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— Parce qu’ils n’occupent pas des postes suffisamment importants ? suggéra la nonne.

— A moins qu’ils ne soient à court de quincaillerie, dit Claude.

— Mais ça se pourrait bien, renchérit Felice. Pour fabriquer ce genre de chose, il faut une technologie assez sophistiquée, non ? Et jusque-là. tout m’a l’air plutôt branlant. Est-ce que vous avez vu que ce calibreur psychique n’arrêtait pas de se coincer ? Et il n’y avait même pas l’eau courante dans les salons de réception.

— En tout cas, remarqua Anna-Maria, ils n’ont pas touché à ma pharmacie. Les colliers doivent protéger les gardes contre toute tentative d’empoisonnement. Pas mal. Un gadget dont aucun esclavagiste digne de ce nom ne devrait se passer.

— Ils n’ont peut-être même pas besoin des colliers pour faire régner l’ordre, dit Claude d’un ton sinistre. (Il désigna les locataires apathiques du dortoir.) Regardez ceux-là ! Ceux qui avaient encore un peu de nerf ont tenté de s’évader et ils sont allés nourrir les chiens-ours. Je pense que la plupart de ceux qui se retrouvent dans un cauchemar pareil sont tellement traumatisés qu’ils se laissent flotter en espérant seulement que cela n’ira pas plus mal. Les gardes ne sont pas méchants et ils n’arrêtent pas de nous parler de la vie merveilleuse qui nous attend. La nourriture n’est pas mauvaise. Est-ce que vous ne préférez pas attendre et voir comment ça se passe plutôt que de vous battre ?

— Non, dit Felice.

— Ce qui attend les femmes n’est pas aussi joyeux, Claude, ajouta Anna-Maria. (Elle lui raconta brièvement son entrevue avec Epone et lui expliqua les origines des exotiques et leurs projets de reproduction.) Vous pourrez sans doute construire tranquillement vos cabanes en rondins, Claude, mais Felice et moi, nous risquons de nous retrouver en juments poulinières.

— Mon Dieu ! souffla Claude. Qu’ils soient maudits !

Il regarda ses grandes mains, toujours aussi fortes mais tachetées de roux, avec leurs veines bleues et noueuses.

— Dans un vrai combat, on ne vaudrait pas tripette. C’est de Stein dont nous avons besoin.

— Ils l’ont pris, lui dit Anna-Maria avant de lui rapporter ce que Tully lui avait dit à propos du « traitement » que l’on avait fait subir au Viking pour qu’il ne crée plus d’ennuis. Ils ne comprenaient que trop bien ce que cela signifiait.

— Y en a-t-il d’autres de notre groupe ici ? demanda Felice.

— Rien que Richard. Mais il dort depuis que je suis arrivé, ce matin. Et je ne suis pas parvenu à le réveiller. Anna-Maria, vous devriez peut-être jeter un coup d’œil sur lui.

Elle prit son sac et suivit Claude jusqu’à la couchette de Richard. Alentour, les autres lits étaient déserts. Pour une raison qui était évidente : le pirate s’était souillé. Il dormait toujours, les bras croisés contre la poitrine, les genoux ramenés presque jusqu’au menton.

Anna-Maria lui souleva une paupière avant de tâter son pouls.

— Jésus, dit-elle, il est presque en état catatonique. Qu’ont-ils pu lui faire ?

Elle prit dans son sac un mini-injecteur qu’elle pressa rapidement contre la tempe de Richard. A l’instant où la capsule explosa et où la drogue pénétra dans son torrent sanguin, il émit un faible gémissement.

— Il existe une chance pour qu’il se remette si son état n’est pas trop avancé, dit Anna-Maria. En attendant, est-ce que vous pouvez m’aider à le nettoyer ?

— D’accord, dit Felice en commençant à enlever son armure. Son sac est là. Il doit avoir des vêtements de rechange.

— Je vais chercher de l’eau, dit Claude.

Il gagna la salle d’eau, emplit un seau de bois au bassin de pierre, et prit du savon ainsi que quelques serviettes de tissu rugueux. En revenant dans le dortoir, il rencontra le regard d’un des Gitans.

— Tu aides ton ami, vieil homme… Mais il est peut-être mieux comme ça. Au moins, il ne peut leur servir à rien.

Une femme au crâne rasé s’accrocha à son bras. Elle était vêtue d’une robe jaune et froissée et son visage d’orientale était couvert de cicatrices qui faisaient peut-être partie de ses vœux de religion.

— Nous voulions être libres, coassa-t-elle. Mais ces monstres venus d’une autre galaxie vont nous réduire en esclavage. Et le pire, c’est qu’ils ont l’air humains.

Claude parvint à s’en libérer et, ignorant les appels et les gémissements, il retourna auprès de Richard et des deux femmes.

— Je lui ai fait une deuxième injection, déclara Anna-Maria d’un air sombre. Ou bien ça va le remettre sur pieds, ou bien ça va le tuer… Bon sang… si seulement nous avions du glucose.

— Ils sellent les destriers des fées ! lança le chevalier errant. Bientôt, nous serons en route par Narnia !

— Claude, allez voir ce qui se passe, dit Felice.

Il parvint à se frayer un chemin parmi les prisonniers qui se pressaient devant le mur de pierres ajourées qui les séparait de la cour centrale. Des garçons d’écurie sortaient des chalicothères du corral et les attachaient par couple à des poteaux. D’autres serviteurs arrivèrent du château avec des provisions de route et entreprirent de seller les montures. Huit d’entre elles eurent droit à un harnachement décoré de bronze et à un équipement guerrier qui indiquait qu’elles devaient être réservées aux soldats.

— Apparemment, dit une voix amusée tout près de Claude, ils ne pensent pas qu’il sera utile de nous garder pendant le voyage… (C’était Basil, l’Alpiniste, qui observait les préparatifs avec le plus grand intérêt.) Ah ! Voilà l’explication ! Regardez comment ils ont modifié les étriers.

Des chaînes de bronze y avaient été ajoutées. Elles étaient étroitement enveloppées de cuir et suffisamment lâches pour ne constituer qu’une entrave supportable une fois attachées aux chevilles du cavalier.

Le sellage prit quelque temps et le soleil commença à décliner derrière le château. Il était maintenant évident qu’ils allaient voyager de nuit. La chaleur du jour, dans la savane, devait être difficilement supportable. Une escouade de quatre soldats conduite par un officier portant une courte cape bleue entra dans l’enceinte. Les soldats étaient coiffés de casques de bronze léger et ils portaient une cuirasse par-dessus leur short et leur chemise. Leur armement était composé d’arcs à poulies complexes, de lances de vitradur et de glaives. Les prisonniers reculèrent devant eux et l’officier s’adressa calmement à l’assistance :

— Vous tous, voyageurs, écoutez-moi ! Nous allons partir sous peu. Je suis le captal Waldemar, chef de la caravane. Pendant la semaine qui suit, nous allons apprendre à nous connaître. Je sais que certains d’entre vous ont passé des moments pénibles, avec cette chaleur, à attendre ici que le contingent soit au complet. Mais bientôt cela ira mieux. Nous allons faire route vers le nord. Notre but est la ville de Finiah, où vous pourrez enfin vous fixer. C’est une cité agréable et il y fait nettement plus frais qu’ici. Nous allons couvrir environ quatre cents kilomètres en quatre jours. Pendant les deux premiers jours, nous voyagerons la nuit pour traverser la région chaude, ensuite, dans la Forêt Hercynienne, nous voyagerons à nouveau durant le jour.

» A présent, écoutez-moi bien ! Ne nous créez pas d’ennuis et tout se passera bien, vous aurez droit à de bons repas à chaque étape. Mais si vous foutez le bordel, vous serez rationnés. Et si vous me mettez vraiment de mauvaise humeur, alors là vous ne mangerez plus du tout. Ceux d’entre vous qui pensent à s’enfuir devraient penser un peu à tout ce zoo fossile qui va nous guetter tout au long de la route. Ici, les chats ont des dents de sabre et ils sont plus gros que des lions, et les hyènes feraient peur à un ours grizzly. Les sangliers sauvages ont la taille d’un bœuf et ils vous arrachent une jambe d’un coup de dent. Je ne vous parle pas des rhinos et des mastodons qui peuvent vous écrabouiller sans même vous avoir vu. Ni des dynothériums, des éléphants avec des défenses comme des socs de charrue. Ils adorent jouer avec les gens et danser sur leurs miettes. Cinq mètres de hauteur à l’épaule… Et si vous réussissez à échapper aux gros méchants, vous tombez sur le menu fretin. Les ruisseaux sont infestés de crocos et de pythons. Les bois sont remplis d’araignées avec des corps gros comme des pêches et des crocs de vipères. Et si aucun animal n’a votre peau, les Firvulag vous attendront au tournant. Pour jouer avec votre esprit jusqu’à ce que vous deveniez fou ou que vous creviez d’horreur.