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Une heure plus tard, le pharaon quittait le palais de Sarah et retournait d’un pas lent vers son pavillon. Il était rêveur et pensait que les prêtres étaient stupides de lui résister. Il n’y avait jamais eu, en Égypte, meilleur pharaon que lui.

Soudain, un homme sortit de derrière un buisson et barra la route à Ramsès. Celui-ci avança d’un pas pour voir son visage et s’écria :

— Ah, c’est toi, misérable ? Je te tiens enfin !

C’était Lykon. Ramsès le saisit par le cou et le jeta au sol ; au même instant, il sentit une vive brûlure au ventre.

— Tu mords encore ? dit-il.

En même temps, il serra plus fort encore le cou du Grec et lorsqu’il entendit craquer les vertèbres broyées, il le repoussa d’un geste de dégoût. Lykon s’écroula sur le sol avec un gémissement d’agonie.

Ramsès fit quelques pas hésitants puis, sentant croitre la douleur, il tâta sa tunique et découvrit le manche d’un poignard. Il retira de son ventre une lame toute mince et, de la main, pressa la plaie.

— Je me demande si un de mes généraux aura des pansements, pensa-t-il.

Une sensation de nausée l’envahit, et il pressa le pas. Un officier courut à sa remontre en criant :

— Tutmosis est mort !.. Le traître Eunane l’a tué !..

— Eunane ? … répéta le pharaon. Et les autres soldats ? …

— Ils étaient presque tous vendus aux prêtres !..

— Il faut en finir ! dit Ramsès. Appelez les Asiates !

La trompette retentit et les cavaliers asiates sortirent en courant de leur caserne.

— Donnez-mot un cheval ! dit Ramsès.

Mais un vertige lui fit fermer les yeux et il ajouta :

— Non … Avancez plutôt une litière … Je ne veux pas me fatiguer.

Il chancela et s’écroula dans les bras de ses officiers.

— J’allais oublier … dit-il d’une voix éteinte. Apportes-moi aussi mon casque et mon épée … Celle que je portais dans le désert … Nous allons à Memphis !

Des domestiques accoururent avec des torches. Le visage du pharaon était blême et ses yeux se voilaient déjà. Il tendit encore le bras, comme s’il cherchait une arme, remua les lèvres puis, au milieu du silence, le maître de l’Orient et de l’Occident cessa de respirer.

Chapitre XXV

De la mort de Ramsès XIII à ses funérailles, ce fut l’archiprêtre d’Amon à Thèbes, Herhor, qui assuma le pouvoir.

Ce fut pour l’Égypte une époque de grande prospérité. Herhor apaisa l’agitation populaire et octroya le repos hebdomadaire à tous les Égyptiens. Il protégea les Phéniciens et conclut avec l’Assyrie un traité de paix, sans toutefois lui céder la Phénicie. La justice fut rétablie et avec elle revint le calme. Aussi, après trois mois de ce gouvernement, le peuple disait-il :

— Béni soit Herhor !.. Il est digne de succéder à Ramsès XIII, fléau de l’Égypte, coureur de femmes et ruine du trésor !..

Ainsi, quelques semaines avaient suffi pour que le peuple oublie que toutes les réformes de Herhor n’étaient que la réalisation des projets d’un pharaon jeune et généreux.

En décembre, lorsque la momie de Ramsès XIII eut été déposée à Thèbes, les grands du royaume se réunirent au temple d’Amon. Tous les archiprêtres étaient là, les généraux, les gouverneurs, et aussi Nitager, le glorieux commandant des troupes d’Orient.

Il s’agissait de résoudre un grave problème d’État : la succession de Ramsès XIII, mort sans héritier.

Herhor, qui présidait, prit la parole le premier.

— Archiprêtres, généraux, dignitaires, nous sommes réunis ici pour donner une solution à un problème de grande importance. Avec la mort de Ramsès XIII, dont l’existence brève et agitée s’est terminée de tragique façon …

Ici, il poussa un profond soupir.

— Avec sa mort s’est éteinte la glorieuse vingtième dynastie …

Un murmure parcourut l’assemblée.

— La dynastie n’est pas éteinte, interrompit violemment le gouverneur de Memphis ; la reine Nikotris vit toujours, et c’est à elle que revient le trône !..

Herhor attendit un instant, puis enchaîna :

— Ma noble épouse, la reine Nikotris …

Un murmure d’étonnement couvrit ses paroles. Lorsque le silence fut rétabli, Herhor reprit d’une voix forte :

— Ma noble épouse, la reine Nikotris, inconsolable depuis la mort de son fils bien-aimé, a renoncé au trône …

— En as-tu la preuve ? s’écria le gouverneur de Memphis.

Sur un signe de Herhor, le grand juge de Thèbes lut l’acte de mariage conclu deux jours plus tôt entre Herhor, archiprêtre d’Amon, et Nikotris, veuve de Ramsès XII, mère de Ramsès XIII.

Un silence de mort accueillit cette lecture. Herhor reprit :

— Puisque mon épouse et dernière descendante de la vingtième dynastie a renoncé à ses droits au trône, nous devons élire un nouveau pharaon … Il doit être mûr, énergique et expert dans l’art de gouverner. C’est pourquoi je propose …

— Herhor ! cria une voix.

— Je propose, poursuivit Herhor, le glorieux Nitager.

Nitager resta assis un long moment, les yeux mi-clos, un sourire indéfinissable aux lèvres. Enfin, il se leva et dit :

— Le titre de pharaon ne manquera jamais de candidats … Il n’y en a jamais que trop ! Mais les dieux désignent sans doute possible un homme qui dépasse tous les autres d’une tête. Aussi, au lieu d’accepter la glorieuse couronne que l’on m’offre, je répondrai : Vive le premier pharaon de la nouvelle dynastie, Sam-Amen-Herhor !

Tous les assistants, à de rares exceptions près, répétèrent le même cri, et le grand juge fit apporter sur un plateau deux toques : une blanche et une rouge, symboles de la Basse et de la Haute-Égypte. Herhor baisa le serpent doré qui les ornait et s’en coiffa.

Alors commença l’hommage des grands d’Égypte. Il dura plusieurs heures. En même temps, un acte fut dressé, que tous signèrent, et dès ce moment, Herhor fut pharaon d’Égypte.

Le soir, il rentra fatigué dans ces appartements. Il y trouva Pentuer, plus maigre que jamais, le visage triste et accablé. Le prêtre se prosterna, mais Herhor le releva et lui dit en souriant :

— Tu n’as pas signé mon élection, tu ne m’as pas rendu hommage ; devrai-je t’assiéger un jour ou l’autre au temple de Ptah ? … Eh bien, as-tu réfléchi ? Restes-tu près de moi ou préfères-tu Ménès ?

— Pardonne-moi, seigneur, répondit Pentuer, mais la vie de Cour m’a lassé, et je n’ai plus qu’un désir : me plonger dans l’étude.

— Tu ne parviens donc pas à oublier Ramsès ! Pourtant, tu l’as si peu connu …

— Ne me blâme pas, seigneur ; Ramsès XIII fut le premier pharaon à comprendre la misère du peuple égyptien.

Herhor sourit à nouveau.

— Ah, ces savants !.. dit-il en hochant la tête. C’est toi qui as attiré l’attention de Ramsès sur la condition du peuple, et maintenant tu portes son deuil quoiqu’il n’ait rien fait pour ce peuple ! De même Ménès : il ne se doute pas que sa lettre annonçant une éclipse du soleil a renversé la dynastie !.. Sans elle, Méfrès et moi casserions sans doute des pierres aux carrières … Va, Pentuer, va, et salue Ménès de ma part. Sache aussi que je sais être reconnaissant, ce qui est un des grands secrets du succès. Va et reviens quand tu voudras ; il y aura toujours pour toi une place de choix à mes côtés …

Il leva le bras et bénit Pentuer humblement agenouillé.

FIN