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- Oui, peut-être.

- Alors, vas-y. Nous nous voyons après-demain. D'ici là, ne fais pas de bêtises. Je t'embrasse.

Avant même qu'il ait eu le temps de répondre, Caterina avait raccroché.

- Tout va bien ? lui demanda mademoiselle Kleinlein en s'avançant vers lui. Elle l'avait vu du magasin, en train de fixer le vide pendant de longues minutes.

- Je réfléchissais, c'est tout. J'ai quand même le droit, non ? Mais si vous voulez m'aider, vous pourriez peut-être me trouver un numéro de téléphone ?

Malberg prit un bout de papier sur lequel il griffonna : Liane Ammer, Francfort-sur-le-Main.

- Vous pouvez appeler les renseignements, ou bien vous le trouverez sur Internet.

- À vos ordres, patron, répondit mademoiselle Kleinlein avec une pointe d'ironie dans la voix, car elle n'aimait pas recevoir d'ordres.

Pendant que Malberg s'occupait du courrier en retard, une question revenait sans cesse le torturer : comment pouvait-il écarter les soupçons qui pesaient contre lui ? Plus il y réfléchissait, plus il était persuadé qu'il ne serait pas simple d'y parvenir sans jouer cartes sur table et sans livrer la raison de ses investigations. Ces dernières semaines, il avait compris tous les risques qu'il courait. Barbieri avait certainement raison de lui conseiller de faire preuve de la plus grande discrétion.

Sans dire un mot, mademoiselle Kleinlein glissa sur le bureau de son employeur le bout de papier que Malberg lui avait donné trois minutes plus tôt.

- Comment avez-vous réussi à trouver le numéro si vite ? demanda-t-il, plus pour être aimable que pour autre chose.

- En faisant comme n'importe quel abonné, moyennant une somme modique : j'ai appelé les renseignements, répondit-elle d'un ton sec.

Malberg tenait le bout de papier à deux mains, les yeux rivés sur le numéro qui y figurait. Il ne connaissait pas Liane Ammer et il ignorait également tout de la relation que les deux sœurs entretenaient.

Il devait en tout cas éviter que Liane se ferme immédiatement et refuse de lui fournir la moindre information. Mais comment s'y prendre ? Savait-elle seulement que sa sœur était morte ?

Il tripotait le bout de papier en tergiversant. Il finit par prendre le téléphone. Après plusieurs bips, il entendit un crachotement et une voix féminine sur un répondeur : Vous êtes bien chez Liane Ammer. Étant entre Madrid, Rome, Athènes ou Le Caire, je ne suis pas joignable pour le moment. N'hésitez pas à me laisser un message si vous avez quelque chose à me dire. Sinon, vous pouvez raccrocher. Merci de parler après le bip.

Malberg entendit le signal, mais ne broncha pas. Il ne s'était pas attendu à tomber sur un répondeur. Quelle attitude adopter ? Devait-il raccrocher ? S'il donnait la raison de son appel, il lui laissait la possibilité de réfléchir. À supposer qu'elle ne soit pas au courant de la mort de Marlène, il valait mieux qu'il se contente d'une simple allusion.

- Je suis un camarade de classe de votre sœur Marlène. Vous êtes sans doute depuis longtemps au courant de ce qui lui est arrivé. Je vous serais reconnaissant si nous pouvions en parler brièvement au téléphone. Je me permettrai de vous rappeler ultérieurement.

Puis il raccrocha, soulagé.

La nuit était déjà tombée lorsque Malberg quitta la librairie pour rentrer à Grünwald, un faubourg situé au sud, avec ses villas et ses appartements régulièrement cambriolés. Malberg y avait acheté un appartement dix ans plus tôt, à une époque où les biens immobiliers y étaient encore abordables. Il n'avait pas envie de rentrer chez lui et ne comprenait pas pourquoi. Cette réticence ne fit que s'accentuer lorsqu'en pénétrant dans l'appartement, il sentit l'odeur de renfermé. Cela faisait dix semaines qu'il avait quitté son appartement, depuis le milieu de l'été. On était maintenant en automne, et le temps était maussade.

Malberg ouvrit toutes les fenêtres. Puis il enleva sa veste, qu'il suspendit au portemanteau, et se laissa tomber sur le gigantesque canapé en cuir rouge. Il croisa les mains derrière la tête et réfléchit.

Avait-il bien fait d'appeler la sœur de Marlène ? N'aurait-il pas été préférable de lui rendre visite à l'improviste ? Elle n'aurait pas pu se dérober. C'est alors que son téléphone portable sonna.

- Bonjour, lança joyeusement Malberg, qui s'attendait à un appel de Caterina.

- Vous êtes bien monsieur Malberg ? lui répondit une voix grave et froide.

- Oui, dit Malberg, très surpris. Qui est à l'appareil ?

- Mon nom n'a pas d'importance.

- Écoutez, si vous ne jugez pas utile de vous présenter... commença Malberg, très remonté.

Mais son interlocuteur ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase.

- Marlène est morte, l'interrompit l'inconnu. Pourquoi fourrez-vous votre nez dans sa vie privée ? N'allez surtout pas mêler Liane à tout cela !

- Mais Marlène a été assassinée ! Qui que vous soyez, monsieur l'inconnu, si Marlène ou sa sœur représentent quelque chose pour vous, alors il devrait vous tenir à cœur que ce crime soit élucidé !

Il s'ensuivit un interminable silence.

- Allô ? dit Malberg en pressant son oreille contre l'écouteur. Mais il n'entendit qu'un chuintement lointain. Il allait raccrocher lorsqu'il entendit à nouveau la voix grave.

- Malberg, ceci est une mise en garde solennelle ! Il n'y en aura pas une deuxième. Vous commencez à devenir gênant. Songez à Giancarlo Soffici, le secrétaire du cardinal Philippo Gonzaga !

Il y eut encore dans l'écouteur un crachotement, un grésillement, puis plus rien.

Malberg se leva. Il était abasourdi. Qui était cet homme ? Comment connaissait-il son nom et son numéro de portable ? Comment cet homme pouvait-il savoir qu'il avait téléphoné à Liane Ammer ? Que signifiait cette allusion au secrétaire de Gonzaga ?

Il faisait froid. Malberg frissonna. Il ferma machinalement les fenêtres et regarda par les vitres embuées la rue déserte à cette heure de la journée.

Il appuya la tête contre la vitre humide pour rafraîchir son front derrière lequel bouillonnaient toutes sortes d'idées. Il ferma les yeux. Cela faisait du bien de ne rien voir. L'obscurité favorise la réflexion. Mais il n'arrivait pas à se concentrer.

Une voiture s'immobilisa devant chez lui. Malberg ouvrit les yeux et fit un pas en arrière pour sortir du halo de lumière que projetaient les réverbères. Un homme sortit du véhicule et pénétra dans l'immeuble d'en face. Quelques minutes plus tard, au deuxième étage, des lumières s'allumèrent dans l'appartement situé à la même hauteur que le sien.

Inquiet, Malberg se précipita vers l'interrupteur et éteignit la lumière. Il s'approcha alors de la fenêtre. Dans l'appartement d'en face, la lumière était également éteinte. Son cœur battait à tout rompre, comme s'il venait de courir un mille mètres. Il observa la façade de la maison de l'autre côté de la rue. Il n'osait même pas baisser les stores.

Pourquoi n'avait-il pas réussi à prolonger la conversation avec l'inconnu ? Pourquoi s'était-il comporté comme un gamin intimidé ?

L'homme qui était entré dans l'immeuble d'en face quelques minutes auparavant en ressortit, se dirigea vers sa voiture et démarra. Quand on se retrouve dans des situations qui frisent l'absurde, la moindre inquiétude prend des proportions incroyables. Malberg se sentait oppressé. La sonnerie de son mobile l'arracha brutalement à ses réflexions.

Il n'avait pas l'intention de répondre.

Mais, comme le téléphone continuait de sonner, il finit par décrocher :

- Oui ? dit-il sur un ton hésitant, en s'abstenant de donner son nom.

- Mais, bon sang, où es-tu ? s'écria Caterina.

Sa voix lui fit l'effet d'une délivrance.

- Dieu merci ! dit-il tout bas.