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— Nous les trouverons avec l’aide des Phéniciens,

— Un tel scandale ne mettra-t-il pas l’Égypte en danger ?

— Absolument pas. Il y a quatre cents ans, le pharaon Aménothèpe IV a renversé le pouvoir des prêtres et a pillé les temples … Personne n’est venu défendre le clergé : ni le peuple, ni la noblesse ! Il en sera de même cette fois-ci, d’autant plus que la foi est bien ébranlée !

— Et qui a aidé Aménothèpe ? demanda le pharaon.

— Le prêtre Ey.

— Qui a succédé sur le trône à Aménothèpe IV, n’est-il pas vrai ? demanda Ramsès en regardant fixement Samentou.

Mais celui-ci répondit calmement :

— Cela prouve simplement qu’Aménothèpe était un mauvais roi …

— Tu es vraiment sage, dit Ramsès.

— Je suis à tes ordres, seigneur.

— Je te nomme donc mon conseiller ; mais tu ne viendras me trouver que secrètement.

— Je crois que c’est la meilleure solution. Je t’aiderai autant que je le pourrai, mais sans que personne ne le sache.

— Et tu trouveras le chemin du trésor du Labyrinthe ?

— J’espère qu’avant ton retour de Thèbes, où tu assisteras aux funérailles de ton père, j’aurai réuni toutes les indications nécessaires. Et lorsque nous aurons transporté les trésors au palais, lorsque le tribunal aura condamné Herhor et Méfrès — que tu pourras ensuite gracier — à ce moment-là je me montrerai au grand jour, et j’abandonnerai le temple de Set !

— Et tu crois que nous réussirons ?

— Je m’en porte garant ! s’écria Samentou. Il sera facile de soulever la populace contre les temples ; l’armée t’obéit ; tous les Égyptiens t’aiment. De plus, tu as l’appui des Phéniciens et de leur or. Que pourrais-tu espérer de plus ?

Sur ces mots, Samentou se retira, et Ramsès demeura seul.

Un espoir nouveau gonflait son cœur. S’il s’emparait des richesses du Labyrinthe, une partie d’entre elles suffirait à résoudre tous les problèmes, à améliorer le sort des paysans, à payer les dettes phéniciennes, à libérer les biens hypothéqués. Et alors, quels témoignages de son règne ne pourrait-il ériger en terre d’Égypte ?

Oui, toutes les difficultés disparaîtraient à ce moment-là ; les emprunts consentis par Hiram n’étaient, eux, qu’un palliatif momentané, car les dettes doivent tôt ou tard, être remboursées. Le Labyrinthe, lui, sauverait l’Égypte de la ruine.

Chapitre XV

Sur le chemin de Thèbes, où il devait rendre l’ultime hommage à son père défunt, Ramsès XIII s’arrêta dans la province de Piom. De nombreuses pyramides s’élevaient là et, surtout, tout près du Nil, se dressait le fameux Labyrinthe, construit par Amenemhat et qui servait aux rois égyptiens de tombeau et de chambre du trésor.

C’est là que reposaient, en effet, les momies de nombreux pharaons, d’archiprêtres et de généraux, et c’est là que s’entassaient les richesses du royaume.

Extérieurement, le Labyrinthe ne semblait ni inaccessible ni particulièrement gardé. Un groupe de soldats au service des prêtres s’occupait de sa défense, sous la direction de religieux spécialement affectés au Labyrinthe. Mais la grande particularité de cet édifice, c’était ses trois mille chambres reliées entre elles par un dédale de couloirs dont personne, sauf quelques initiés, ne connaissait le plan. Tout nouveau pharaon, tout archiprêtre, tout trésorier nouvellement nommé, avait pour devoir de contempler de ses propres yeux le trésor du pays. Cependant, aucun d’entre eux n’était capable d’y arriver sans être guidé. Aucun n’avait même d’idée précise quant à l’endroit où se trouvaient entreposées les richesses. Certains croyaient le trésor sous terre, d’autres pensaient qu’il était caché loin du Labyrinthe auquel le reliait un couloir souterrain. Personne, d’ailleurs, n’essayait d’approfondir la question, car la loi voulait que toute curiosité dans ce domaine fût punie de mort.

Arrivé dans la région de Piom, le nouveau pharaon visita d’abord le pays lui-même. C’était une des provinces les plus prospères de l’Égypte. Dans les vergers poussaient des figuiers et des tamariniers, des champs soigneusement cultivés s’étendaient à perte de vue.

Le peuple accueillit son pharaon avec beaucoup d’enthousiasme ; on lui jeta des fleurs, on le couvrit de parfums ; il reçut pour dix talents d’or et de pierres précieuses. Mais Ramsès n’oubliait pas la raison principale de sa visite à la province : le Labyrinthe.

Il fut reçu à l’entrée du bâtiment par un groupe de prêtres au visage d’ascètes, ainsi que par quelques soldats au crâne tondu.

— Même ces soldats ressemblent aux prêtres ! s’étonna Ramsès.

— Ils le sont, mais ne possèdent que les consécrations inférieures, répondit le gardien-chef du temple.

Effectivement, tous ces hommes à la figure austère avaient fait vœu de chasteté et ne mangeaient pas de viande. Ils étaient fanatiquement dévoués à leur tâche. Le pharaon comprit tout de suite qu’on ne pouvait attendre d’eux aucun compromis, aucune trahison.

« Je me demande comment Samentou fera pour trouver son chemin … se dit-il ; je me demande aussi si mes Grecs et mes Asiates auront peur de ces soldats chauves. À vrai dire, ils sont si sauvages que les allures solennelles ne leur en imposent pas !.. ».

À la demande des gardiens du Labyrinthe, la suite du prince resta devant le porche, sous la garde des soldats.

— Dois-je aussi laisser ici mon glaive ? demanda le pharaon.

— Ce n’est pas la peine. Nous n’avons rien à en redouter …

Cette réponse insolente fit monter une bouffée de colère au visage de Ramsès, mais il avait depuis longtemps appris à se dominer. Il pénétra dans le bâtiment après avoir traversé une vaste cour bordée de sphinx. Dans le vestibule sombre, s’ouvraient huit portes.

— Par quelle porte Sa Sainteté veut-elle pénétrer dans le Trésor ? demanda le gardien-chef.

— Par celle qui accède au chemin le plus court.

Chacun des prêtres qui l’accompagnaient prit une brassée de torches, mais un seul en alluma une. Le gardien principal marchait à côté du pharaon, avec, à la main, un chapelet dont il faisait glisser les grains. Trois autres prêtres suivaient Ramsès.

Le prêtre au chapelet tourna à droite, et pénétra dans une grande salle dont les murs et les colonnes étaient couverts de dessins et d’inscriptions. De là, ils prirent un couloir étroit et montant, et se trouvèrent dans une autre salle aux portes innombrables. Là, le plancher s’entrouvrit et ils descendirent par un escalier étroit. Ils arrivèrent ainsi dans une pièce où ne semblait exister aucune issue ; mais le guide toucha une inscription murale et une porte apparut. Ramsès essayait de retenir le chemin qu’ils suivaient, mais bientôt il perdit tout sens de l’orientation et renonça. Il vit seulement qu’ils traversaient de grandes et de petites salles, qu’ils longeaient des couloirs tantôt larges et tantôt étroits, qu’ils montaient, descendaient, ouvraient certaines portes et en fermaient d’autres. Il avait aussi remarqué qu’à chaque porte franchie le guide faisait glisser un grain de son chapelet.

— Ou sommes-nous, maintenant ? demanda-t-il soudain. Sous terre ou à l’air libre ?

— Nous sommes aux mains des dieux ! répondit son voisin.

« Décidément, ils parlent tous le même langage ! » se dit Ramsès.

Un instant plus tard, il s’exclama :

— Mais nous sommes passés par ici au moins deux fois déjà !

Les prêtres ne dirent rien, mais celui qui portait la torche l’approcha du mur et Ramsès dut admettre que les inscriptions qu’il y voyait lui étaient inconnues, et qu’il ne les avait jamais vues auparavant.