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L'offre de coopération est alléchante, pensa Caterina, c'est peut-être même la seule possibilité de percer le mystère qui entoure la mort de Marlène. Mais elle restait sceptique. Ce Mesomedes ne lui inspirait pas entièrement confiance.

Elle voulait gagner du temps avant de prendre une décision, et consulter Malberg.

- Votre proposition ne manque pas d'intérêt, finit-elle par dire. Mais permettez-moi une question : ne courez-vous pas un grand risque en allant à l'encontre de la décision du procureur général ? Qu'est-ce qui vous pousse à le faire ?

Caterina entendit un rire cynique dans l'écouteur.

- Ce qui me pousse à le faire ? Je vais vous le dire. À voir le comportement du procureur général, je suis tenté de croire qu'il est lui-même impliqué dans l'affaire. Tout procureur ambitieux rêve de démasquer ce genre de personnage. Vous vous souvenez de l'affaire du Watergate ?

- Alors, là, permettez, ce n'est pas un magistrat qui a dévoilé cette histoire d'écoutes ! Mais deux journalistes !

- Je sais, mais ils ont réussi à obtenir la démission d'un président américain, et ils sont devenus célèbres dans le monde entier.

- C'est vrai, concéda Caterina, pensive.

Ce Mesomedes avait un grand besoin de reconnaissance. Il voulait qu'on l'admire. Elle l'avait déjà remarqué lors de leur première rencontre. Et maintenant qu'il s'était lancé dans le dossier Marlène Ammer, il n'était pas près de lâcher le morceau.

Cet homme pouvait leur être d'une aide précieuse. Il avait peut-être même raison lorsqu'il prétendait qu'à lui seul, il n'arriverait pas à démêler l'affaire.

- Et comment voudriez-vous procéder à partir d'aujourd'hui ? s'enquit-elle prudemment.

- J'aimerais d'abord voir l'appartement de Marlène Ammer, répondit Mesomedes. Le dossier existant ne mentionne rien sur ses conditions de logement, ni sur l'existence d'un appartement. D'après ce qui est dit dans le dossier, il n'y a eu aucune enquête d'effectuée à ce sujet. J'ai bien du mal à le croire. Je suppose que les informations ont été détruites.

- Pour quelles raisons ?

- Si je le savais, nous ferions un grand pas en avant. Il semble en tout cas que certains faits ou certaines personnes doivent être laissés à l'écart de cette affaire. Lorsque le procureur général Burchiello m'a fait savoir qu'une réouverture de l'enquête n'était pas souhaitable, j'ai été par hasard témoin d'une conversation téléphonique. J'ai eu l'impression que Burchiello recevait un ordre. Il faisait des courbettes comme un laquais et donnait du « Excellence » à l'inconnu à l'autre bout du fil.

- « Excellence » ?

- Oui, « Excellence ». Depuis, je me suis renseigné pour savoir qui porte ce genre de titre : il a été étendu sous Pie XI à tous les évêques et les prélats en chef de la curie, après avoir été exclusivement réservé aux patriarches et aux nonces apostoliques. Le concile Vatican II a de nouveau aboli cette réglementation au profit du titre d'Éminence. Aujourd'hui, ce titre d'Excellence n'est plus utilisé que pour les ambassadeurs et les émissaires, ainsi que pour le cardinal secrétaire d'État au Vatican qu'on appelle aussi plus couramment Éminence.

Caterina réagit aux explications du procureur par un long silence.

Signorina, vous êtes encore là ?

Après tout ce qu'elle avait appris sur Gonzaga, Caterina n'était qu'à moitié surprise. Mais ce qui l'inquiétait au plus haut point, c'était que Gonzaga puisse tirer les ficelles jusque dans le cabinet du chef du parquet.

- Oui, je suis encore là, répondit-elle. Je faisais seulement quelques recoupements avec certaines choses auxquelles je n'avais jusqu'ici pas accordé d'importance.

- Si je peux vous aider... commença Mesomedes.

- Non, c'est bon, dit Caterina, qui souhaitait couper court à cette conversation.

Elle ne pouvait s'empêcher de penser que Mesomedes s'intéressait au moins autant à elle qu'à l'affaire Marlène Ammer.

47

Curieusement, lorsque Malberg apprit de la bouche de Caterina la levée du mandat d'arrêt lancé contre lui, il n'éprouva pas le moindre sentiment de soulagement. Lukas, méfie-toi, c'est un piège ! se dit-il immédiatement.

Avec une infinie patience, Caterina tenta de lui faire comprendre qu'il devait se réhabituer à l'idée qu'il était un homme libre. Les événements des dernières semaines l'avaient transformé. Il se sentait suivi partout et par tous. Il fallait qu'il retrouve confiance et qu'il cesse de soupçonner tout le monde. Et, avant tout, il devait réapprendre à vivre normalement.

Caterina avait insisté pour qu'il reprenne ses activités professionnelles, ce que Malberg avait d'abord refusé, arguant du fait qu'il ne pourrait pas reprendre le cours normal de sa vie tant que l'assassinat de Marlène n'aurait pas été élucidé. Ils en discutèrent longtemps, et Malberg finit par céder.

Il accepta d'aller à Munich pour deux jours afin de s'assurer que tout se passait bien. Il serait de retour à Rome le surlendemain. Il pouvait enfin réserver un vol à son nom et payer avec sa propre carte de crédit. Mademoiselle Kleinlein devint presque hystérique lorsqu'il lui annonça son retour au téléphone. Elle avait déjà craint le pire après toutes ces semaines sans nouvelles de lui.

Le chauffeur de taxi se faufilait adroitement entre les files de voitures pour arriver au plus vite à l'aéroport de Fiumicino. Malberg ne put s'empêcher de vérifier qu'il n'était pas suivi.

Il n'arrivait pas à se débarrasser des habitudes qu'il avait prises ces derniers temps. Quarante minutes plus tard, il était à destination, en dépit d'une circulation matinale très dense.

Le chauffeur de taxi s'était démené pour rien : le vol AZ 0432 d'Alitalia, départ 9 h 45, arrivée 11 h 25 à Munich, avait du retard. Le mot Delayed clignotait sur les panneaux d'affichage dans le hall de départ.

Une hôtesse rousse pria les passagers d'excuser ce retard d'une heure dû à un changement de pneus sur l'appareil, et elle distribua des bons donnant droit à un petit-déjeuner copieux dans un café.

Ce petit-déjeuner convenait fort bien à Malberg, qui avait quitté l'appartement de Barbieri sans même prendre un café, et encore moins des œufs brouillés au bacon ou l'une des délicieuses tentations qui s'offraient maintenant à lui.

Il était fermement décidé à quitter l'appartement de Barbieri dès son retour, deux jours plus tard, pour s'installer dans une chambre d'hôtel correcte.

Entre les œufs brouillés et le petit pain tartiné de gelée de groseilles, Caterina l'appela sur son portable pour lui dire qu'elle l'aimait.

Il n'y avait rien de plus agréable que de recevoir une déclaration d'amour dès le matin.

Pendant qu'ils échangeaient des banalités, Malberg observait les va-et-vient incessants dans le hall de l'aéroport. Ses yeux s'arrêtèrent sur un pilote en uniforme clinquant, entouré de quatre hôtesses. Leurs regards se croisèrent au moment où le petit groupe se rapprochait de lui, et Malberg fronça les sourcils.

Le pilote s'immobilisa.

- Lukas ? demanda-t-il en hésitant.

- Max ? répondit Malberg, incrédule, tout en terminant sa communication avec Caterina.

Max Sydow. Un camarade de classe dont il avait gardé un tout autre souvenir. Lors de leur dernière rencontre, il était en jean et en veste de cuir, ce qui avait déplu à certains porteurs de costumes.

Et voilà qu'il arborait aujourd'hui un uniforme qui lui allait comme un gant, avec quatre galons, une chemise blanche et une cravate bleu foncé.

- Comme le monde est petit ! s'exclama Sydow en lui tombant dans les bras. Qu'est-ce que tu fais à Rome ?

- Oh, ce serait trop long à raconter.