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— Le pharaon veut que le peuple attaque les temples le 23 septembre, commença Herhor. Or, nous devons faire en sorte que cette attaque se produise le 20 septembre …

— Dieux ! s’écria de nouveau le gouverneur d’Aa en levant les bras. Pourquoi veux-tu que nous attirions le malheur sur nous trois jours plus tôt ?

— Écoutez ce que vous dit Herhor, et faites que l’attaque se produise le 20 au matin ! ordonna Méfrès d’un ton autoritaire.

— Et si le peuple parvenait à prendre les temples d’assaut ? demanda le juge d’une voix troublée.

— Si le plan de Herhor échoue, j’appellerai les dieux à mon secours, dit Méfrès, et un éclair mauvais passa dans son regard.

— Je sais que vous, archiprêtres, avez vos secrets que nous ignorons, répondit le grand juge. Nous vous obéirons donc, et provoquerons l’attaque le 20 septembre. Mais le sang de nos enfants retombera sur vos têtes !

— Oui, qu’il retombe ! s’écrièrent les autres dignitaires.

— Soit, nous l’acceptons, répondit Herhor. Depuis dix ans, ajouta-t-il, nous gouvernons le pays, et jamais aucun d’entre vous n’a eu à s’en plaindre ; nous savons tenir nos promesses, vous le savez. Soyez donc patients et fidèles quelques jours encore. Alors vous verrez la puissance des dieux et vous recevrez votre récompense !

Les dignitaires se retirèrent, inquiets et troublés. Méfrès et Herhor restèrent seuls.

Après un moment de silence, Herhor dit :

— Ce Lykon était utile aussi longtemps qu’il jouait au fou … Mais pourra-t-il se faire passer pour Ramsès en public ?

— Si la mère de Ramsès l’a pris pour son fils, c’est qu’il est très ressemblant. D’ailleurs, il ne s’agira que de dire quelques mots, et nous l’assisterons …

— C’est un si mauvais comédien !

— Il possède le don de double vue et peut nous rendre d’immenses services, répliqua Méfrès.

— Tu parles toujours de cette double vue ! Je voudrais bien voir ce qui en est … demanda Herhor avec ironie.

— Tu le veux vraiment ? Suis-moi ; mais, je t’en supplie, oublie aussitôt ce que tu auras vu …

Ils descendirent dans un des caveaux du temple de Ptah ; là, ils virent, à la lumière d’une torche, un homme assis à une table, et qui mangeait. Il portait la tunique de la garde royale.

— Lykon, dit Méfrès, le ministre Herhor veut éprouver les dons que t’ont accordés les dieux …

Le Grec repoussa son plat et se mit à grommeler :

— Maudit soit le jour où j’ai touché du pied le sol de ce temple ! Je préférerais travailler aux carrières et recevoir des coups de fouet !..

— Il sera toujours temps pour cela … répondit sèchement Méfrès.

Lykon pâlit subitement en voyant dans la main du prêtre une bille de cristal. Son regard devint trouble ; son visage se couvrit de sueur, sa bouche se crispa. Il fixait, comme fasciné, le cristal et n’en pouvait détacher te regard.

— Voilà, il dort déjà, dit Méfrès.

— Ou fait semblant … répondit Herhor.

— Pince-le, brûle-le, si tu veux !

Herhor tira un poignard d’acier et en menaça Lykon. Le Grec ne bougea pas, ses paupières n’eurent pas même un tremblement.

— Regarde ici, lui disait Méfrès, regarde dans ce cristal … "Y vois-tu l’homme qui t’a pris Kamée ? …

Le Grec se leva, de la bave apparut à ses lèvres, ses poings se serrèrent.

— Lâchez-moi ! dit-il d’une voix sourde. Lâchez-moi, que j’aille boire son sang !

— Où est-il, en ce moment ? demanda Méfrès.

— Dans le petit palais, au fond du jardin royal, près du fleuve ; une jeune femme, très belle, l’accompagne, murmura le Grec.

— C’est Hébron, la femme de Tutmosis, dit calmement Herhor. Avoue, Méfrès, qu’il ne faut pas avoir le don de double vue pour savoir cela ! ironisa-t-il.

Les lèvres de Méfrès se crispèrent.

— Je vais te montrer mieux, pour te convaincre, dit-il. Lykon, poursuivit-il en s’adressant au Grec, parle-nous maintenant du traître qui cherche le chemin du Labyrinthe ?

Le Grec fixa un instant le cristal puis murmura :

— Je le vois … Il est habillé comme un mendiant … Il est couché dans le jardin d’une auberge, sur la route du Labyrinthe … Il y sera au matin …

— Et comment est-il ?

— Il a une barbe et des cheveux roux …

— Qu’en penses-tu ? demanda Méfrès au ministre, avec un air de triomphe.

— Je pense que ta police est bien faite, répondit Herhor, toujours aussi incrédule.

— Mais la tienne ne l’est pas ! s’écria Méfrès en colère. Lee gardiens du Labyrinthe ne font pas leur devoir ! Cette nuit encore, je me rendrai sur place pour les avertir que quelqu’un cherche à pénétrer dans le sanctuaire ! Et si je réussis à sauver le trésor des dieux, j’espère que tu me nommeras grand gardien du Labyrinthe ? …

— Si tu le veux … répondit Herhor avec indifférence.

Mais, dans son for intérieur, il ajouta :

« Le saint Méfrès commence à montrer les dents … Il ne veut devenir que … grand gardien du Labyrinthe, et faire de son protégé Lykon … le pharaon ! Décidément, il faudrait dix Égyptes pour assouvir l’avidité de mes confrères !.. ».

Le soir même, Méfrès et Lykon partaient en litière vers le Labyrinthe.

* * *

Dans la nuit du 14 au 15 septembre, Samentou pénétra dans le Labyrinthe, par une issue connue de lui seul, comme il l’avait annoncé au pharaon. Il avait dans la main plusieurs torches et un panier sur le dos. Il passait facilement de salle en salle, de couloir en couloir, ouvrant d’un seul geste de la main les portes secrètes et les dalles pivotantes. Parfois il hésitait ; il déchiffrait alors des signes gravés sur le mur et les comparait avec ceux de son chapelet. Après une demi-heure de marche, il arriva dans la chambre du trésor et descendit dans la cave située au-dessous. C’était une longue pièce dont le plafond bas était soutenu par de larges colonnes creuses. Samentou alluma deux nouvelles torches et se mit à déchiffrer les inscriptions des murs. Il y lut :

Je suis le véritable fils des dieux ; ma colère est terrible. Au grand air, je me transforme en flamme et provoque le tonnerre ; enfermé, je suis force et destruction, et aucun granit ne peut me résister. Seule l’eau m’adoucit et m’enlève mon pouvoir ; ma colère naît d’une simple flamme ou même d’une étincelle.

— Je crois comprendre, murmura Samentou. Voilà le secret de la destruction du labyrinthe.

Il ouvrit une des petites portes pratiquées dans les colonnes, et y trouva un vase rempli d’une poudre grisâtre d’où sortait une mince cordelette. Samentou prit un peu de la substance grise et en approcha sa torche : aussitôt une flamme s’éleva, répandant une abondante fumée et une odeur suffocante. Le prêtre reprit encore un peu de cette poudre, en fit un petit tas sur le sol, y appliqua un morceau de la corde, et plaça une pierre sur le tout. Puis, il mit le feu à l’extrémité de la corde ; celle-ci grésilla, et au bout d’un instant la pierre fut entourée de flammes et bondit subitement dans l’air embrasé.

— Voilà ce qu’ils nomment le fils des dieux ! murmura en souriant Samentou. Non, le trésor ne sera pas anéanti !

Il se mit à aller de colonne en colonne, les ouvrant toutes, et enlevant les cordes qui pendaient des vases.

— Ma découverte mérite que le pharaon me donne la moitié du trésor que j’ai sauvé … murmurait-il. Ou, tout au moins, qu’il me nomme prêtre d’Amon à Thèbes … Il le fera certainement, car c’est un maître généreux …