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« Postel étudie l'hébreu, cherche à montrer que c'est la matrice commune de toutes les langues, traduit le Zohar et le Bahir, a des contacts avec les kabbalistes, lance un projet de paix universelle analogue à celui des groupes rose-croix allemands, il cherche à convaincre le roi de France de s'allier avec le sultan, il visite la Grèce, la Syrie, l'Asie Mineure, il étudie l'arabe, en un mot il reproduit l'itinéraire de Christian Rosencreutz. Et ce n'est pas un hasard s'il signe certains écrits du nom de Rosispergius, celui qui répand la rosée. Et Gassendi, dans son Examen Philosophiae Fluddanae, dit que Rosencreutz ne vient pas de rosa mais de ros, rosée. Dans l'un de ses manuscrits il parle d'un secret à garder jusqu'à ce que viennent les temps, et il dit : " pour que les perles ne soient pas jetées aux pourceaux ". Et vous savez où apparaît cette citation évangélique ? Au frontispice des Noces Chimiques. Et l'abbé Marin Mersenne, dénonçant le Rose-Croix Fludd, dit qu'il est de la même engeance que cet atheus magnus de Postel. Par ailleurs, il semble que Dee et Postel se sont rencontrés en 1550, sans probablement savoir encore, et ils n'auraient pu savoir avant que trente années ne s'écoulent, qu'ils étaient, eux deux, les grands maîtres du Plan destinés à se rencontrer en 1584. Or Postel déclare, oyez oyez, qu'en tant que descendant direct du fils aîné de Noé, et vu que Noé est le fondateur de la lignée celtique et donc de la civilisation des druides, le roi de France est l'unique prétendant légitime au titre de Roi du Monde. Texto, le Roi du Monde d'Agarttha, mais il le dit trois siècles avant. Laissons tomber le fait qu'il devient amoureux d'une vieille décatie, Joanne, et qu'il la considère comme la Sophia divine, l'homme devait avoir une case en moins. Il faut bien noter qu'il avait des ennemis puissants, on l'a taxé de chien, monstre exécrable, cloaque de toutes les hérésies, possédé par une légion de démons. Toutefois, même avec le scandale de Joanne, l'Inquisition ne le tient pas pour hérétique, mais bien pour amens, disons un peu atteint. En somme, on n'ose pas détruire l'homme parce qu'on sait qu'il est le porte-parole d'un certain groupe assez puissant. Je signale à Diotallevi que Postel voyage aussi en Orient et qu'il est le contemporain d'Isaac Luria, tirez-en les conséquences qu'il vous plaira. Bien ; en 1564 (l'année où Dee écrit la Monas Ierogliphica), Postel rétracte ses hérésies et se retire... devinez où ? Dans le monastère de Saint-Martin-des-Champs ! Qu'est-ce qu'il attend? Évidemment il attend l'année 1584.

– Évidemment », confirma Diotallevi.

Je poursuivis : « Vous vous rendez compte ! Postel est grand maître du noyau français, qui guette le contact avec le groupe anglais. Mais il meurt en 1581, trois ans avant la rencontre. Conclusions : primo, l'accident de l'année 1584 a lieu parce qu'il manque, juste au moment où il le faudrait, un esprit aigu comme Postel, en mesure de comprendre ce qui se passait avec la confusion des calendriers ; secundo, Saint-Martin était un lieu où les Templiers se trouvaient chez eux depuis toujours, et où se retranchait, en attendant, l'homme chargé d'établir le troisième contact. Saint-Martin-des-Champs était le Refuge !

– Tout s'assemble comme dans une mosaïque.

– Maintenant, suivez-moi bien. A l'époque du rendez-vous manqué, Bacon n'a que vingt ans. Mais, en 1621, il devient le vicomte de Saint-Albans. Que trouve-t-il dans les possessions ancestrales ? Mystère. Toujours est-il que c'est précisément cette année-là que quelqu'un l'accuse de corruption et le fait enfermer un certain temps en prison. Bacon avait découvert quelque chose qui faisait peur. Peur à qui ? C'est certainement à cette époque que Bacon comprend que Saint-Martin doit être gardé sous contrôle, et qu'il conçoit l'idée de réaliser là-bas sa Maison de Salomon, le laboratoire où il pourrait parvenir, par des moyens expérimentaux, à découvrir le secret.

– Mais, demanda Diotallevi, que pouvons-nous trouver qui mette en contact les héritiers de Bacon avec les groupes révolutionnaires de la fin du XVIIIe?

– Ne serait-ce pas par hasard la franc-maçonnerie ? dit Belbo.

– Superbe idée. Au fond, c'est Agliè qui nous l'a suggérée, le soir où nous étions au château.

– Il faudrait reconstituer les événements. Qu'est-ce qui s'est exactement passé dans ces milieux-là ? »

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Au sommeil éternel... n'échapperaient donc que ceux qui, déjà au cours de leur vie, auront su orienter leur conscience vers le monde supérieur. Les Initiés, les Adeptes, constituent la limite de cette voie. Le « souvenir », l'anamnesis, réalisé, d'après Plutarque ils deviennent libres, ils vont sans liens, couronnés, ils célèbrent les « mystères » et regardent sur terre la foule de ceux qui ne sont pas initiés et qui ne sont pas « purs », s'écraser et se bousculer dans la fange et les ténèbres.

Julius EVOLA, La tradizione ermetica, Roma, Edizioni Mediterranee, 1971, p. 111.

Avec une belle crânerie, j'offrais mes services pour une recherche rapide et précise. J'aurais mieux fait de me taire. Je me trouvai dans un marais de livres qui comprenaient des études historiques et des ragots hermétiques, sans parvenir aisément à distinguer les renseignements fondés des informations fantaisistes. Je travaillai comme un automate pendant une semaine, et à la fin je me décidai à présenter une liste presque incompréhensible de sectes, loges, conventicules. Non sans que j'eusse eu, tout en l'établissant, quelques frémissements, lorsque je rencontrais des noms connus que je ne m'attendais pas à trouver en cette compagnie, et des coïncidences chronologiques qu'il m'avait semblé curieux d'enregistrer. Je montrai le document à mes deux complices.

1645 – Londres : Ashmole fonde l'Invisible College, d'inspiration rose-croix.

1662 – De l'Invisible College naît la Royal Society, et de la Royal Society, comme tout le monde le sait, la Franc-Maçonnerie.

1666 – Paris : Académie des Sciences.

1707 – Naissance de Claude-Louis de Saint-Germain, si vraiment il est né.

1717 – Création d'une Grande Loge Londonienne.

1721 – Anderson rédige les Constitutions de la maçonnerie anglaise. Initié à Londres, Pierre le Grand fonde une loge en Russie.

1730 – Montesquieu, de passage à Londres, est initié.

1737 – Ramsay affirme l'origine templière de la maçonnerie. Origine du Rite Écossais, dorénavant en conflit avec la Grande Loge Londonienne.

1738 – Frédéric, alors prince héritier de Prusse, est initié. Il sera le protecteur des Encyclopédistes.

1740 – Naissance, autour de ces années-là, en France, de différentes loges : les Écossais Fidèles de Toulouse, le Souverain Conseil Sublime, la Mère Loge Écossaise du Grand Globe Français, le Collège des Sublimes Princes du Royal Secret de Bordeaux, la Cour des Souverains Commandeurs du Temple de Carcassonne, les Philadelphes de Narbonne, le Chapitre des Rose-Croix de Montpellier, les Sublimes Élus de la Vérité...

1743 – Première apparition publique du comte de Saint-Germain. A Lyon, création du grade de Chevalier Kadosch, qui doit venger les Templiers.

1753 – Willermoz fonde la loge de la Parfaite Amitié.

1754 – Martines de Pasqually fonde le Temple des Élus Cohen (ou peut-être le fait-il en 1760).

1756 – Le baron von Hund fonde la Stricte Observance Templière. Certains disent qu'elle est inspirée par Frédéric II de Prusse. On y parle pour la première fois des Supérieurs Inconnus. Certains insinuent que les Supérieurs Inconnus sont Frédéric et Voltaire.