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Il se leva et s’assit avec peine sur la moquette. Son œil ne l’avait pas trahi : le faisceau comprenait maintenant quatre fils au lieu de trois. Il reconnut facilement le nouveau venu, quoiqu’il fût à peu près de la même teinte que les autres ; mais il n’avait pas la même patine. Il fit le tour de l’armoire, repéra l’endroit où les fils réapparaissaient. En ce point, ils n’étaient plus que trois : les trois anciens.

Le froncement de son sourcil s’accentua. Il revint de l’autre côté du meuble et se mit à plat ventre pour suivre le faisceau de la main. Il ne fut pas long à découvrir l’explication du mystère.

Le fil supplémentaire n’allait pas loin. Ses doigts s’immobilisèrent sur un objet de faible dimension qui semblait collé contre la cloison derrière l’armoire. Cela lui parut assez insolite pour qu’il prît la peine de déplacer celle-ci, en se gardant de faire aucun bruit. L’objet qu’il découvrit alors lui était bien connu, il en avait vu de nombreux échantillons au cours de sa vie aventureuse : c’était un petit microphone, à peine plus gros qu’un dé à coudre.

Son expérience d’une existence mouvementée, peuplée d’aléas et d’événements hors du commun, préservèrent en cette circonstance Martial Gaur d’agir avec précipitation. Il conserva tout son calme et ne se livra à aucune manifestation bruyante devant cette découverte. C’est à peine s’il émit un très léger sifflement. Il se garda bien de toucher à l’appareil. Aussitôt qu’il eut reconnu sa nature, il l’avait dérangée, s’assit de nouveau dans son fauteuil et se mit à réfléchir, à peu près dans la même attitude qu’il avait auparavant, mais agitant des pensées bien différentes.

Le fil venait de la chambre d’Olga. Celle-ci occupait la pièce depuis un mois environ et Gaur était certain qu’il n’était pas là quelques jours plus tôt. On n’avait pas effectué de travaux à cet étage de l’hôtel depuis longtemps. La conclusion s’imposait : c’était elle, c’était Olga qui avait installé le micro, profitant d’un ou deux séjours qu’elle avait faits seule dans sa chambre depuis leur intimité. Elle l’espionnait. Voilà, sans aucun doute, pourquoi elle était si pressée de se jeter à son cou. Voilà l’explication du fameux coup de foudre.

Dans le même temps que son scepticisme naturel triomphait en découvrant un motif intéressé à un acte d’apparence spontanée, il ressentit une légère amertume et souffrit dans son amour-propre. Il avait été près de marcher ; on ne l’y reprendrait plus. Elle s’était donnée à lui pour pouvoir l’épier à son aise. Ce n’était que cela et rien de plus.

Mais son désenchantement fut très vite dissipé par la surexcitation de la nouvelle énigme qui s’imposait maintenant à son esprit et qui enveloppait la conduite de cette fille d’une brume encore plus épaisse qu’avant sa découverte. Pourquoi diable vouloir l’espionner, lui, Martial Gaur, un vieil ours solitaire, qui menait une existence claire comme le jour et qui se désintéressait de tous les problèmes d’actualité ? Cela paraissait encore plus Invraisemblable qu’un coup de foudre.

Le prenait-elle pour un autre ? Le fait maintenant évident qu’elle s’était documentée à son sujet avant de l’aborder infirmait cette hypothèse. L’imaginait-elle possesseur d’un secret important ? Il se jura de résoudre ce problème au plus tôt. En ayant enfin terminé avec ses hésitations, il décida d’aller lui rendre visite sur-le-champ, sans rien laisser percer de sa découverte, bien entendu.

Olga ne mit que quelques secondes à lui ouvrir, mais il remarqua qu’elle s’était enfermée à clef. Elle s’apprêtait certainement à sortir. Elle avait enfilé son manteau et son sac était sur le lit, à côté de ses gants.

Leur étreinte fut un échantillon rare de duplicité. Il éprouvait une sorte de plaisir subtil en mesurant à certains symptômes combien chacun des nerfs et des muscles de sa maitresse était appliqué à feindre la tendresse. Quant à lui, tandis qu’il pressait son corps contre le sien, couvrant son visage de baisers, avec toutes les marques de la passion la plus ingénue, il l’avait obligée de se reculer un peu pour se rapprocher de la cloison. Puis, comme il l’embrassait dans le cou, son œil attentif cherchait l’issue des fils électriques par-derrière la nuque.

Il ne fut pas long à la découvrir, non loin d’une armoire analogue à celle de sa propre chambre. Il y avait là également quatre fils, il aurait pu le jurer, dont le faisceau disparaissait derrière le meuble. Il éprouva une nouvelle satisfaction en apercevant des traces sur la moquette. Cela lui suffisait ; le fil suspect s’arrêtait certainement derrière l’armoire. Quand elle se mettait à l’écoute, il l’imaginait sans effort sortant le bout libre du fil et le reliant à des écouteurs ou à un appareil d’enregistrement. Il eût donné cher pour fouiller une mallette, paraissant avoir une serrure solide et dont la clef avait été retirée, posée non loin de là sur une table basse. Les traces sur la moquette provenaient sans doute de ce meuble, qui avait été rapproché.

Ces traces étaient fraîches. Il lui vint à l’esprit, tandis qu’il s’emparait de ses lèvres, qu’elle avait sans doute écouté sa conversation avec Herst, mais il n’attacha pour l’instant aucune signification particulière à cette probabilité.

« Vous êtes là depuis longtemps ? Pourquoi ne pas avoir frappé à ma porte ? » demanda-t-il sur un ton de reproche amical.

Ceci était une remarque assez singulière de sa part, étant donné leur convention tacite de ne jamais s’imposer l’un à l’autre ; mais il avait décidé de se montrer particulièrement aimable.

« Il m’avait semblé entendre parler dans votre chambre. J’ai pensé que vous aviez une visite et je ne voulais pas vous déranger. »

Il s’était détaché d’elle et la regardait dans les yeux, les mains posées sur ses épaules, étudiant avec attention ses moindres réflexes ; tout en l’enveloppant de son sourire le plus tendre. Elle soutint son regard et son visage lui renvoya un sourire d’une quantité égale. Il ne put s’empêcher d’admirer son sang-froid : prétendre ne rien avoir entendu dans la chambre voisine aurait pu lui paraître suspect.

« Ce n’était que Herst, un de mes meilleurs amis. Il faudra que je vous le présente un jour... Il exerce une profession assez originale : gorille. Il est attaché à la personne du chef de l’Etat. »

Une intuition confuse l’avait incité à parler de Herst et de son métier, tout en guettant ses réactions. Elle ne sourcilla pas, mais il lui sembla apercevoir un très léger frémissement de son épaule. Il n’insista pas et changea de sujet.

« Vous sortiez ? Moi qui avais pensé que, peut-être, ce soir... »

Il avait depuis un moment l’impression que sa visite dérangeait les plans d’Olga, qu’elle sortait avec précipitation et, sans qu’il pût expliquer pourquoi, que ce départ était en relation avec la conversation téléphonique dont il avait entendu le murmure.