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Malberg entendit comme dans le lointain qu'on tournait la clé dans la serrure.

Il n'y prêta pas vraiment attention, jusqu'à ce qu'il réalise soudain que Caterina n'avait en tout et pour tout qu'une nappe sur les épaules. Il bondit vers la porte avec une serviette drapée autour des hanches et se retrouva en face de Barbieri.

Ce dernier ne put s'empêcher de sourire. Malberg se crut obligé d'expliquer qu'ils avaient dû étendre leurs vêtements trempés pour les faire sécher.

Mais cela ne fit que provoquer l'hilarité de Barbieri, qui déclara avec force clins d'œil que Lukas n'avait pas besoin de se justifier.

Caterina sortit au même moment de la salle de bains et esquissa un petit signe à l'adresse de Barbieri, sans dire un mot. Il marqua une légère hésitation en reconnaissant sa nappe, qui servait de vêtement à la jeune femme.

- Je trouve qu'il n'y a rien de plus excitant que de voir l'usage qu'on fait du linge de maison sous ce toit.

La remarque détendit un peu l'atmosphère.

- Je ne vais pas vous déranger bien longtemps, dit Barbieri en tirant un journal de son sac. Je pensais que ceci pourrait vous intéresser.

Lukas et Caterina échangèrent des regards interrogateurs pendant que Giacopo ouvrait le journal et le tendait à Malberg.

- Hier matin, on a retrouvé le cadavre d'un homme dans le fond du bassin de la fontaine de Trevi.

- En quoi cela nous concerne-t-il ? demanda Malberg sans même jeter un œil sur le journal.

- Il s'appelait Frederico Garre.

- Désolé, je ne le connais pas.

Barbieri commençait à perdre patience.

- Mais, enfin, tu m'as bien raconté qu'un homme au visage défiguré t'avait menacé devant la maison de la marquise ?

- Oui, en effet.

- Aurais-tu alors l'amabilité de bien vouloir regarder la photo dans le journal ?

Malberg survola l'article figurant sous le gros titre « Un cadavre dans la fontaine de Trevi ». L'homme d'une cinquantaine d'années, dont le cadavre avait été trouvé dans la fontaine la plus célèbre au monde, venait d'être identifié. Il s'agissait d'un certain Frederico Garre. L'autopsie avait révélé que, en plus d'anciennes cicatrices dues à des armes à feu ou à des armes blanches, Garre, plus connu dans les milieux de la pègre sous le nom de « Gueule-brûlée », avait été étranglé avant d'être jeté dans la fontaine.

Malberg fixait avec de grands yeux la photo que publiait le journal. Pas de doute : c'était bien Gueule-brûlée qu'il avait rencontré devant la Pietà de Michel-Ange.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? Mais dis quelque chose ! intervint Caterina d'un ton pressant.

Malberg se contenta de secouer la tête.

45

Au même moment, Soffici, au volant de la Mercedes bleu foncé, gravissait l'étroit chemin de terre qui conduisait au château de Layenfels. Il était en retard à cause de la visite inopportune de Moro et d'Abate.

Soffici ne cessait de regarder nerveusement dans son rétroviseur pour s'assurer que personne ne le suivait. Il craignait que le cardinal et son secrétaire ne lâchent pas aussi facilement prise.

De plus, il était très mal à l'aise lorsqu'il pensait à Anicet. Il avait affiché une grande assurance lors de leur rencontre, mais cette attitude n'était chez lui qu'une façade. Il ne savait que trop bien que l'ex-cardinal était capable de tout lorsqu'il s'agissait de défendre ses propres intérêts.

Soffici s'était bien préparé à ses négociations avec Anicet. Il avait même consigné par écrit les différentes réactions possibles de son interlocuteur.

Contre toute attente, ils s'étaient finalement accordés sur la somme de deux cent cinquante mille dollars. L'autre n'avait pas franchement discuté. Était-ce une feinte ?

Soffici maintenait fermement le volant afin d'éviter une embardée. Il doutait de plus en plus d'être de taille à affronter un homme comme Anicet.

Lui, le secrétaire falot du cardinal secrétaire d'État, qui, toute sa vie, n'avait fait qu'exécuter des ordres venus d'en haut.

Sur le fauteuil à côté de lui, il avait posé le petit paquet encore fermé ainsi que l'enveloppe contenant les négatifs. Comment ceci pouvait-il valoir deux cent cinquante mille dollars ? Alors que la confrérie détenait déjà le linceul de Jésus de Nazareth ?

Une idée fulgurante traversa soudain la tête de Soffici : quelque chose clochait, quelque chose ne collait pas dans cette affaire. Suite à un odieux chantage, ils avaient livré le linceul aux Fideles Fidei Flagrantes.

Mais il ne voyait pas en revanche comment un morceau de ce linceul de la taille d'un timbre-poste pouvait valoir une pareille somme pour ces mêmes personnes.

Soffici vit presque un symbole dans l'étroitesse de ce chemin escarpé qui conduisait au château de Layenfels sans offrir aucune possibilité de s'en écarter ni même de faire demi-tour.

Les talus, qui bordaient la chaussée, interdisaient toute manœuvre. Si Soffici en avait eu la possibilité, il aurait immédiatement fait demi-tour pour réfléchir une fois encore à toute cette affaire.

Mais il n'avait plus le choix. Il ne pouvait que poursuivre son ascension. Il ne fallait donc pas que son plan échoue.

Soffici fit un triple signe de croix, plus par habitude que par superstition. Il avait tout planifié jusqu'au moindre détail. Il avait réservé un vol de nuit pour Buenos Aires au nom de Frederico Garre.

Au départ de Francfort, à 19 h 20. Il avait dans sa poche un passeport à ce nom. Celui de Gueule-brûlée, dont le vrai nom était Garre.

La photo avait été prise avant l'accident qui avait défiguré Garre ; elle n'était donc pas toute récente. C'était pour cette raison que Soffici s'était fait, en chemin, raser la tête par un coiffeur d'Italie du Nord.

Avec ses cheveux de trois millimètres et sans ses lunettes à monture dorée, Soffici pouvait sans problème passer pour Frederico Garre.

Deux cent cinquante mille dollars ! Une coquette somme !

L'argent n'avait jamais eu d'importance pour lui. Pour la simple raison qu'il n'en avait jamais eu. Soffici ne connaissait que trop bien les problèmes que rencontraient tous ceux qui défroquaient.

Quand ils quittaient le clergé, ils se retrouvaient comme des nouveau-nés : sans revenu, sans protection sociale, sans avenir. Deux cent cinquante mille dollars lui suffiraient amplement pour commencer une nouvelle vie en Amérique du Sud.

Soffici immobilisa son véhicule un peu avant le porche du château de Layenfels. Le dernier tronçon du chemin étant particulièrement raide, il serra le frein à main. Un bruit étrange l'intrigua.

On aurait dit que la corde d'un instrument de musique venait de se rompre. Pling ! Au même instant, la Mercedes se mit à reculer. Instinctivement, Soffici appuya sur la pédale de frein.

Elle répondit et arrêta le véhicule l'espace de quelques secondes, avant de céder à son tour sous le pied du conducteur et de se coincer dans le plancher.

Les yeux exorbités, Soffici vit défiler à toute vitesse le talus de part et d'autre de la petite route.

Tout à coup, il aperçut le ciel. Sa voiture venait de basculer sur le côté. Ce fut la dernière chose que monsignor Giancarlo Soffici put voir. L'arrière de la voiture s'enfonça dans le talus du premier virage en épingle à cheveux. La lunette arrière et le pare-brise s'étoilèrent brutalement dans un bruit d'explosion. Le pare-brise s'envola comme un parapente en direction de la forêt.

La voiture se cabra comme un cheval que l'on cravache, s'éleva et fit plusieurs tonneaux avant d'aller heurter de plein fouet le gros tronc d'un chêne.