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Tutmosis ordonna à un officier de lui amener immédiatement Pentuer puis il se rendit chez Ramsès. Un instant plus tard, il priait Hiram de le suivre.

Lorsqu’ils entrèrent chez le pharaon, ils trouvèrent la pièce pleine de généraux. La reine Nikotris était là elle aussi, ainsi que le grand trésorier et le grand scribe. Ramsès, très nerveux, arpentait la pièce à pas rapides.

Voyant entrer Hiram, Ramsès se tourna vers lui :

— As-tu les lettres de Herhor ? lui demanda-t-il.

Le Phénicien tira de dessous son manteau un petit paquet et le tendit en silence au pharaon.

— Voilà ce qui me manquait ! s’écria joyeusement Ramsès. Faites immédiatement annoncer au peuple que les archiprêtres ont trahi l’État !..

— Mon fils, intervint la reine, je t’adjure sur l’ombre de ton père d’attendre quelques jours avant de faire cette révélation !.. Il faut se méfier des présents que font les Phéniciens !..

— Seigneur, intervint Hiram avec un sourire ironique, tu peux même brûler ces lettres. Je n’y tiens nullement.

Le pharaon ne répondit pas et cacha les lettres sous sa tunique.

À ce moment, Pentuer entra dans la pièce. Ses vêtements étaient en lambeaux, il paraissait hagard.

— Et toi, que viens-tu m’apprendre ? lui demanda Ramsès d’une voix nerveuse.

— Aujourd’hui, dans un instant, seigneur, aura lieu une éclipse du soleil ! s’écria Pentuer avec émotion.

Ramsès le regarda avec étonnement.

— Mais … que veux-tu que cela puisse me faire, surtout en ce moment ? …

— Seigneur, répondit Pentuer, j’ai pensé comme toi jusqu’au moment où j’ai relu dans d’anciennes chroniques la description de ce genre de phénomène … C’est un spectacle si effrayant que tu aurais dû en avertir tout ton peuple !

— Eh oui … murmura Hiram.

— Pourquoi ne me l’as-tu pas fait savoir plus tôt ? demanda Tutmosis à Pentuer.

— Tes soldats m’ont gardé prisonnier pendant deux jours … D’ailleurs, il est trop tard pour prévenir le peuple ; au moins, avertis les soldats de ta garde, pour éviter la panique !

Le pharaon frappa dans les mains.

— Ah ! Cette éclipse est vraiment inopportune ! murmura-t-il. Et en quoi consistera-t-elle ? … Et quand doit-elle se produire ? …

— La nuit se fera en plein jour, et durera le temps de marcher cinq cents pas … Cela commencera à une heure … C’est du moins ce que m’a dit Ménès …

— Ménès … Je connais ce nom.

— Oui, c’est un astronome … Il t’avait écrit pour te prévenir qu’une éclipse aurait lieu … Mais avertis donc tes soldats au plus vite !

Les trompettes sonnèrent. Les Asiates et la garde royale se rangèrent dans la cour et le pharaon entouré de sa suite leur annonça qu’une éclipse allait se produire, mais qu’il n’y avait rien à en redouter, et que le soleil réapparaîtrait aussitôt.

— Vive le pharaon ! crièrent les hommes.

En attendant l’éclipse, le pharaon se promena devant le front des troupes. Il était une heure environ et la clarté du jour semblait diminuer.

— Ce sera vraiment la nuit ? demanda Ramsès à Pentuer.

— Oui, mais elle sera très brève …

— Et où donc va se cacher le soleil ?

— La lune se placera devant lui …

— Oui, décidément, il faudra que je m’attache tous ces savants qui étudient les astres, dit le pharaon.

L’obscurité augmentait rapidement. Les chevaux des Asiates montraient des signes d’inquiétude, les oiseaux envahirent le jardin et recouvrirent les arbres.

— Chantez donc quelque chose ! ordonna Kalipsos à ses Grecs.

Les tambours résonnèrent, les flûtes sifflèrent, et le régiment grec entonna une chanson gaillarde où il était question de la fille d’un archiprêtre qui avait si peur des esprits qu’elle ne parvenait à dormir qu’à la caserne …

Soudain, une ombre épaisse descendit sur les collines environnantes, recouvrit Memphis, le Nil et les jardins du palais. Le soleil disparut et la nuit enveloppa la terre.

Un grand cri recouvrit le chant des soldats grecs : c’étaient les Asiates qui injuriaient les mauvais esprits de la nuit et lançaient vers le soleil obscurci une nuée de flèches.

— Tu prétends que ce disque noir c’est la lune ? demanda le pharaon à Pentuer.

— Oui, c’est ce qu’affirme Ménès …

— C’est un grand savant !.. Et cette obscurité va-t-elle bientôt se terminer ?

— Sans nul doute …

Effectivement, le soleil reparaissait déjà. Les soldats acclamèrent leur pharaon, et celui-ci embrassa Pentuer.

— Oui, vraiment, ce fut un spectacle étrange, dit-il … Je n’aimerais pas le revoir souvent. Si je n’étais pas soldat, je sens que j’aurais peur !

Hiram, cependant, s’était approché de Tutmosis.

— Envoie, seigneur, des estafettes à Memphis, lui dit-il ; car je crains que les prêtres n’y aient fait de bien mauvaises choses pour nous !..

— Tu crois ? …

— Ils ne gouverneraient pas ce pays depuis des siècles s’ils ne savaient pas exploiter des événements tels que l’éclipse d’aujourd’hui …

Le pharaon remercia ses troupes pour leur bonne tenue et rentra dans le pavillon. Il demeurait calme, mais l’inquiétude se lisait sur son visage.

Il comprenait maintenant que les prêtres disposaient de forces dont il n’avait pas tenu compte. Ces savants qui observaient le mouvement des astres, il appréciait maintenant leur science, cette science qui pouvait changer le cours d’événements aussi graves que ceux qui se déroulaient en ce moment.

Cependant, les courriers partaient pour Memphis l’un après l’autre. Mais aucun ne revenait, et l’inquiétude, puis l’angoisse, s’emparèrent de l’entourage de Ramsès. Personne ne doutait plus qu’au temple de Ptah s’étaient passés des événements imprévus, mais on ignorait leur nature exacte. Chaque minute qui passait augmentait l’appréhension du pharaon et de ses fidèles.

Ce n’est qu’à trois heures qu’arriva de Memphis un premier messager ; c’était l’adjudant du régiment placé au temple de Ptah. Il rapporta que le temple n’avait pu être pris à cause de la colère des dieux, que le peuple s’était enfui, que les prêtres triomphaient et que l’armée avait été prise de panique. Puis, avant pris à part Tutmosis, il lui déclara sans ambages que l’armée était démoralisée et que sa fuite désordonnée lui avait coûté autant de blessés qu’une bataille.

— Et que devient l’armée en ce moment ? demanda Tutmosis, effrayé.

— Nous avons réussi à reformer les régiments, mais il ne peut plus être question de les utiliser contre les temples … À la vue d’un crâne rasé, les soldats se prosternent et ce n’est pas de si tôt que nous leur ferons franchir la porte d’un temple !

— Et les prêtres ? …

— Ils bénissent les soldats, les soignent, leur ont donné à manger et à boire, et leur expliquent qu’ils ne sont pas responsables de l’attaque des temples, mais que les coupables sont les Phéniciens … Ah ! Si nous avions pu nous-mêmes attaquer les temples, nous y serions depuis ce matin, et les archiprêtres moisiraient dans les caves !..

À ce moment, l’officier de service annonça qu’un prêtre venait d’arriver de Memphis et désirait parler au pharaon.

Tutmosis le fit entrer. C’était un jeune homme au visage austère ; il prétendit venir de la part de Samentou. Ramsès le reçut immédiatement ; le prêtre, à sa vue, se prosterna et lui tendit une bague. En la voyant, Ramsès pâlit.

— Qu’est-ce que cela veut dire ? demanda-t-il.