hocha la tête, incapable d'articuler un mot.

- J'ai été complètement idiot. J'aurais dû tout simplement te croire, en dépit des circonstances. Je n'arrivais pas à me mettre dans la tête que tu n'étais pas au courant des agissements de Paolo.

- Et maintenant, tu me crois ?

Malberg hocha la tête et l'attira contre lui.

- Viens ! Allons nous mettre au sec pour discuter.

Lukas entraîna Caterina par la main vers la porte cochère de l'immeuble de Barbieri.

Giacopo avait quitté les lieux depuis quelques minutes pour vaquer à ses occupations.

Malberg aida Caterina à retirer ses vêtements trempés et la frotta énergiquement avec une serviette.

- Depuis combien de temps attends-tu en bas, demanda-t-il en séchant amoureusement son visage.

- Euh... hésita Caterina en haussant les épaules. Depuis une heure... Peut-être deux ? dit-elle, presque comme si elle se posait la question.

- Tu es folle.

- Je croyais te l'avoir déjà dit.

- Comment pouvais-tu imaginer que je finisse par t'apercevoir !

Caterina tapa du pied.

- Si, j'en étais sûre, même tout à fait sûre, décréta-t-elle en lui faisant un clin d'œil. D'ailleurs, j'avais une très bonne raison de vouloir te parler.

- Tu m'intrigues. Une raison agréable ou désagréable ?

- Quelque chose de décevant, plutôt. Pour toi en tout cas.

Caterina prit la serviette des mains de Lukas, la plia et la mit autour de son cou.

- Allez, raconte, dit Malberg qui suivait chacun de ses gestes.

- Je suis allée voir la signora Fellini. J'espère que tu ne m'en voudras pas d'avoir pris l'initiative de poursuivre mes investigations. Comme tu avais jeté le papier avec sa nouvelle adresse...

Malberg avala sa salive. La réalité, qui lui avait semblé si lointaine il y a un instant encore, venait de se rappeler à lui.

- Cette dame, cette ancienne concierge, vit dans un appartement plutôt confortable sur le Lungotevere Marzio. Elle ne paie pas de loyer, cela va de soi, et l'immeuble appartient à l'Église, commença Caterina.

- Cela ne m'étonne pas ! dit Malberg avec un rire amer. Après tout ce que nous avons appris jusqu'à présent. L'immeuble de la Via Gora, celui dans lequel elle était concierge, appartient aussi à l'Église.

Caterina opina.

-  La signora Fellini était au courant de tout ce qui se passait dans la maison. Entre autres, elle savait que Marlène Ammer débauchait un haut dignitaire de la curie en dépit du vœu de célibat qu'il avait fait.

- Gonzaga ! comprit aussitôt Malberg, qui en eut le souffle coupé.

- Gonzaga avait à n'en pas douter une liaison avec Marlène.

Lukas regarda longuement Caterina. Il n'arrivait pas à se rendre à l'évidence. Caterina devinait la colère et la douleur qui se cachaient derrière ce regard fixe.

- Gonzaga et Marlène, murmura-t-il d'une voix blanche.

C'était donc Gonzaga qui se cachait derrière les noms des prophètes dans le calepin.

Ils se regardèrent en silence durant de longues minutes. Caterina était soulagée. Elle avait aidé Malberg à ouvrir les yeux, mais elle n'en tirait aucune satisfaction. Elle ne lui fit aucune remarque désobligeante. Elle se détourna, gênée, pour déboutonner son corsage trempé qui lui collait à la peau. Puis elle se frotta avec la serviette.

- Tu vas prendre froid. Viens te doucher avec moi.

Malberg l'enlaça par-derrière. Il tira sur sa jupe jusqu'à ce qu'elle tombe par terre. Il se déshabilla en même temps, puis il poussa doucement Caterina devant lui vers la petite salle de bains. Malberg ouvrit le robinet. L'eau chaude ruissela sur eux. Caterina se retourna et se serra tout contre lui. Il caressa ses seins. Elle sentit le désir monter en elle, et le sexe de Malberg se durcir contre son ventre. Il la serra dans ses bras. Le bruit de l'eau couvrait sa respiration haletante. Malberg s'insinua en elle avec une facilité déconcertante.

- Il faut que tu l'oublies, promets-le-moi, dit Caterina en opposant une faible résistance à ses mouvements de plus en plus vigoureux.

Mais, envahie par le plaisir, elle oublia tout le reste. La seule chose qu'elle savait encore, si tant est qu'elle pût encore faire preuve de lucidité, c'était qu'elle ne pourrait plus jamais se séparer de ce type si compliqué.

Et Lukas se disait à peu près la même chose. Il n'y a rien de plus excitant pour un homme que le désir d'une femme. Il repensait vaguement à Marlène et s'étonnait d'avoir déjà presque digéré sa déception. Il l'oublia aussi. Ils oublièrent tout. Le monde autour d'eux s'évanouit à l'instant où l'un et l'autre furent emportés par un violent orgasme. Ils se laissèrent glisser doucement, encore enlacés, sur le carrelage de la douche. Malberg ferma le robinet. Il sentait le souffle brûlant de Caterina sur son visage. Il gardait les yeux fermés, comme pour épuiser sa jouissance.

Au bout d'un moment, ils finirent par souffrir de l'exiguïté des lieux. Mais la douleur n'était encore que plaisir. Elle prolongeait ce moment de volupté sans jamais devenir insupportable.

La pluie continuait de tambouriner contre la vitre de la petite fenêtre. Caterina réprima un sourire : c'est à cette satanée pluie qu'elle devait d'avoir joui comme jamais encore dans sa vie.

Lukas se dégagea des bras de Caterina et l'aida à se relever. Puis il la porta dans la pièce voisine. Il ne trouva qu'une nappe à lui mettre sur les épaules. Il prit ses vêtements trempés qu'il étala sur les dossiers des chaises afin de les faire sécher.

Absorbé dans ses pensées, il retourna vers la jeune femme, assise là comme une malheureuse, drapée dans sa nappe, avec au fond des yeux la lueur qui lui restait du plaisir qu'elle venait d'éprouver.

Malberg repoussa une mèche de ses cheveux qui tombait sur son visage et s'assit à côté d'elle.

- Il y a une chose que je ne comprends toujours pas, commença-t-il en regardant devant lui. Si le cardinal Gonzaga avait une liaison avec Marlène...

- Tu es déçu, l'interrompit Caterina. J'ai longtemps hésité à te le dire, mais, si nous voulions avancer dans nos recherches, il fallait que tu le saches.

Lukas opina et reprit :

- Si Gonzaga et Marlène avaient vraiment une liaison, alors, je ne peux pas imaginer que le cardinal puisse être, d'une manière ou d'une autre, responsable de sa mort.

- Tu penses qu'un amant n'est pas capable de tuer sa maîtresse ? Et d'assister en prime à son enterrement ? Ça te paraît absurde ? Mais il ne se passe pas un jour sans que des crimes passionnels soient commis.

- C'est vrai, tu as raison, dit Malberg avec une légère hésitation. Mais qu'est-ce qui peut bien pousser un cardinal à commettre un tel crime ?

- Cet homme de Dieu a peut-être eu peur que sa liaison ne soit découverte. Inutile de t'expliquer les répercussions que cela aurait eues pour lui. On peut aussi envisager que Marlène l'ait fait chanter.

- Jamais Marlène n'aurait fait une chose pareille ! s'emporta Malberg.

- Qui sait ? Jamais, de ton côté, tu n'aurais imaginé que Marlène couche avec un cardinal en chair et en os.

Incapable de comprendre le comportement de son ancienne camarade de classe, Lukas secoua la tête. Il devait vraiment faire un effort pour accepter cette chose incroyable.