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— Pas possible ! »

Ceci ne causait aucun plaisir à Martial Gaur, qui ressentit même une vive contrariété. Il ne souhaitait pas du tout l’arrestation des coupables et ce fut le cœur serré qu’il demanda des détails.

« Le propriétaire de ladite maison s’est dérobé à l’enquête.

Il a disparu mystérieusement et tout porte à croire qu’il s’est enfui à l’étranger. Il semble prouvé, d’autre part, qu’il fait partie d’un groupement séditieux. Coïncidence bizarre, tu ne trouves pas ?

— Possible. Pas de piste plus précise ?

— La police continue l’enquête. Elle n’a pas encore abouti à ma connaissance. »

Gaur vida son verre d’un trait, resta un moment songeur et reprit :

« Quoi d’autre ? Tu m’as annoncé que tu avais une proposition à me faire − et qui t’intéressera sans doute. Tu te rappelles la promenade solitaire de Malarche dans la forêt ?

— Bien sûr. Et je te remercie encore de m’avoir passé le tuyau.

— Eh bien, j’espère pouvoir t’en refiler bientôt un autre du même genre.

— Aussi bon ?

— Meilleur. »

Le cœur de Martial se mit à battre avec violence.

« Meilleur ? Mon vieux, tu es vraiment un frère. Si tu fais ça pour moi...

— Tais-toi. Je te répète que tu l’as bien gagné. »

Le tuyau auquel Herst venait de faire allusion avait été une véritable aubaine pour le photographe. Il s’agissait d’une promenade à cheval en solitaire de Pierre Malarche, une escapade comme le président aimait à en effectuer de temps en temps au désespoir de ses gardes du corps. Herst, qui était un peu son confident pour ces sortes d’affaires, en avait informé Gaur la veille, sachant bien que celui-ci tiendrait sa langue, trop heureux d’exploiter seul ce renseignement précieux. Dissimulé dans un fourré, Martial put prendre une photo assez remarquable, qui eut les honneurs d’une première page dans un hebdomadaire. Malarche avait cru au hasard d’une photo d’amateur et ne s’était pas formalisé. Il tenait à son auréole de sportif et à la réputation qu’il avait d’être un esprit indépendant.

Il ne détestait pas que la preuve en eût été publiée, dès lors qu’il n’avait pas été importuné par le témoin.

Herst ne pouvait évidemment renouveler souvent ce geste de camaraderie, sous peine de rendre suspecte sa propre discrétion. Mais, de temps en temps, c’était possible.

« Je me rappelle, maintenant. Tu m’avais laissé entendre quelque chose de ce genre, le jour où nous nous sommes rencontrés devant l’église.

— Je pensais que c’était le meilleur moyen de chasser tes papillons noirs. Eh bien, ça se précise : tu sais que le président va bientôt effectuer une longue tournée, qui l’amènera dans le sud de la France, et en particulier sur la côte méditerranéenne, dont il est originaire ?

— J’en ai entendu parler.

— Une tournée officielle, mais en même temps une sorte de voyage de noces. Lui et sa douce moitié veulent en profiter pour prendre quelques vacances. Cela signifie pour lui respirer, marcher librement, se baigner sans doute – il adore cela et elle aussi – sans la présence constante d’une suite officielle et surtout sans la surveillance d’une bande d’enquiquineurs comme papa Herst et ses gorilles.

— Je le comprends assez bien.

— Moi aussi, dans le fond. Mais là n’est pas la question.

Comme il est obligé d’avoir un complice pour se rendre libre, il m’a déjà prévenu que je devrais combiner pour lui quelques escapades de ce genre. Oui, je deviens l’organisateur des loisirs clandestins. Cela me donne assez de soucis !... Donc, si tu n’as rien de mieux à faire et si par hasard tu te trouves là quand il lui prendra fantaisie de faire l’école buissonnière, je suis à peu près certain de pouvoir te refiler encore un tuyau intéressant à l’oreille... Est-ce que je ne suis pas un ami ?

— Un frère, je te le répète. »

Martial Gaur lui serra la main avec une émotion qui n’était pas feinte. Brave Herst ! Depuis qu’ils se connaissaient, depuis l’époque de la résistance, il n’avait jamais manqué de jouer ce rôle et de lui signaler chaque fois qu’il le pouvait les points dignes d’intérêt pour un photographe.

« Sois tranquille. Je suivrai la tournée et resterai en liaison avec toi. Tu ne peux savoir ce que signifie une occasion pareille pour moi. J’ai l’impression d’exister encore, de ne plus être un vieillard invalide. »

Herst haussa les épaules.

« Si je suis ton obligé pour l’histoire de l’échafaudage, Malarche l’est encore davantage. Je suis de plus en plus convaincu qu’il te doit une fière chandelle, peut-être la vie. Il est juste qu’il te témoigne de la reconnaissance d’une manière indirecte.

— C’est vrai, après tout », répondit Martial Gaur, songeur.

XIII

IL se réveilla avec un léger mal de tête, ayant quitté son ami assez tard la nuit précédente et bu avec lui plus qu’ils n’en étaient coutumiers. Tous deux se sentaient dans cet état euphorique qui réclame une excitation extérieure ; Herst, parce qu’il était débarrassé pour un temps de ses responsabilités et de ses soucis ; Gaur, parce qu’il lui semblait que les événements prenaient une orientation satisfaisante, après la légère impulsion qu’il leur avait donnée.

Il commanda du café, en but deux tasses tout en réfléchissant aux promesses de Herst et se sentit aussitôt l’esprit alerte et l’œil éveillé, si bien éveillé qu’il observa dès son lever un détail qui lui avait échappé la veille : le quatrième fil, celui du microphone, avait disparu. Il vérifia que l’instrument lui-même n’était plus là. Quelques légères écailles de la peinture témoignaient seulement de l’inquisition d’Olga.

Cette constatation lui procura d’abord quelque ennui, puis son visage s’éclaira. Olga avait jugé que leur intimité rendait maintenant inutiles ces accessoires de roman policier. Ils étaient même dangereux, car leur découverte fortuite pouvait compromettre une situation bien établie de part et d’autre. Elle était dans le vrai. Il l’approuva si bien qu’il décida d’aller, ce matin même, rendre à Tournette le micro « ultra-directionnel »

qu’il lui avait emprunté depuis plusieurs jours déjà et qu’il dissimulait dans une valise.

Une autre raison l’incitait à rechercher le contact de cet ami, qu’il considérait encore un peu comme son maître. Il avait agi jusqu’ici par intuition et sous la pression des événements. Il ressentait aujourd’hui quelque incertitude sur sa conduite future, sur l’opportunité d’imprimer un peu plus profondément sa griffe sur la trame du destin et sur la direction dans laquelle ce nouveau pas éventuel devait être fait. Il n’était certes pas question pour lui de solliciter un conseil de Tournette. Martial Gaur ne demandait jamais de conseil, pas même à son mentor, et il eût été d’ailleurs en peine de formuler d’une façon claire un problème qui se débattait encore dans son inconscient. Mais, dans la simple compagnie du vieux bonhomme et dans des conceptions que celui-ci ne se faisait pas faute de développer chaque fois qu’il trouvait un auditeur complaisant, il lui semblait possible de découvrir des éléments qui l’éclaireraient.

Le besoin d’une communauté de sentiments se fait parfois sentir, même chez les plus fortes personnalités.