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- Comment cela, Dieu merci ? demanda Caterina. Je n'ai rien dit du tout. Tout va bien chez toi ?

Malberg bredouilla.

- Oui. Ou plutôt, non. Je viens de recevoir un curieux appel.

- De qui ?

- J'aimerais bien le savoir. L'homme avait une voix grave et glaciale. Il ne m'a pas donné son nom, bien que je le lui aie demandé.

- Et que voulait-il ?

- Que j'arrête de fourrer mon nez dans la vie de Marlène. Et surtout que je ne mêle pas sa sœur à cette affaire. Et puis, il a dit quelque chose de bizarre : que je devais penser au secrétaire du cardinal Gonzaga. J'ai oublié le nom qu'il m'a donné.

- Monsignor Giancarlo Soffici ?

- Oui, je crois que c'est ce nom-là.

Il y eut un long silence que Malberg interrompit.

- Caterina, pourquoi ne dis-tu rien ? Que se passe-t-il ?

- J'ai peur pour toi, finit-elle par répondre.

- Peur ? Malberg s'efforçait de garder son calme. Pourquoi peur ?

- Tu ne lis donc pas les journaux ?

- Non, désolé, je n'en ai pas encore trouvé le temps.

- Les journaux italiens titrent sur la mort tragique du secrétaire du cardinal Gonzaga.

- Qu'y a-t-il de si tragique à cela ?

- Il a été victime d'un accident sur une route de montagne qui conduit au château de Layenfels, une forteresse qui domine le Rhin. Tu la connais ?

- Jamais entendu parler ! Il y en a tellement !

- L'histoire est mystérieuse au plus haut point. Le secrétaire a brûlé dans sa voiture, qui était en fait le véhicule de fonction du cardinal secrétaire d'État Philippo Gonzaga. Ladite voiture avait disparu quelques jours auparavant. Les plaques minéralogiques de la Mercedes étaient fausses.

- C'est étrange, vraiment étrange ! remarqua Malberg.

Il feignait d'avoir l'air détendu, afin de ne pas alarmer Caterina. En vérité, les menaces de l'inconnu repassaient en boucle dans sa tête. Songez à Soffici ! Il comprit tout à coup les insinuations de cet homme. Songez à Soffici !

Il s'agissait d'une menace de mort. Et c'était aussi la preuve que le prétendu accident du monsignor n'en était pas un, mais plutôt un assassinat déguisé en accident...

- Dans un des articles à propos de la mort mystérieuse de Soffici, poursuivit Caterina, j'ai trouvé une photo de cette forteresse sur les bords du Rhin. Maintenant, tiens-toi bien : il y a sur la photo un indice qui renvoie directement à la mort de Marlène Ammer.

- C'est de la folie.

- Tu ne crois pas si bien dire. Cette forteresse est le siège d'une confrérie obscure qui dispose de beaucoup d'argent et qui héberge de grands esprits.

- Et où est le lien avec Marlène ?

Pas de réponse.

- Allô ? Allô ?

La communication était coupée. Malberg sentit son pouls s'emballer. Il tenta sans y parvenir de rappeler Caterina. C'était vraiment étrange. Son téléphone émit un bip. Caterina venait de lui envoyer un texto.

Je prends le premier vol pour Munich. Viens me chercher à l'aéroport stp. Je t'aime. C.

Malberg se laissa tomber dans le gros fauteuil où il s'asseyait toujours pour examiner les livres de valeur. Il n'avait pas vraiment le loisir de le faire en ce moment. Il rejeta la tête en arrière et fixa le plafond.

Ce que Caterina venait de lui dire n'était pas vraiment fait pour lui remonter le moral. Il sentait plus que jamais auparavant à quel point il avait besoin d'elle et à quel point elle faisait désormais partie de sa vie.

Il aurait bien aimé dormir, mais il était trop agité.

Tout à coup, il se leva d'un bond. Il prit dans le tiroir d'un secrétaire les clés de sa Jaguar et une lampe de poche. Puis il enfila une veste de cuir et descendit dans le garage de son immeuble.

La voiture élégante et capricieuse se trouvait là où il l'avait laissée, au milieu de toutes les Audi, Mercedes et autres coupés Porsche. Elle avait un peu pris la poussière, ce qui n'avait rien d'étonnant après une immobilisation de dix semaines.

Malberg s'approcha de son véhicule, tel un limier. Les néons répandaient une lumière blafarde dans le garage. Lukas alluma néanmoins sa lampe de poche et braqua le faisceau lumineux vers l'intérieur du véhicule. Il ne remarqua rien de particulier, rien qui lui parût suspect.

Une fois à la hauteur de la porte, côté conducteur, il se mit à genoux sur le sol en béton et éclaira le dessous de la Jaguar. Jamais encore il n'avait vu sa voiture sous cet angle-là. Il examina chaque détail.

Il s'y connaissait assez peu en mécanique. Il aurait été incapable de remarquer une éventuelle transformation du châssis. Il introduisit prudemment la clé dans la serrure de la portière.

Mais, tout à coup, il se figea, comme paralysé. Sa main droite refusait de tourner la clé. Malberg retira tout aussi prudemment la clé de la serrure. Il sentit la sueur couler le long de sa nuque. L'ombre de Marlène se rappelait à son souvenir.

Une fois de plus.

50

Au château de Layenfels, l'atmosphère était explosive. La tension et la méfiance qui sévissaient entre les Fideles Fidei Flagrantes avaient atteint un tel point que, désormais, ils s'évitaient et n'échangeaient plus que quelques rares paroles lors des repas au réfectoire. Les frères ne communiquaient plus entre eux que par gestes, par un signe de la tête ou de la main. On se serait cru chez ces trappistes de la plus stricte observance qui cherchent le sens de la vie dans un silence total.

Tout avait commencé après que le cardinal secrétaire d'État Gonzaga eût livré au château le « linge » - comme on appelait désormais la relique - et que le professeur Murath eût commencé ses analyses. Anicet avait multiplié les annonces fracassantes selon lesquelles, si l'hypothèse de Murath se vérifiait, la confrérie deviendrait bientôt plus puissante que tous les chefs d'État du monde entier réunis. Il avait même parlé de l'émergence d'un autre monde et de la possibilité d'anéantir l'Église romaine.

Entre-temps, l'ancien cardinal Tecina avait presque perdu toute sa foi dans les recherches du biologiste Richard Murath et proclamait à qui voulait l'entendre que c'était à juste titre que le prix Nobel n'avait pas été décerné à ce professeur luminophobe.

Dans le château, maintenant divisé entre différentes factions, les rumeurs allaient bon train, et les paroles d'Anicet ne tardèrent pas à revenir aux oreilles du professeur. Il répondit devant tout le monde, et en fixant l'ex-cardinal, que les scientifiques seraient bien inspirés de ne pas s'embarrasser des ignorants qu'étaient les théologiens. Depuis, les deux hommes n'échangeaient plus que quelques mots par jour.

Murath avait un problème : pour étayer sa thèse, il avait besoin de procéder à une analyse génétique du sang de Jésus de Nazareth. Mais, à ce jour, toutes ses tentatives s'étaient révélées vaines ; en effet, il avait bien mis en évidence des traces de sang sur le linceul. Or, elles étaient toutes d'origines différentes.

Les analyses d'ADN correspondantes donnaient des résultats qui faisaient se dresser sur la tête les rares cheveux qui restaient au professeur. Ses détracteurs au sein de la confrérie jubilaient. Certaines taches de sang étaient récentes. D'autres provenaient du sang d'une personne de sexe féminin. En revanche, les traces de sang masculin datant du début du premier millénaire s'avéraient soit fausses, soit trop pâles pour être analysées. En un mot : inutilisables.

Anicet craignait que le linceul apporté par Gonzaga ne soit en réalité la géniale copie fabriquée à Anvers. Malheureusement, Coninck était mort avant de pouvoir lever ce doute.

La soirée s'annonçait semblable aux précédentes. Après avoir dîné au réfectoire, Anicet hissa sa maigre carcasse quatre paliers plus haut, à l'étage des laboratoires. Le professeur Murath passait comme toujours la soirée reclus dans son laboratoire ; le biologiste était de mauvaise humeur, fermé à toute discussion, rendant Dieu et le monde responsables de son échec.