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Maïka émit un sifflement.

— C’est trop vicieux, marmonna-t-elle, dubitative.

— Proposez une autre explication, objecta froidement Komov. Du reste, nous n’allons pas tarder à connaître les noms des morts. Si le pilote s’appelait Alexandre …

— Bon, d’accord, dis-je. Et le bébé qui pleurait ?

— Êtes-vous sûr que c’était un bébé ?

— Avec qui peut-on confondre ?

Komov me fixa, serra fortement son doigt contre sa lèvre supérieure et, soudain, aboya d’une voix sourde. Aboya, je ne trouve pas d’autre mot.

— Qu’est-ce que c’était ? demanda-t-il. Un chien ?

— Ça y ressemble, fis-je respectueusement.

— Eh bien, j’ai prononcé une phrase en un des dialectes de la Léonida.

J’étais anéanti. Maïka aussi. Pendant quelque temps nous gardâmes le silence. Il en allait sûrement comme il racontait. Tout s’éclaircissait, tout avait pris un aspect très élégant, mais … Cela nous faisait, naturellement, grand plaisir de savoir que nos craintes restaient loin derrière et que c’était justement notre équipe qui avait eu la chance de découvrir encore une race humanoïde. Cependant, cela annonçait en même temps un changement des plus décisifs de nos destinées. Et pas que des nôtres. Premièrement, à l’œil nu on voyait que le projet Arche coulait. La planète occupée, il faudrait en chercher une autre pour les Panthiens. Deuxièmement, si l’intelligence des aborigènes se vérifiait, on nous balancerait, probablement, sur-le-champ, loin d’ici, et à notre place débarquerait la Commission pour les contacts. Ces considérations semblaient évidentes non seulement pour moi, mais pour les autres aussi. Wanderkhouzé tira, dépité, sur ses favoris et demanda :

— Pourquoi obligatoirement intelligents ? À mon avis, pour le moment, strictement rien ne prouve qu’ils sont obligatoirement intelligents, qu’en pensez-vous, Guénnadi ?

— Je n’affirme pas qu’ils le sont, riposta Komov. J’ai seulement dit il y a des raisons de supposer que c’est ainsi.

— Quelles raisons ? continua à s’affliger Wanderkhouzé. (Il ne se sentait aucune envie de quitter son nid. On lui connaissait ce point faible — son amour des nids.) De quelles raisons parlez-vous ? Je ne vois que son aspect physique …

— Il ne s’agit pas que d’anatomie, protesta Komov. Les cailloux sous le phare sont disposés dans un ordre évident, ce sont je ne sais quels signes. Les cailloux et les branches sur la piste d’atterrissage … Je ne veux rien certifier catégoriquement, mais ça ressemble beaucoup à une tentative d’établir un contact réalisée par des humanoïdes à la culture primitive. Reconnaissance secrète et en même temps soit des offrandes, soit un avertissement …

— Oui, cela en a Pair, marmonna Wanderkhouzé, et il retomba dans son état de prostration.

Un nouveau silence s’établit, puis Maïka demanda d’une voix basse :

— Et qu’est-ce qui nous permet de conclure qu’ils sont tellement proches de nous par leur organisation physiologique et nerveuse ?

Komov opina, satisfait :

— Ici aussi nous ne possédons que des considérations indirectes. Cependant ces considérations sont assez probantes. Premièrement, les aborigènes sont capables de s’introduire dans le vaisseau. Le vaisseau les laisse entrer. À titre de comparaison je vous rappelle que ni un Tagorien, ni un Panthien, malgré toute leur ressemblance frappante avec l’homme, ne peuvent franchir la membrane de la trappe. La trappe ne s’ouvrira simplement pas devant eux …

Là, je m’assenai un coup sur le front.

— Nom d’un chien ! Donc, mes cybers marchaient bien ! Il est probable que les aborigènes couraient devant Tom, et chaque fois il s’arrêtait de peur d’écraser un homme … De plus, ils devaient prendre Tom pour un être vivant, ils agitaient leurs bras et lui ont donné par hasard le signal « Danger ! Réintégrez immédiatement l’astronef ! » Voyez-vous, c’est un signal très simple … Je le montrai. Alors mes gamins ont fait la course à qui grimperait le premier dans la soute … C’est sûrement ainsi que les choses se sont passées … D’ailleurs, je l’ai vu de mes propres yeux : Tom a réagi devant l’aborigène comme devant un homme.

— C’est-à-dire ? demanda vivement Komov.

— C’est-à-dire quand l’aborigène est entré dans son champ de vision, Tom a donné le signal « J’attends vos ordres ».

— Une observation très précieuse, constata Komov.

Wanderkhouzé poussa un gros soupir.

— Oui, fit Maïka. C’est la fin de l’Arche. Dommage.

— Que va-t-il arriver maintenant ? questionnai-je, sans m’adresser à personne en particulier.

Je ne reçus pas de réponse. Komov ramassa ses notes et découvrit à nos yeux la petite boite du dictaphone dissimulée dessous.

— Je vous prie de m’excuser, annonça-t-il avec un sourire charmeur. Afin de ne pas gaspiller de temps j’ai enregistré notre discussion. Je vous remercie d’avoir posé des questions bien formulées. Stas, je vous prierai de coder tout cela et de l’envoyer en impulsion urgente directement au Centre, avec une copie pour la base.

— Pauvre Sidorov, prononça Wanderkhouzé à mi-voix.

Komov lui jeta un bref regard et rebaissa les yeux sur ses papiers.

Maïka écarta son fauteuil.

— En tout cas, c’est la fin de l’intendance, lança-t-elle. Je vais faire mes bagages.

— Une minute, l’arrêta Komov. L’un de vous a demandé ce qui va arriver maintenant. Je réponds. En tant que membre plénipotentiaire de la Commission pour les contacts, je prends le commandement. Je déclare notre région zone de contact éventuel. Yakov, soyez aimable de rédiger un radiogramme adéquat. Tous les travaux sur le projet Arche sont arrêtés. Les robots désactivés et transférés dans la soute. Vous quitterez le vaisseau uniquement avec ma permission personnelle. La course aux lévriers d’aujourd’hui a dû déjà créer une certaine difficulté pour le contact. De nouveaux malentendus seraient extrêmement indésirables. Maya, je vous demande de parquer le glider dans le hangar. Stas, s’il vous plaît, occupez-vous de votre cybersystème … (Il leva un doigt.) Toutefois envoyez avant l’enregistrement de notre discussion … Il sourit et fut sur le point d’ajouter quelque chose mais à cet instant le déchiffreur de l’émetteur se mit à crépiter.

Wanderkhouzé tendit son long bras, extirpa de l’appareil la carte du radiogramme et le parcourut. Ses sourcils remontèrent sur son front.

— Je n’y comprends rien, marmotta-t-il, et, jetant la carte sur la table, il fit quelques pas, les mains croisées dans le dos.

Je pris la carte. Maïka soufflait, excitée, par-dessus mon oreille. Le radiogramme était effectivement inattendu.

URGENT. LIAISON-ZÉRO. CENTRE, COMMISSION POUR LES CONTACTS, GORBOVSKI AU CHEF DE LA BASE ARCHE SIDOROV ARRÊTEZ IMMÉDIATEMENT TOUS LES TRAVAUX SUR LE PROJET. PRÉPAREZ L’ÉVACUATION ÉVENTUELLE DU PERSONNEL ET DE L’ÉQUIPEMENT. ANNEXE À KOMOV, REPRÉSENTANT PLÉNIPOTENTIAIRE DE LA COMCONE. JE DECLARE LA REGION ER-2 ZONE DE CONTACT ÉVENTUEL. VOUS EN ÊTES NOMMÉ RESPONSABLE.

— Ça alors ! s’écria Maïka avec admiration. Bravo, Gorbovski !

Komov s’arrêta et nous contempla par en dessous.

— Je vous prie tous de passer à l’exécution de mes ordres. Yakov, trouvez-moi, s’il vous plaît, la copie de notre rapport d’enquête.

Lui et Wanderkhouzé se plongèrent dans l’étude de la copie, Maïka s’en alla parquer le glider, et moi, je m’installai près de l’émetteur et commençai à coder notre discussion. Toutefois, à peine deux minutes plus tard, notre déchiffreur crépita de nouveau. Komov repoussa Wanderkhouzé et bondit vers le récepteur. Penché par-dessus mon épaule, il lisait avidement les lignes qui apparaissaient sur la carte.